Les exploitants de ranchs canadiens tirent profit de leur leadership en matière de durabilité
Le bœuf est fièrement produit par des milliers d’éleveurs canadiens et, qu’il soit dégusté au restaurant, en grillade les soirs de semaine ou lors du souper du dimanche soir, les consommateurs s’intéressent de plus en plus à la manière dont il est produit. Plus spécifiquement, ils veulent savoir si leur bœuf est issu de la production durable et quel a été son impact sur l’environnement.
La Table ronde canadienne pour le bœuf durable (TRCBD) (en anglais seulement), un groupe dirigé par l’industrie, a défini une norme et un cadre qui s’adressent à tous les producteurs et qui décrivent les pratiques de production considérées comme étant durables.
Mais est-ce difficile d’adopter et de maintenir des pratiques durables? La certification issue du programme est-elle bonne pour les affaires? Est-elle avantageuse pour les producteurs ou sert-elle seulement à avoir bonne conscience?
Coy Schellenberg, de Beechy, en Saskatchewan
Coy Schellenberg, sa femme Laura-Lie et leurs quatre enfants exploitent Perrin Ranching, une exploitation vache-veau dans le Sud-Ouest de la Saskatchewan. Ils participent à un programme de bœuf durable depuis des années et ils sont heureux qu’un cadre ait été créé pour récompenser le travail que la vaste majorité des producteurs font déjà.
« C’est un mouvement qui reconnaît les bonnes pratiques et la gestion responsable déjà en place dans l’industrie bovine », explique-t-il.
M. Schellenberg estime qu’il lui a coûté moins de 1 000 $ pour participer au programme, et que l’audit initial était la partie la plus difficile du processus.
Ne laissez pas la paperasse vous intimider
Son audit a pris une journée complète. Le reste du processus consistait à présenter des registres et à remplir divers formulaires. Il explique que chaque année, sa participation au programme nécessite environ une journée et demie de travail, et que le processus n’est pas vraiment laborieux du tout si les documents sont régulièrement tenus à jour.
Il dit que la paperasse ne devrait pas dissuader les producteurs. Il souligne d’ailleurs qu’un programme de durabilité peut amener un producteur à tenir des registres qui peuvent l’aider à mieux gérer son exploitation.
La durabilité comme décision d’affaires
L’homme d’affaires averti ajoute qu’il adhère au programme à la fois parce que c’est la bonne chose à faire et qu’il y voit un certain avantage économique. À l’heure actuelle, les paiements qu’il reçoit couvrent à peine plus que les coûts du programme.
« En ce moment, nous rentrons juste dans notre argent », dit-il, mais il entrevoit l’avenir avec optimisme. « Il faut simplement que les consommateurs réalisent que nous pratiquons une agriculture durable et qu’ils nous appuient. »
Selon M. Schellenberg, le plus difficile est de vaincre la réticence et l’attitude défensive que peuvent manifester des agriculteurs.
« Il y a cette fausse perception qu’un tel programme nuit aux activités de l’exploitation, mais les programmes de durabilité ne sont pas aussi contraignants qu’on se l’imagine, et on peut en tirer un avantage en retour et une tenue de dossiers améliorée », fait-il valoir.
De la place à l’amélioration
Pour que M. Schellenberg obtienne une prime allant de 15 $ à 20 $ par tête, ses animaux doivent passer par des installations approuvées par son programme de durabilité à toutes les étapes de la chaîne de valeur.
Lorsqu’un maillon de la chaîne d’approvisionnement ne participe pas au programme, cela crée un problème. Par exemple, si un animal passe 90 % de sa vie dans des installations certifiées, mais qu’il est abattu par un conditionneur qui n’adhère pas au programme, M. Schellenberg ne reçoit alors aucune prime. De plus, il n’a aucun contrôle sur le choix de l’abattoir; cette décision revient entièrement au parc d’engraissement.
Les producteurs cherchent des moyens de se démarquer. Les programmes de durabilité sont une façon vraiment abordable et peu exigeante en temps pour y parvenir.
Dans l’ensemble, il est satisfait du programme de durabilité.
« Les producteurs cherchent des moyens de se démarquer », poursuit M. Schellenberg. « Les programmes de durabilité sont une façon vraiment abordable et peu exigeante en temps pour y parvenir. Il existe de nombreuses manières de se démarquer. Les producteurs devraient en utiliser le plus possible. Les programmes de durabilité conviennent bien aux fermes et aux ranchs d’un bout à l’autre du pays. »
Jill Harvie, d’Olds, en Alberta
Jill et Cole Harvie produisent du bœuf durable depuis plus d’une décennie et ils comptent bien continuer. À Harvie Ranch, le couple élève un troupeau de 250 têtes de Hereford et de Charolais. Mme Harvie est fière de participer à un programme de durabilité qui accroît la visibilité non seulement de son ranch, mais également de l’ensemble des ranchs du Canada.
Le leadership du Canada en matière de durabilité
« Le Canada fait preuve d’un leadership incroyable sur la scène mondiale en assurant que nous mesurons ce que nous faisons », affirme Mme Harvie. « Si l'efficacité d'une activité est remise en question, nous disposons d'une base de référence pour témoigner d'une amélioration constante au fil du temps. »
Mme Harvie explique que l’adhésion à un programme de durabilité n’est pas très exigeante pour la plupart des producteurs puisque leurs pratiques sont déjà conformes aux exigences. Comme M. Schellenberg, Mme Harvie indique que les principales tâches associées à la participation à un programme de durabilité consistent à la tenue de registres.
