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Aperçu de la situation macroéconomique du deuxième trimestre de 2024 : les baisses de taux d’intérêt ne sonnent pas forcément le glas pour le huard

5 juin 2024
7,5 min de lecture

La Banque du Canada (BdC) a réduit son taux du financement à un jour en juin, le portant à 4,75 %, ce qui constitue la première de plusieurs ponctions attendues au cours des douze prochains mois. Or, si la baisse des taux n’est pas de bon augure pour lui, cela ne veut pas dire pour autant que le dollar canadien s’effondrera. La Réserve fédérale américaine (Fed) s’apprête sans doute également à réduire ses taux d’intérêt dans le courant de l’année, ce qui mettra fin à une longue période de vigueur du dollar américain.

Pourquoi le moment est-il venu de commencer à abaisser les taux d’intérêt?

La BdC analyse de nombreux points de données lorsqu’elle définit la trajectoire de sa politique monétaire, mais l’une des données les plus importantes est l’inflation fondamentale. Cette mesure exclut les composantes les plus volatiles de l’indice des prix à la consommation (IPC) afin de fournir une vue plus large des pressions inflationnistes sous-jacentes dans l’économie. Il existe une multitude de façons de calculer l’inflation fondamentale, mais aujourd’hui, nous examinons l’IPC d’ensemble, excluant les aliments et l’énergie, des trois derniers mois (calculé à un taux annualisé). L’examen des données des trois derniers mois nous permet de mieux comprendre les tendances récentes par rapport au calcul de l’inflation sur douze mois.

Dans la deuxième moitié de 2023, on craignait que l’inflation s’installe (figure 1). D’août à décembre 2023, cette mesure de l’inflation fondamentale a oscillé au-dessus de 3,0 %. Même si ce chiffre est inférieur au pic atteint en 2022, il est toujours trop élevé pour la BdC et, plus important encore, la tendance à la baisse s’est arrêtée, laissant place à une tendance latérale. Toutefois, au cours des trois derniers mois, ce taux a été inférieur à 2,0 %. En fait, il est à son niveau le plus bas depuis le printemps 2021. D’autres mesures de l’inflation fondamentale montrent une amélioration similaire.

Figure 1 : Des données récentes montrent que l’inflation fondamentale se rapproche d’un niveau soutenable

La figure 1 présente des données récentes montrant que l’inflation fondamentale se rapproche d’un niveau soutenable.

IPC d’ensemble excluant les aliments et l’énergie

Source : Statistique Canada

Compte tenu de cette amélioration de l’inflation fondamentale, de la croissance des salaires qui ralentit lentement mais sûrement et de la faiblesse générale de l’économie, la voie est libre pour que la BdC commence à diminuer son taux du financement à un jour. Les Services économiques FAC s’attendent à ce que la réduction des taux de juin soit suivie de deux autres de 25 points de base au cours du deuxième semestre, ce qui portera le taux à un jour à 4,25 % d’ici la fin de l’année. En d’autres termes, les taux vont reculer, mais de façon progressive seulement.

Il est certain que la BdC devra garder un œil sur la situation au sud de la frontière lorsqu’elle ajustera sa politique monétaire. Les attentes relatives aux intentions de la Fed ont changé rapidement en 2024. Au début de l’année, les marchés misaient sur au moins six baisses de taux, alors qu’aujourd’hui, ils ne s’attendent plus qu’à une seule (figure 2). Cette évolution des attentes s’explique en grande partie par les récentes données sur l’inflation aux États-Unis. La mesure privilégiée de l’inflation fondamentale de la Fed a été stable au cours des trois derniers mois, tout comme les mesures privilégiées de la BdC en matière d’inflation fondamentale au deuxième semestre de 2023.

Figure 2 : Projections du taux directeur pour le reste de l’année 2024

La figure 2 présente les projections du taux directeur pour le reste de l’année 2024.

Sources : Services économiques FAC, CME

Le dollar canadien va-t-il s’effondrer?

