<img height="1" width="1" src="https://www.facebook.com/tr?id=806477592798641&ev=PageView&noscript=1"/>

L’essor des biocarburants devrait accroître les débouchés pour les oléagineux canadiens

24 juill. 2024
6 min de lecture

Les Canadiens et Canadiennes qui remplissent leurs réservoirs avant de prendre la route pour les vacances d’été n’y pensent sans doute pas, mais les biocarburants (tels que l’éthanol, le biodiesel et le diesel renouvelable) rendent possibles ces agréables moments. En effet, des biocarburants sont mélangés aux combustibles fossiles pour produire le liquide qui propulse les véhicules. Le mélange de biocarburants et de combustibles fossiles peut contribuer à améliorer la qualité du carburant et à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Les moteurs de la demande et de l’offre de biocarburants au Canada subissent l’influence des politiques fédérales et provinciales ainsi que de facteurs mondiaux, en particulier les événements qui se produisent aux États-Unis. Au cours des cinq dernières années, de nombreuses grandes entreprises ont annoncé leur intention d’investir et d’accroître leur capacité de production de biocarburants. Même si certains de ces projets ne sont pas menés à terme, la production de biocarburants devrait augmenter en Amérique du Nord dans les années à venir. C’est une bonne nouvelle pour les producteurs canadiens d’oléagineux.

La productivité est essentielle pour les usines d’éthanol dans un contexte de croissance de la fabrication de diesel renouvelable

En termes de volume, l’éthanol est le biocarburant le plus largement produit dans le monde. C’est également le cas au Canada, où les usines produisent près de 150 millions de litres d’éthanol par mois (figure 1). Ces dernières années, aucune nouvelle usine d’éthanol n’a été construite. Toutefois, la production a augmenté au fil du temps, les usines existantes s’efforçant d’améliorer leur productivité en extrayant davantage d’éthanol de chaque tonne de céréales. Les usines d’éthanol canadiennes produisent également de petites quantités d’éthanol non dénaturé, utilisé par exemple dans les produits de nettoyage et les désinfectants pour les mains (non inclus dans ces données).

Figure 1 : Au Canada, la production d’éthanol est stable, tandis que celle de biodiesel et de diesel renouvelable monte

Figure illustrant le fait que la production canadienne d'éthanol a légèrement augmenté depuis 2020, alors que celle des autres carburants renouvelables n'a progressé que depuis janvier 2024.

Source : Statistique Canada

Jusqu’à la fin de 2023, le biodiesel [en anglais seulement] représentait la majeure partie de la catégorie « Autres carburants renouvelables » du tableau ci-dessus. L’avenir se trouve néanmoins dans le diesel renouvelable. Il y a deux raisons principales à cela. Premièrement, en Amérique du Nord, le diesel renouvelable peut générer des prix de crédits carbone plus élevés que le biodiesel. Deuxièmement, le diesel renouvelable est chimiquement identique au diesel traditionnel et peut donc le remplacer facilement. Plus tôt cette année, de nouvelles usines de diesel renouvelable ont été mises en service et ont immédiatement doublé la production mensuelle « d’autres carburants renouvelables » au Canada.

Les biocarburants représentent un pourcentage plus important des carburants finis

Au fil du temps, les mélangeurs de carburant canadiens ont continué d’augmenter la quantité d’éthanol ajouté à l’essence. Certes, la réglementation fédérale et provinciale en matière de mélange joue un rôle là-dedans, mais il reste que l’éthanol est un améliorateur de carburant relativement bon marché, car il contribue à hausser l’indice d’octane de l’essence finie. Les données les plus récentes, datant d’avril, montrent que l’éthanol représente désormais 10 % de l’essence à moteur finie, ce qui constitue un nouveau sommet (figure 2). Comme ces données incluent également les carburants exportés, nous ne pouvons pas dire avec certitude où ils sont consommés, mais la tendance reste la même, et les consommateurs canadiens utilisent de l’essence ayant une teneur en éthanol de plus en plus forte.

Figure 2 : La proportion d’éthanol dans les mélanges d’essence continue d’augmenter progressivement, tandis que le mélange de diesel varie selon la saison

La figure montre que le mélange d'éthanol dans l'essence augmente depuis 2020, tandis que le mélange de biodiesel et de diesel renouvelable est saisonnier.

