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Le secteur porcin canadien a-t-il franchi un cap?

10 juill. 2024
6,5 min de lecture

Les barbecues d’été s’allument partout au pays et la saison des sandwichs BLT approche, ce qui permet aux acteurs de la chaîne d’approvisionnement du porc au Canada de respirer un peu et de prendre note de quelques bonnes nouvelles. Après plusieurs années de perturbations sectorielles qui ont mené à une restructuration majeure des activités de transformation du porc et qui ont frappé de plein fouet de nombreux producteurs, une certaine stabilité des prix et des facteurs favorables à la production porcine sont enfin apparus. 

Les stocks diminuent 

C’est un euphémisme de dire que l’année 2023 a été douloureuse pour les producteurs de porc. La surabondance de porcs qui a résulté de la baisse des ventes à la Chine et de la faiblesse de la demande intérieure, aggravée par les fermetures d’usines de transformation et la réduction de la capacité d’abattage, a entraîné une chute des prix et une compression des marges. Toutefois, les choses commencent à prendre un tournant favorable pour le secteur.  

Le Canada continue d’écouler ses surplus de porcs, en partie par une augmentation considérable du nombre d’animaux vivants envoyés aux États-Unis pour la transformation. Entre janvier et avril, plus de 561 000 porcs de marché ont été expédiés aux États-Unis, soit 144 000 de plus que l’an dernier. Cela a apporté un certain équilibre à l’offre globale du Canada après des années d’effondrement des prix au sein de marchés chaotiques (figure 1).  

Figure 1 : Les stocks de porcs canadiens sont en baisse 

Graphique linéaire montrant les stocks de porcs du Canada entre janvier 2015 et janvier 2024

Source : Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC)

Même si, selon les perspectives de 2024, le secteur canadien du porc n’est pas encore complètement tiré d’affaire, la production porcine retrouve un peu de vitalité cette année. En janvier dernier, lorsque nous avons présenté les perspectives du secteur porcin, nous avions prévu que les prix se stabiliseraient ou augmenteraient sur douze mois en 2024. C’était alors un signe encourageant, et c’est encore le cas en juillet (tableau 1). 

Tableau 1 :  Les prix du porc restent élevés dans le mois de juillet pendant toute la période de prévision 

Prix du bétail 

Prévisions 2024  

Moyenne 2023 

Moyenne 5 ans 

Porc de marché de l’Ontario ($/kg) 

2,30 

2,20 

2,10 

Porc d’engraissement de l’Ontario ($/kg) 

2,10 

2,00 

1,90 

Porc de marché du Manitoba ($/kg) 

2,25 

2,25 

2,10 

Porc d’engraissement du Manitoba ($/kg) 

2,05 

2,05 

1,90 

Porcelet sevré ($/tête) 

40 

45 

50 

Sources : Statistics Canada, AAFC, USDA, CanFax, CME Futures, and FCC calculations 

De meilleurs prix en 2024 en moyenne 

Toutes les prévisions de prix pour l’année en cours (sauf pour les porcelets sevrés) sont supérieures à leurs moyennes respectives sur cinq ans. Mais il y a aussi une bonne nouvelle du côté des porcelets sevrés : leur prix a augmenté depuis janvier. Les prix du porc ont monté dans l’ensemble, puis se sont stabilisés en 2024, en partie grâce à des stocks de porcs mieux équilibrés.  

Les producteurs de porc peuvent également remercier leurs partenaires du marché de la viande rouge d’avoir contribué à stimuler les ventes de porc. Depuis au moins un an, la viande porcine est la plus économique des trois plus gros vendeurs (bœuf, porc et poulet). Les consommateurs continuent d’acheter du bœuf à prix élevé, mais nous pouvons certainement supposer qu’il existe également un effet de substitution : pour certains acheteurs de viande rouge, la viande bovine est tout simplement hors de portée, alors ils la remplacent par le porc. L’indice des prix à la consommation du Canada montre que les plus fortes hausses de prix en 2024 proviennent en fait du secteur porcin, mais cela pourrait avoir peu d’incidence sur les achats des consommateurs.  

Le Canada a un grand appétit pour la viande de porc 

La récente croissance démographique sans précédent suggère que la croissance globale de la consommation de porc au Canada bénéficiera encore d’un soutien en 2024. Le Département de l’Agriculture des États-Unis (USDA) estime qu’il s’agit du niveau le plus élevé depuis 1960, première année pour laquelle on dispose de données (figure 2). Ces gains pourraient toutefois ne pas se répercuter sur les mesures de la consommation de viande de porc par habitant en 2024. Si, en  2023, ces mesures ont aussi témoigné d’une excellente croissance grâce à l’avantage concurrentiel du prix du porc, la nouvelle année a commencé plus lentement. 

Figure 2 : La tendance à la hausse de la consommation de porc au Canada devrait atteindre un sommet record en 2024 

Le tableau 1 indique les prix prévus des porcs de marché et d’engraissement de l’Ontario et du Manitoba.

