Trois leçons importantes sur le transfert d’entreprise selon une jeune productrice
Depuis la fondation en 2011 du vignoble familial Luckett Vineyards, situé à Wallbrook, en Nouvelle-Écosse (à environ 85 kilomètres au nord-ouest d’Halifax), Geena Luckett y a toujours donné un coup de main. Puis, lorsque le poste de gestionnaire d’événements à temps plein s’est libéré, elle a posé sa candidature, qui a été retenue. Depuis, le vignoble est en plein essor, et elle en est devenue copropriétaire.
Geena Luckett, qui a récemment pris la parole lors d’un Sommet FAC de la relève, raconte comment elle a vécu ces changements et comment elle continue à guider l’entreprise familiale dans son parcours de croissance et d’expansion.
1. Faire preuve de constance
Notre établissement vinicole a beaucoup changé depuis sa fondation. Il a connu une croissance stable et graduelle.
En 2011, nous avons ouvert nos portes et vendions alors environ 3 000 caisses. Notre zone de foulage du raisin devenait un espace bistrot l’été. Notre boutique et notre bar de dégustation de vin avoisinaient les cuves. Nous avons rapidement manqué de place.
Au cours des dix années qui ont suivi, nous avons agrandi notre superficie cultivée. En 2014, nous avons signé d’importants contrats avec des viticulteurs de la région pour obtenir plus de raisins, puis nous avons installé de nouvelles terrasses afin d’accueillir plus de visiteurs. L’année suivante, nous avons ajouté une boutique et un bar de dégustation complets. Nous avons aussi déplacé la production et l’entreposage vers un site externe. En 2016, nous vendions environ 10 000 caisses par année, et nous avons continué d’apporter des modifications à notre propriété immobilière. Le plus récent projet comprenait des travaux d’envergure pour installer la majeure partie de notre bistrot dans un espace fermé en vue d’y accueillir le public toute l’année. Malgré des conditions météorologiques difficiles, nous vendons autour de 16 000 caisses annuellement, et nous prévoyons atteindre 20 000 au cours des prochaines années.
Je ne crois pas qu’il y ait eu un moment charnière où un changement radical s’imposait. Heureusement, notre croissance stable nous a permis de prendre notre temps pour déterminer ce qu’il fallait faire. Cependant, nous avons dû officialiser les choses rapidement au tout début. Mon père est un homme aux multiples talents. Il pouvait presque tout faire à lui seul, au commencement. Nous sommes des propriétaires encore très actifs sur le terrain, mais la croissance soutenue de l’entreprise nous a obligés à agrandir l’équipe.
La nature saisonnière de nos activités comporte de nombreux défis. Toutefois, elle a été bénéfique dans notre cas, car nous profitions habituellement de l’hiver pour procéder à de gros changements dans une optique de croissance, lorsque nous étions fermés. Nous évaluions ensuite nos besoins, nos partenariats, nos fournisseurs et les embauches nécessaires au printemps, avant la réouverture annuelle. Cela nous a permis de ne pas nous précipiter pour effectuer nos vérifications ou définir nos besoins, en plus de nous donner le temps de déterminer ce qui avait fonctionné ou non pendant la saison précédente.
2. Définir les responsabilités pendant le transfert
J’ai commencé à travailler au sein de l’entreprise lorsque nous avons ouvert nos portes au public en 2011. Au début, j’y consacrais mes jours de congé. Un an plus tard, notre gestionnaire d’événements a quitté la province et j’ai postulé. J’ai passé les quatre années suivantes à tout apprendre dans l’entreprise, de A à Z. En 2016, mon père a constaté qu’en raison de la croissance que nous avions connue, il avait besoin de quelqu’un pour superviser les activités et lui donner un coup de main. C’est là que j’ai été promue au poste de directrice générale.
En 2018, nous avons commencé à discuter du transfert de propriété de l’entreprise, et nous nous attendions à ce que cela se fasse graduellement, à long terme. Toutefois, mon père a vu une occasion de lancer une nouvelle entreprise outre-mer en 2020, ce qui a accéléré notre plan de transfert. Aujourd’hui, je suis copropriétaire de Luckett Vineyards et j’en dirige toutes les activités.
L’un de mes plus gros défis en matière de gestion s’est présenté lorsque je suis devenue directrice générale.
La relation entre mon père et moi en tant que dirigeants a créé de la confusion au sein de l’équipe. Un jour, l’un de mes gestionnaires m’a dit : « Je ne sais pas qui écouter! Vous me donnez des directives contradictoires et je ne veux contrarier personne. » Cela a été un moment charnière pour moi, car je ne voulais surtout pas que les membres de mon équipe perdent confiance en moi en tant que dirigeante, mais je ne voulais pas non plus qu’ils aient l’impression de ne pas pouvoir réussir dans leur travail.
Mon père et moi avons dû prendre le temps d’établir nos domaines de compétence et des stratégies afin de corriger la situation. Un aspect important consistait à inclure les membres de l’équipe dans l’élaboration de stratégies, les communications et la planification d’une façon qui leur convenait.
Je tenais aussi à mettre en place une politique de la porte ouverte pour donner aux employés de tous les échelons la conviction que leurs préoccupations, leurs idées et leurs commentaires seraient entendus. Mon père était entièrement d’accord.
En faisant en sorte que tous les membres du personnel sachent que je suis à leur disposition, qu’ils travaillent avec moi et pas seulement pour moi, nous avons créé un environnement collaboratif. Je considère que c’est l’un de nos grands accomplissements dans le cadre du transfert d’entreprise.
3. Combiner d’anciens et de nouveaux objectifs
C’est grâce au mélange de nos deux visions différentes de la croissance que notre entreprise croît de façon constante et significative.
Au début, j’étais dépassée par le désir de mon père de faire croître sans cesse l’entreprise. La croissance est importante, mais je crois qu’il importe aussi de la remettre en question. Le transfert d’entreprise a consisté surtout à combiner des approches, des stratégies, des idées, des visions et des objectifs. À mon avis, c’est grâce au mélange de nos deux visions différentes de la croissance que notre entreprise croît de façon constante et significative.
J’essaie de tout aborder avec le plus de simplicité possible et de me concentrer sur l’essentiel. Je pose des questions comme :
Qu’est-ce que cette croissance nous permet d’accomplir?
Notre croissance a-t-elle un but précis et s’inscrit-elle dans une stratégie à long terme?
Devrons-nous sacrifier quelque chose pour y parvenir?
Comment changera-t-elle les choses au quotidien, d’un mois à l’autre ou d’année en année?
L’investissement dans notre équipe et la création d’une culture axée sur le perfectionnement professionnel ont aussi été d’une importance capitale. Compte tenu des défis liés à la gestion d’une entreprise saisonnière, en plus de la rareté de la main-d’œuvre, le maintien en poste du personnel est plus important que jamais. Notre réussite ne serait pas possible sans notre équipe.
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Article par : Matt McIntosh