L’offre et la demande influent sur les décisions de production et de commercialisation
La dynamique de l’offre et la demande est toujours présente et en constante évolution, mais vous pouvez l’utiliser à votre avantage pour accroître vos profits.
Afin de réaliser des profits grâce à l’offre et à la demande, il faut d’abord prendre les bonnes décisions concernant les cultures à privilégier et le moment de vendre les récoltes.
Selon Kyle Burak, économiste principal à FAC, les agriculteurs choisissent habituellement ce qu’ils vont cultiver en fonction principalement de la rotation des cultures et de leurs prix. Par exemple, si les prix sont élevés pour une culture produite l’année précédente, il peut être tentant de semer de nouveau la même culture dans le même champ pour en tirer profit. Toutefois, pour la santé du sol, il est préférable d’éviter de semer la même culture que l’année précédente.
Lorsqu’il s’agit de vendre, Kyle Burak explique que les agriculteurs fixent habituellement le moment de la vente et le prix en fonction de leur besoin d’obtenir des fonds pour rembourser intégralement le solde de leurs prêts et pour acheter d’avance des semences et des intrants.
Cependant, il faut aussi tenir compte d’autres facteurs afin de prendre une décision plus globale.
1. Un point de vue local, national et mondial
Les agriculteurs se donnent toutes les chances de réussir lorsqu’ils prennent des décisions éclairées, de grande portée et de haut niveau en matière de production et de commercialisation. Qu’il s’agisse de surveiller les stocks des cultures à l’échelle locale, nationale et internationale ou d’évaluer les répercussions des enjeux mondiaux, tous jouent un rôle dans la production et les ventes agricoles.
Par exemple, prenez en considération les conditions de croissance ailleurs au pays et dans le monde. Un printemps humide chez vous peut retarder vos projets d’ensemencement et réduire le rendement des cultures, mais des conditions printanières idéales dans une autre province ou à l’autre bout du monde peuvent donner une récolte exceptionnelle.
Cela signifie que l’époque où l’on finissait d’élaborer un plan de cultures en novembre en vue de l’utiliser en mai pour l’ensemencement est révolue pour les meilleurs producteurs, affirme Evan Shout, chef des finances à Hebert Grain Ventures, une exploitation agricole productrice de céréales et d’oléagineux située sur une terre de 27 000 acres dans le Sud-Est de la Saskatchewan. Les agriculteurs doivent plutôt penser à long terme et tenir compte des événements qui surviennent à l’échelle mondiale et nationale, ainsi que des répercussions qui pourraient en découler.
« Nous envisageons l’incidence de l’offre et de la demande sur le prix des intrants et des cultures et sur la volatilité des marchés, pour les 12 à 36 prochains mois, explique M. Shout. Et nous faisons cela parce que les tendances n’ont pas changé, mais la volatilité, oui. »
2. Les prix sont de nature mondiale
Les facteurs expliquant le prix que vous recevez pour ce que vous produisez s’étendent bien au-delà de votre champ, de votre enclos ou de votre étable.
« Nous faisons partie d’un marché mondial », déclare Kyle Burak. Prenant le canola pour exemple, il ajoute que « le Canada est une puissance de la production de canola et exerce une forte influence sur le prix mondial. Cependant, de nombreux facteurs internationaux ont une incidence sur le marché. »
Si la production de canola diminue en Australie, ce pourrait être une occasion pour le Canada de combler les déficits d’approvisionnement à l’échelle mondiale. Par contre, une production abondante de fèves de soja aux États-Unis et en Amérique du Sud pourrait aussi permettre de combler les besoins en matière d’alimentation animale. Parallèlement, il se pourrait que les réserves d’huile de palme en Asie du Sud-Est remédient à la pénurie d’huile de canola causée par une mauvaise récolte australienne. Tous ces facteurs contribuent à déterminer la valeur du canola cultivé au Canada dans une année donnée.
3. Les conditions météorologiques peuvent avoir un effet considérable sur les stocks du marché
Une sécheresse record peut entraîner une pénurie de fourrage, de foin et d’aliments pour animaux et même réduire la disponibilité de l’eau. Si l’une ou l’autre de ces ressources venait à manquer quelque part, cela pourrait inciter les éleveurs de la région à réduire la taille de leur cheptel et à vendre plus de bêtes aux transformateurs de viande. Ces éleveurs de la région, et ceux d’ailleurs au pays pourraient voir les prix s’affaisser.
4. La politique et les enjeux mondiaux jouent un rôle
Des facteurs politiques comme l’interdiction d’exporter de l’huile de palme édictée par l’Indonésie en 2022 peuvent également avoir une incidence sur l’offre. Il en va de même pour les tensions géopolitiques.
L’Ukraine et la Russie étaient de grands exportateurs de blé, de canola et d’autres cultures, mais les sanctions imposées en 2022 et des problèmes de logistique ont obligé les acheteurs de ces produits agricoles à chercher d’autres vendeurs.
De plus, le conflit a contribué à une diminution de l’offre d’engrais, ce qui a fait grimper les prix des intrants.
Selon M. Shout, l’époque où les producteurs ne conservaient qu’une quantité minimale d’engrais — ce qu’on appelait la gestion des stocks juste à temps — est révolue, puisque des enjeux mondiaux peuvent paralyser la chaîne d’approvisionnement. Il souligne qu’un seul navire coincé dans le canal de Suez en 2021 a suffi à causer des retards d’approvisionnement.