Le fait que la BdC réduise ses taux plus tôt que la Fed creusera temporairement l’écart entre les taux directeurs des deux pays. En théorie, cette baisse devrait avoir une influence négative sur le dollar canadien, et c’est pour cette raison que certains analystes en ont annoncé la chute imminente. Dans ce contexte morose, certains facteurs pourraient toutefois aider le huard à trouver un certain soutien plus tard dans l’année.

Le facteur le plus important pour déterminer l’évolution du dollar canadien au cours de la prochaine année est le dollar américain. Il est à noter que la devise américaine, par rapport à toutes les autres monnaies – et pas seulement le huard – a atteint un sommet inégalé depuis plus de 20 ans. La trajectoire du dollar américain vers ce sommet a commencé en mars 2022 lorsque la Fed a entrepris d’augmenter le taux des fonds fédéraux (figure 3).

Figure 3. Le dollar américain a atteint un sommet inégalé depuis plus de 20 ans

La figure 3 montre que le dollar américain a atteint un sommet inégalé depuis plus de 20 ans.

Sources : Barchart, Services économiques FAC

Peu importe le moment ou le rythme, une fois que la Fed commencera à réduire ses taux, il est probable que cela exercera une pression à la baisse sur le dollar américain, toutes choses étant égales par ailleurs. Par conséquent, même s’il est possible que le dollar canadien subisse de la pression à court terme, il ne faut pas exclure la possibilité d’une embellie vers la fin de l’année, lorsque l’avantage que donne au dollar américain son rendement diminuera.

Un autre facteur à considérer est l’amélioration du solde du compte courant du Canada (figure 4). Le solde du compte courant mesure essentiellement l’activité commerciale nette d’un pays : un nombre négatif (déficit) indique un importateur net de produits et de services, tandis qu’un nombre positif (excédent) signale un exportateur net. Un taux de change est essentiellement un prix, qui est déterminé comme celui de n’importe quel autre bien : lorsque la demande augmente, le prix (la valeur) du dollar canadien augmente, toutes choses étant égales par ailleurs. Ainsi, lorsque la valeur ou la quantité des exportations canadiennes, ou les deux, augmentent, le dollar canadien fait de même.

Avec l’achèvement du projet d’expansion de Trans Mountain, qui rehausse effectivement la capacité d’expédition de pétrole du Canada de près de 600 000 barils par jour, et en supposant que rien d’autre ne change, la tendance à l’amélioration du solde du compte courant devrait se poursuivre. Cela devrait apporter un certain soutien à la monnaie canadienne malgré les difficultés actuelles.

Figure 4 : Le déficit du solde du compte courant du Canada diminue depuis 2013

La figure 4 montre que le solde du compte courant du Canada diminue depuis 2013.

Source : Statistique Canada

En conclusion

Les taux de change sont influencés par bien d’autres facteurs économiques que l’écart entre les taux directeurs des banques centrales. Comme la BdC a commencé à réduire ses taux d’intérêt avant la Fed, il est probable que le dollar canadien subisse une pression à la baisse à court terme. Toutefois, on peut penser que le huard retrouvera une certaine ardeur vers la fin de l’année, en particulier lorsque la Fed commencera à réduire ses propres taux et que la récente période de vigueur soutenue du dollar américain commencera à s’estomper.

Le tableau ci-dessous résume les prévisions des Services économiques FAC concernant certaines variables économiques.

Résumé des prévisions concernant les principales variables économiques

Tableau présentant les variables économiques, historiques et prévues.

Sources : Services économiques FAC, Bloomberg

x.com/Graeme_Crosbie
Graeme Crosbie

Économiste principal

Graeme Crosbie est économiste principal à FAC. Ses domaines d’intérêt portent notamment sur l’analyse et les perspectives macroéconomiques et sur l’analyse et la surveillance de l’industrie agroalimentaire canadienne. Ayant grandi sur une ferme laitière dans le sud de la Saskatchewan, il formule à l’occasion des observations sur la santé de l’industrie laitière du Canada.

Graeme est employé à FAC depuis 2013 et a consacré la plus grande partie de ces années à la gestion du risque. Il détient une maîtrise en gestion avec spécialisation en économie financière de l’Université de Cardiff ainsi que le titre d’analyste financier agréé (CFA).