Les ententes écrites : une protection pour les familles agricoles
Les coûts humains et financiers peuvent être exorbitants pour les exploitations agricoles dont la structure n’est pas explicitement établie par une entente écrite ou si les décisions d’affaires importantes ne sont pas planifiées. Cela est particulièrement vrai quand on prévoit le transfert d’une exploitation agricole.
Rick Van Beselaere, avocat spécialisé en droit commercial, est souvent témoin des conséquences d’une mauvaise planification dans les exploitations agricoles. Associé du cabinet d’avocats Miller Thomson LLP, à Regina, il a de nombreux clients agriculteurs.
« De bons conseils juridiques et comptables ne mettent pas toujours les familles à l’abri des conflits, mais l’absence d’ententes officielles peut occasionner des querelles, et accroît assurément la difficulté à les résoudre ou à les aborder sous un autre angle », affirme M. Van Beselaere.
Vous devez prévoir des solutions à des problèmes potentiels.
Kerry Riglin, conseiller financier et spécialiste de la relève agricole et de la planification successorale à Wainwright, en Alberta, partage cet avis.
« L’absence d’accords en bonne et due forme et de planification peut entraîner des centaines de milliers de dollars d’impôt qui auraient pu être évités, dit M. Riglin, en particulier grâce à l’exonération cumulative des gains en capital. »
Prévoir les situations problématiques
Bon nombre d’entre nous choisissent d’éviter de penser à ce qu’il adviendrait en cas de décès prématuré, de divorce ou d’invalidité, mais la possibilité de ces malheurs rend la planification vitale.
Que se passerait-il si la mère décédait et que le père se remariait, créant du jour au lendemain une famille reconstituée? Ou si un associé était confronté à un problème de dette?
« Vous devez réfléchir à ces éventualités, insiste M. Van Beselaere. Vous devez prévoir des solutions à des problèmes potentiels, et vous devez être à même de modifier vos méthodes à mesure que votre exploitation évolue. »
M. Van Beselaere relate un cas où un associé d’une exploitation agricole a commencé à construire et à exploiter sa propre ferme, laissant l’autre associé – son frère – etses parents, qui travaillaient étroitement avec leurs fils, dans une situation de plus en plus difficile. Comme il ne travaillait plus qu’à temps partiel dans la société agricole en nom collectif, ses intérêts étaient partagés, tandis que l’autre associé consacrait beaucoup plus de son temps et de son énergie à l’exploitation. Il n’y avait aucun contrat de société pour régler la situation, et les frères ne se sont attaqués aux conflits que lorsqu’il était déjà trop tard.
Les dépenses constituent un autre problème fréquent dans les sociétés en nom collectif. Ce problème se pose souvent lorsque de nombreuses personnes engagent des dépenses au nom de l’entreprise et y puisent de l’argent à des fins personnelles.
Protégez-vous en signant des ententes
« Un contrat de société doit déterminer la structure de l’entreprise. Par exemple, il doit préciser si les deux associés sont propriétaires à parts égales ou dans des proportions respectives de 60 % et de 40 %, dit M. Riglin. De plus, le contrat doit stipuler les procédures en cas d’invalidité, de décès, de désaccord ou de départ d’un associé, en particulier si les associés ne sont pas mariés. »
Dans le cas des sociétés par actions, M. Riglin souligne qu’il est important d’avoir une convention unanime des actionnaires (CUA) pour parer aux mêmes éventualités.
Malheureusement, dit-il, la majorité des sociétés par actions n’ont pas de CUA, ou elles en ont une qui est inadéquate. Si ce type d’entente n’est pas aussi important lorsque deux conjoints sont les seuls actionnaires, une CUA est cruciale si une fille ou un fils acquiert une participation dans la société.
M. Riglin souligne que même si le père modifie son testament de manière à ne pas renoncer à la valeur des actions en circulation, c’est la CUA qui prévaudra.
Un processus d’évaluation des actifs doit aussi être prévu. Il est essentiel de convenir d’une façon de déterminer la valeur des actifs et, par le fait même, des actions pour les actionnaires qui acquièrent une participation dans l’entreprise ou qui la quittent. Cela s’avère aussi utile pour régler les questions d’égalisation du partage du patrimoine entre les enfants qui participent à l’exploitation agricole et ceux qui n’y participent pas, ce qui est encore plus important à mesure que la valeur des actifs de l’exploitation s’apprécie.
Les règles peuvent être compliquées
Dans les entreprises à propriétaire unique, on présume souvent que l’enregistrement d’une terre au nom des deux conjoints suffit pour avoir droit à l’exonération cumulative des gains en capital pour le conjoint ou la conjointe du producteur. Toutefois, M. Riglin précise que pour être admissible, la personne dont le nom figure sur le titre doit cumuler deux années où le revenu agricole brut est supérieur à tous les autres revenus.
Dans de nombreuses exploitations, l’absence d’un contrat officiel de société en nom collectif pourrait aussi avoir une incidence sur l’exonération pour gains en capital.
« Dans les sociétés par actions, il est impératif de tenir des assemblées fréquentes et de définir et de comprendre les rôles et les pouvoirs, explique M. Van Beselaere. Beaucoup de gens ne comprennent pas que les actionnaires et les dirigeants ont des rôles, des responsabilités et des pouvoirs différents. Beaucoup ne comprennent pas les différences entre les deux rôles, et ne comprennent pas non plus comment la société doit être gouvernée en l’absence d’une convention écrite des actionnaires. »
M. Riglin endosse souvent un rôle de quart-arrière, travaillant activement avec un avocat et un comptable pour une planification qui fonctionne pour le compte d’un client agriculteur. M. Van Beselaere collabore avec des comptables, des planificateurs de la relève et d’autres experts, participant à la mise sur pied d’exploitations ou prodiguant des conseils lorsque des conflits éclatent et que des différends s’intensifient jusqu’à ce que la situation devienne intenable.
Si les producteurs ont besoin de conseils professionnels et d’orientation, ils doivent se tenir informés et en savoir assez pour poser les bonnes questions. Les règles changent et les exploitations agricoles évoluent. Par exemple, la terre était souvent intégrée aux sociétés d’exploitation agricole dans les années 1970 et 1980. Aujourd’hui, il est habituellement conseillé de conserver la terre comme actif personnel, en particulier si elle est entièrement payée.
Quelquefois, les producteurs tentent de réduire leurs frais juridiques et comptables. Toutefois, ces frais peuvent être dérisoires par rapport aux exonérations fiscales perdues, aux frais juridiques liés à la cessation des activités d’une exploitation, ou aux coûts (économiques et humains) associés aux batailles juridiques entre des associés ou des actionnaires mécontents.
D'après un article de l'AgriSuccès de Kevin Hursh
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