« On ne peut plus gérer les stocks juste à temps. Il faut se préparer aux bouleversements comme celui-là, car la volatilité est là pour rester, soutient M. Shout. Les finances, le fonds de roulement et la logistique demandent tellement de planification que c’est presque un champ d’activité complet qui fait désormais partie de l’agriculture. »
5. Des facteurs haussiers liés à l’offre ne garantissent pas des prix élevés
Une offre abondante n’est pas une garantie de prix élevés pour les agriculteurs. Il faut des acheteurs pour leur production et les agriculteurs canadiens sont grandement tributaires des exportations.
Une offre abondante n’est pas une garantie de prix élevés pour les agriculteurs.
Il est difficile de prévoir ce que vont faire les pays importateurs, et leurs comportements d’achat peuvent changer soudainement.
Par exemple, à la suite d’une éclosion de peste porcine africaine [en englais seulement] au sein du cheptel porcin chinois en 2018, les exportations canadiennes de porc vers ce pays ont monté en flèche.
Le conflit opposant l’Ukraine à la Russie a également créé des débouchés pour le Canada.
À l’inverse, les restrictions commerciales et les obstacles au commerce imposés par la Chine et l’Inde ont porté un dur coup aux secteurs canadiens du canola et des légumineuses.
Comment les agriculteurs peuvent-ils commercialiser leurs produits dans un contexte incertain et sans être obligés de vendre dans le creux de la vague ou de passer à côté de mouvements de redressement?
« Le but n’est pas d’atteindre la perfection, mais plutôt de vendre à profit », affirme M. Shout.
Des liquidités et un fonds de roulement sont indispensables. Ainsi, rien ne vous force à vendre et vous pouvez attendre d’obtenir un meilleur prix.
« Cela nous ramène au fait de nous doter des moyens financiers voulus pour pouvoir exécuter un plan de marketing qui n’est pas fondé sur la nécessité de vendre, mais sur le moment où nous voulons vendre », poursuit M. Shout.
Évidemment, personne ne peut deviner quand les prix atteindront un sommet, même s’ils sont fort probablement à leur niveau le plus bas au moment de la récolte, lorsque les produits arrivent sur le marché et que les agriculteurs ont besoin de liquidités pour payer leurs factures.
Les producteurs de céréales et d’oléagineux qui peuvent se permettre de patienter sont beaucoup plus susceptibles de recevoir de meilleurs prix pour leurs cultures vers le début de l’été que s’ils les avaient vendues immédiatement après la récolte.
« Si on examine une tendance sur 10 ans, c’est rare, pendant la récolte ou l’automne ou en janvier-février, lorsque toutes les lignes de crédit doivent être remboursées, que le moment soit idéal pour la base ou les prix à terme », explique M. Shout.
Ce que peuvent faire les agriculteurs
En plus de patienter, vous pouvez :
Accroître les chances de rentabilité en élaborant des plans de marketing et en calculant vos coûts réels.
Intégrer les ratios stocks-utilisation aux plans de marketing
Vous renseigner sur la loi de l’offre et la demande
L’offre et la demande en acériculture
Dans certains secteurs, les forces de l’offre et de la demande échappent au contrôle du marché libre. C’est le cas du secteur acéricole du Québec, qui fournit environ 72 % de la production mondiale de sirop d’érable.
Depuis 2004, les acériculteurs du Québec doivent détenir un quota, qui s’applique à l’ensemble de la production à l’exception des contenants de cinq litres ou moins qui sont vendus directement aux consommateurs. Cela signifie qu’ils ont le droit de produire une quantité précise de sirop d’érable. Le système de quota vise à soutenir les prix à la production.
L’organisation des Producteurs et productrices acéricoles du Québec (PPAQ), qui représente 13 300 producteurs, régit la production et la commercialisation. Cette organisation a également créé la réserve stratégique mondiale de sirop d’érable en 2000.
L’organisation explique que le sirop d’érable mis en réserve assure un approvisionnement constant aux consommateurs et « stabilise le prix du produit en éliminant les variations de prix causées par de potentielles ruptures de stock ou des surplus de production ».
Cela signifie que si la production de sirop d’érable des producteurs du Québec diminue en raison de mauvaises conditions météorologiques printanières, le prix payé par les consommateurs ne montera pas en flèche, car le déficit de l’offre sera comblé à même les stocks de la réserve.
Lorsque d’excellentes conditions météorologiques printanières donnent une récolte de sirop exceptionnelle, ceux qui produisent plus que leur quota doivent envoyer leurs tonneaux excédentaires à la réserve. Ils sont payés lorsque le produit est vendu.
La réserve est située à Laurierville, au Québec, sur un site de 267 000 pieds carrés et elle peut recevoir 55 millions de livres de sirop d’érable, précise l’organisation.
L’organisation prévoit agrandir ses installations d’entreposage. Estimant que les ventes et les exportations augmenteront de près de 20 % au début des années 2020, elle se prépare à une demande accrue de produits afin que les prix demeurent stables.
Article par : Richard Kamchen
Les pratiques durables et la rentabilité vont de pair dans les exploitations agricoles. De nouvelles technologies contribuent à l’atteinte d’objectifs à long terme tout en améliorant l’efficacité et en satisfaisant aux exigences des clients d’ici et du monde entier.