Préserver son héritage agricole
Assurer l’avenir d’une exploitation agricole demande de la préparation. La gestion des finances et des affaires est importante, mais il est aussi crucial de tenir compte de l’aspect humain dans la planification du transfert.
Conseiller financier chevronné et spécialiste de la planification d’entreprises agricoles établi en Saskatchewan, Ray Riel aide depuis plus de 30 ans des familles d’agriculteurs à se préparer à faire face aux imprévus et il sait pertinemment à quel point un plan est important à tous les stades de la vie. La rédaction d’un testament et la souscription d’une assurance-vie font partie d’une bonne planification.
Jamais trop jeune pour avoir un testament
La tenue à jour du testament est un élément clé d’une planification successorale efficace. S’il s’agit d’une habitude répandue chez les personnes d’un certain âge et les membres de familles d’agriculteurs qui quittent l’exploitation agricole, M. Riel sait d’expérience que seule une fraction des jeunes couples d’agriculteurs possèdent un testament. C’est un problème pour plusieurs raisons, dont la possibilité d’un décès subit.
La tenue à jour du testament est un élément clé d’une planification successorale efficace.
La répartition de la succession aux membres de la famille d’une personne qui décède sans testament est assujettie à certaines règles. Celles-ci varient d’une province à l’autre, de sorte qu’il est possible que votre succession ne soit pas partagée comme vous l’auriez voulu.
Dans le cas d’une ferme familiale, l’absence de testament peut nuire financièrement à l’ensemble de l’entreprise, d’autant plus que les biens transférés à la famille peuvent être soumis à des droits de succession.
« J’ai accompagné une jeune famille qui comptait cinq enfants. Les parents étaient copropriétaires de la terre, mais les animaux étaient au nom du mari. L’épouse travaillait en dehors de la ferme. Le mari est décédé dans un accident de la route alors que les enfants étaient mineurs. Comme il n’avait pas de testament et que les enfants étaient mineurs, le comptable a expliqué à la veuve que l’impôt à payer serait aussi élevé que si son conjoint avait décidé de vendre tout le troupeau du jour au lendemain. Sans testament, une ferme peut littéralement faire faillite », souligne M. Riel.
Planifier pour éviter la confusion
Un testament n’a pas besoin d’être complexe. Même un simple document indiquant comment les principaux actifs devraient être répartis peut empêcher des complications.
Tom Deans, spécialiste du transfert intergénérationnel de patrimoine établi en Ontario, partage cet avis. Le manque de planification peut rapidement fractionner, voire réduire à néant, le patrimoine accumulé au fil des générations, en plus d’avoir des répercussions sur les relations familiales. « L’effet de surprise, la confusion et les délais peuvent avoir des conséquences funestes sur la prochaine génération. Le décès d’une personne qui n’a pas de testament occasionne beaucoup d’acrimonie, de confusion et de dépenses, fait valoir M. Deans. C’est particulièrement tragique, parce que le véritable legs d’une personne est sa famille et son succès – pas l’entreprise elle-même. »
« L’héritage de la génération sortante est son engagement absolu et inébranlable à assurer le succès de la prochaine génération. Elle ne laisse pas de place au hasard. Elle y met tout son cœur. »
Toutefois, la planification proactive est particulièrement difficile en raison de la nature des exploitations agricoles. « Il n’est pas facile de trouver le juste équilibre lorsqu’il est question de partager équitablement des actifs difficiles à diviser comme des terres », explique M. Deans.
Clarifier les décisions
Ray Riel et Tom Deans estiment qu’un examen régulier de votre testament est un bon moyen de vous remémorer son contenu et que cela vous permet de le modifier s’il y a eu des changements dans votre vie : l’arrivée de nouveaux enfants ou la désignation d’un successeur, par exemple.
Cet exercice offre aussi l’occasion de clarifier vos décisions en matière de planification successorale.
Selon M. Riel, un testament ne précise pas pourquoi une personne a divisé son patrimoine d’une manière donnée. Il y a donc un risque que les membres de la famille interprètent incorrectement, ou à leur propre manière, les décisions successorales du défunt, ce qui peut entraîner des conflits familiaux – une menace permanente pour la viabilité des exploitations agricoles. Le fait d’accompagner un testament d’une lettre explicative permet de préciser et de justifier ses intentions.
« C’est l’ultime message que vous laisserez à votre famille », insiste M. Riel. Le fait de reconnaître qu’une exploitation agricole est souvent importante pour tous les membres de la famille — pas seulement pour ceux qui continueront de travailler au sein de l’exploitation — et de leur expliquer ce qui vous tient à cœur et comment le préserver contribue à atténuer le risque de conflits futurs.
« Un héritage agricole est un ensemble de valeurs, d’attitudes, de biens, d’objets de famille, d’histoires et de traditions qui font partie de la culture familiale. N’oubliez pas que les enfants qui ne pratiquent pas l’agriculture ont grandi au même endroit que les successeurs. Ils sont attachés à la ferme même s’ils ne sont pas devenus agriculteurs et veulent souvent préserver les traditions. Ils veulent savoir que ce qu’ils chérissent survivra à l’épreuve du temps malgré le transfert de l’entreprise. »
Assurez-vous d’être assuré
Outre le testament, vous devriez également souscrire une assurance-vie qui protégera votre famille contre les pressions financières liées aux dettes, aux frais de garde d’enfants, à une éventuelle baisse du revenu du ménage ainsi que d’autres difficultés.
Une assurance-vie temporaire a une durée déterminée. Si l’assuré décède au cours de cette période, sa famille touchera des prestations. M. Riel indique qu’il s’agit d’une bonne option pour les jeunes agriculteurs parce qu’ils ont souvent des enfants, que c’est généralement au début de leur carrière qu’ils contractent des dettes importantes, et que les primes sont abordables.
À l’inverse, les agriculteurs plus âgés opteront peut-être pour une assurance-vie permanente. Cette option est plus coûteuse, mais elle garantit que la famille touchera des prestations, peu importe à quel moment l’assuré décède. Les jeunes souscripteurs prévoyants prendront une police transformable, c’est-à-dire une assurance-vie temporaire qui peut devenir permanente à l’échéance du contrat, sans que le titulaire soit tenu de subir un examen médical.
Un testament et une assurance-vie sont deux outils de planification importants qui peuvent aider les familles d’agriculteurs à protéger leur entreprise et leurs relations contre l’imprévu.
D’après un article de l’AgriSuccès par Matt McIntosh.
Quatre façons pour les agriculteurs qui planifient leur transfert de composer avec la hausse des taux d’intérêt et de l’inflation.