« Heureusement, la plupart des données sont déjà recueillies par les éleveurs, d’une façon ou d’une autre. Il faut simplement les transmettre aux administrateurs du programme dans le format exigé », explique-t-elle.
La durabilité pour l’exportation
Les programmes de durabilité sont perçus comme étant la voie de l’avenir dans le monde entier et particulièrement dans les marchés à valeur élevée comme l’Union européenne où les consommateurs sont plus exigeants.
« Certains marchés apprécient le côté pur du Canada — l’eau douce, des bovins en santé, l’amabilité des gens, et même les cowboys — et ce n’est pas seulement une image, c’est corroboré par des données », poursuit Mme Harvie. « Plus nous ferons preuve de transparence, mieux nous serons positionnés. »
Le défi de s’améliorer
Mme Harvie estime qu’il est bon de participer à un programme de durabilité en partie parce que cela aide les producteurs à adopter les meilleures pratiques possible. Après avoir adhéré au programme, sa famille s’est affairée à terminer d’importants travaux d’amélioration du bassin versant sur leurs terres. Elle considère que de tels programmes encouragent les producteurs à donner le meilleur d’eux-mêmes.
Par surcroît, sa participation au programme lui a donné l’occasion de rencontrer d’importants leaders de grandes entreprises du secteur du bœuf, ce qui ne serait jamais arrivé autrement, selon elle. Ces rencontres ont été bénéfiques à son développement professionnel et à ses affaires.
« Il y a quinze ans, on n’aurait jamais pensé se trouver dans la même salle que les propriétaires des plus importantes grilladeries canadiennes ou de McDonald’s », mentionne-t-elle. « Mais aujourd’hui, grâce à la Table ronde canadienne pour le bœuf durable, c’est devenu courant, en quelque sorte. »
Ben Younge, de Shawville, au Québec
À Willow Hollow Farms, Ben Younge a toujours exploité sa ferme de 230 vaches de façon durable; seulement, il n’avait pas de document qui le prouvait. Mais ce n’est plus le cas depuis qu’il a obtenu une certification d’un programme de durabilité américain il y a quatre ans. Depuis, il obtient des primes très intéressantes pour chaque tête vendue.
« Nous éprouvions des difficultés à concurrencer les grands parcs d’engraissement; il nous fallait donc trouver un créneau », explique-t-il. Je me suis donc renseigné sur divers programmes spéciaux, puis nous avons réalisé que nous suivions déjà tous les protocoles nécessaires à la certification. »
Se séparer du troupeau
Bien qu’il ait été encouragé par le succès du programme qui favorisait des pratiques déjà en place à sa ferme, c’est principalement le revenu qu’il pouvait tirer du programme qui l’a convaincu d’y adhérer.
« Comme notre exploitation est petite, nous pouvons seulement assurer notre survie en tentant d’obtenir un prix plus élevé à la livre que le prix courant moyen », précise-t-il, référant à la prime qu’il reçoit pour la production de bœuf durable. La question de participer ne se posait donc pas. »
Peu après avoir été certifié, il a décidé de participer à un deuxième programme de durabilité, lequel était basé au Canada. L’éleveur de troisième génération a rapidement réalisé qu’il devait se soumettre à un audit qui, à ses dires, n’était rien de plus qu’« une visite de ferme » et qu’il devait aussi produire des documents qu’il possédait déjà.
Reconnaître la durabilité
« Très peu de changements à nos façons de faire ont été nécessaires », indique-t-il. « Nous avions juste à préparer certains documents. C’est bien d’être reconnu pour nos pratiques durables. »
Le temps qu’on doit consacrer annuellement au programme est « presque rien » et, selon lui, la plupart des producteurs se qualifient déjà. Il leur suffirait de soumettre une demande à un programme.
Le programme représente des coûts de quelques centaines de dollars, que M. Younge trouve tout à fait acceptables, considérant les primes qu’il reçoit au moment de la vente de ses animaux.
Il projette maintenant d’étudier la possibilité de vendre son bœuf à des restaurants haut de gamme au Québec, croyant que ses pratiques de production seraient bien accueillies par les clients à la recherche d’aliments de qualité lors de leurs sorties.
Produire le meilleur steak
« Considérant les soins que nous apportons aux animaux, la manière dont nous les traitons, les aliments que nous leur donnons et les protocoles de sécurité que nous suivons, le bœuf que nous produisons devrait être immanquablement la meilleure viande sur le marché », affirme-t-il. « J’aime tenter de relever le défi d’être le meilleur. »
M. Younge précise que pour lui, le processus d’adhésion était simple en raison de sa tenue de dossiers et de la configuration de sa ferme, mais il est conscient que l’expérience pourrait être différente pour d’autres producteurs. Les avantages et les inconvénients de participer à un programme doivent être bien soupesés.
« Chaque exploitation doit évaluer les conditions pour adhérer à l’un de ces programmes », conclut-il. « Si un producteur doit modifier en profondeur ses activités pour pouvoir être certifié, cela implique des coûts. Mais en ce qui nous concerne, nous respections déjà tous les critères du programme que nous avons choisi. »
En conclusion
Il peut être plus facile de participer à un programme de durabilité du bœuf que vous l’aviez imaginé. Au Canada, de nombreuses pratiques exigées sont déjà bien intégrées dans les exploitations bovines typiques. Une fois l’audit initial passé, les producteurs s’entendent pour dire que les efforts pour maintenir la certification sont minimes et que le programme offre la possibilité d’obtenir de meilleurs prix ou des primes.
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Article par : Trevor Bacque
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