Sources : Statistique Canada, calculs effectués par FAC

Le pourcentage d’éthanol dans l’essence continuera d’augmenter pour satisfaire aux exigences provinciales et fédérales. Il n’est toutefois pas certain que l’augmentation de la consommation d’éthanol puisse être maintenue, surtout si l’on tient compte du passage aux moteurs électriques dans le secteur de l’automobile. Puisque 100 % des nouveaux véhicules légers vendus ne devront produire aucune émission d’ici 2035, les stocks d’essence à moteur commenceront à diminuer et, même avec des teneurs en éthanol plus élevées, la demande totale de carburant pourrait baisser.

La demande pour l’ajout de biodiesel et de diesel renouvelable au diesel est fortement saisonnière au Canada. L’utilisation du biodiesel est très limitée en hiver en raison de problèmes de viscosité causés par le froid. L’hiver, sa proportion dans les mélanges tombe près de zéro avant d’augmenter en été, atteignant près de 4 % du mélange de diesel. Le diesel renouvelable ne comporte pas les mêmes contraintes et peut être utilisé toute l’année. Une production de diesel renouvelable plus importante en Amérique du Nord permettra un mélange plus uniforme toute l’année, ce qui devrait augmenter le pourcentage total de biocarburant mélangé au diesel.

Matières premières utilisées dans le biodiesel et le diesel renouvelable

Au Canada, l’augmentation de la production de diesel renouvelable est principalement assurée jusqu’ici par les huiles végétales, qui affichent une hausse de 51 % pour les quatre premiers mois de l’année (figure 3). Les matières grasses, le suif et les graisses sont souvent préférés comme matières premières ou intrants en raison de leur plus faible teneur en carbone, mais les stocks sont limités au Canada. Au lieu d’importer ces produits, les usines de diesel renouvelable utilisent de l’huile de canola ou de soya trituré au pays.

Figure 3 : Matières premières utilisées dans le biodiesel et le diesel renouvelable au Canada (de janvier à avril)

Les huiles végétales sont de plus en plus utilisées pour la fabrication de biodiesel et de diesel renouvelable.

Source : Statistique Canada

Aux États-Unis, les structures fiscales actuelles pour les biocarburants ainsi que les nouveaux crédits entrant en vigueur en 2025 aux termes de la 2022 Inflation Reduction Act sont les moteurs de la demande d’intrants, notamment l’huile de canola canadienne. Près de 1,4 million de tonnes métriques d’huile de canola ont été exportées vers les États-Unis au cours des quatre premiers mois de l’année, ce qui place l’année 2024 sur la voie d’un record annuel (figure 4). La nouvelle politique se traduira, elle, en un crédit d’impôt pour les producteurs, ce qui signifie que seule la production américaine de biodiesel ou de diesel renouvelable y sera admissible, potentiellement au détriment des exportations canadiennes de biocarburants. Pour l’instant, toutefois, les producteurs d’huile de canola profitent de la demande accrue des États-Unis. Nous pouvons donc nous attendre à ce que la majeure partie de l’huile soit exportée vers le sud.

Figure 4 : Exportations canadiennes combinées d’huile de canola raffinée et brute

Figure montrant l'augmentation des exportations d'huile de canola canadienne vers les États-Unis.

Sources : Statistique Canada, application Web sur le commerce international de marchandises du Canada

En conclusion

Les producteurs canadiens d’oléagineux sont en position de bénéficier de l’essor des biocarburants en Amérique du Nord. Au cours des prochaines années, la progression des taux de biocarburants dans les mélanges d’essence, associée à l’accroissement de la capacité de trituration d’oléagineux et au soutien gouvernemental, renforcera encore davantage le secteur. Le secteur n’est pas forcément à l’abri des risques pour autant. Cela dépend en grande partie de la politique des États-Unis, non seulement en ce qui concerne les carburants renouvelables, mais aussi le commerce, deux facteurs susceptibles de peser sur les producteurs canadiens. Pour l’heure, l’avenir semble toutefois prometteur.

Justin Shepherd

Économiste principal

Justin Shepherd est économiste principal à FAC. Lorsqu’il s’est joint à l’équipe en 2021, il se spécialisait dans la surveillance de la production agricole et l’analyse des tendances de l’offre et de la demande à l’échelle mondiale. En plus de faire des présentations sur l’agriculture et l’économie, Justin participe régulièrement au blogue des Services économiques de FAC.

Il a grandi dans une ferme mixte en Saskatchewan et il est toujours actif au sein de l’exploitation agricole familiale. Justin est titulaire d’une maîtrise en économie appliquée et gestion de l’Université Cornell, ainsi que d’un baccalauréat en agroentreprise de l’Université de la Saskatchewan.