Sources : USDA Foreign Agricultural Service

Lorsque la croissance démographique ralentit, on peut s’attendre à ce que la consommation globale décélère également, même si cela peut se produire lorsque les budgets des consommateurs ne sont plus aussi restreints et que les taux d’intérêt et l’inflation sont plus faibles et plus stables. 

Les marges récemment affaiblies bénéficieront d’un sursis 

Bien qu’elles restent sous pression, les marges du secteur porcin semblent meilleures qu’au début de l’année. Le coût des aliments pour animaux a baissé encore plus rapidement que ce que nous avions prévu en janvier, les prévisions pour 2024 se situant désormais sous la moyenne quinquennale (tableau 2).  

Tableau 2 : Le coût des aliments pour animaux est désormais inférieur à la moyenne quinquennale 

Coût des aliments pour animaux 

Prévisions 2024 ($/tonne) 

Moyenne 2023 ($/tonne) 

Moyenne 5 ans 

Orge fourragère (Alberta) 

270 

350 

280 

Maïs (Ontario) 

235 

300 

260 

Sources : Statistique Canada, AAC, USDA, CanFax, CME Futures et calculs effectués par FAC

Il est difficile de surévaluer l’incidence du coût élevé des aliments pour animaux sur les exploitations porcines. La figure 3 montre l’incidence de ces coûts accrus sur les revenus au cours des cinq dernières années, soulignant la quasi-impossibilité d’atteindre le seuil de rentabilité en 2023, lorsqu’ils représentaient environ 80 % des revenus. Au cours des deux dernières années, le coût des aliments pour animaux a été extrêmement élevé, tandis que les revenus étaient en baisse. Nos prévisions pour 2024 marquent un retour attendu à la tendance historique. 

Figure 3 : Le coût des aliments pour animaux en pourcentage des revenus devrait diminuer en 2024 

Diagramme à barres montrant le coût des aliments pour animaux en pourcentage des revenus des producteurs de porc canadiens entre 2019 et 2023, ainsi que les prévisions pour 2024

Sources : Statistique Canada, ministère de l’Agriculture du Manitoba et calculs effectués par FAC

Le récent rapport de l’USDA sur les superficies cultivées en a surpris plus d’un, les prévisions faisant état de superficies de maïs plus importantes que prévu. L’augmentation des superficies, combinée à des rendements élevés, devrait permettre de réduire davantage les coûts. Le scénario de plus en plus probable d’une récolte canadienne meilleure que la moyenne en 2024 constitue un autre frein potentiel à la hausse du coût des aliments pour animaux.  

Les transformateurs de porc reviennent sur le devant de la scène 

Le secteur peut se réjouir du fait que la restructuration commence à produire des résultats positifs pour les transformateurs de porc canadiens. Au cours des dernières années, plusieurs usines de transformation du porc ont fermé, et leur capacité a été réaffectée à d’autres usines. Dans l’ensemble, cela a entraîné une réduction de la capacité d’abattage. En 2023, les volumes d’abattage de l’Est du Canada ont diminué de 2,6 % et jusqu’à présent en 2024, les volumes d’abattage de l’Est du Canada ont baissé de 6,6 %. Toutefois, après avoir examiné les récents rapports financiers, les dirigeants des principales entreprises de transformation du porc du pays ont indiqué que les marchés du porc commencent à s’améliorer et que le secteur connait un retour à la rentabilité.  

En conclusion 

Le premier semestre de 2024 permet de voir d’un meilleur œil les perspectives de la chaîne d’approvisionnement en viande porcine. L’atténuation des pressions sur les marges se traduira par une amélioration des prix et une réduction des coûts.  

Toutefois, le secteur de la production porcine reste confronté à des risques importants, notamment en provenance de l’étranger. Les États-Unis prévoient limiter l’approvisionnement de leur marché intérieur en porc étranger en vertu de la nouvelle réglementation sur l’étiquetage obligatoire du pays d’origine (COOL) instaurée en mars 2024, ce qui risque de causer des difficultés considérables. Les nouvelles restrictions relatives à l’étiquetage obligatoire du pays d’origine indiqueraient aux consommateurs le lieu de naissance, d’élevage et de transformation du porc. Elles entraîneraient probablement une hausse des coûts pour les fournisseurs canadiens et pourraient même contribuer à exclure les animaux nés au Canada de la chaîne d’approvisionnement en porc des États-Unis. Cette situation pourrait avoir des conséquences au nord de la frontière, où une grande partie de la capacité de transformation du porc a déjà été perdue et n’est pas encore rétablie. 

Martha Roberts

Rédactrice économique

Membre de l’équipe des Services économiques depuis 2013, Martha Roberts est une spécialiste en recherche qui étudie les risques et les facteurs de réussite pour les producteurs agricoles et les agroentreprises. Martha compte 25 années d’expérience dans la réalisation de recherches qualitatives et quantitatives et la communication des résultats aux spécialistes de l’industrie. Elle est titulaire d’une maîtrise en sociologie de l’Université Queen’s à Kingston, en Ontario, et d’une maîtrise en beaux-arts en écriture non fictive de l’Université de King’s College.