Le cheptel bovin diminue malgré des prix élevés
Le marché des bovins continue d’afficher des prix élevés, et ce, depuis plusieurs années, ce qui offre de solides perspectives commerciales au secteur. En glissement annuel, les prix des bovins, toutes catégories confondues, devraient augmenter et rester nettement supérieurs aux moyennes quinquennales. Depuis notre prévision du début de 2024, les prix des bovins ont augmenté de 5 $ à 30 $ par 100 livres (quintal), les éleveurs-naisseurs ayant enregistré les gains les plus substantiels.
Tableau 1 : Les prix des bovins ont été plus élevés en 2024
Prix du bétail | Prévisions pour 2024 | Moyenne de 2023 | Moyenne sur 5 ans |
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Bouvillon gras de l’Alberta ($/quintal) | 240 | 225 | 165 |
Bouvillon de 550 lb de l’Alberta ($/quintal) | 380 | 335 | 235 |
Bouvillon de 850 lb de l’Alberta ($/quintal) | 315 | 285 | 205 |
Bouvillon gras de l’Ontario ($/quintal) | 230 | 225 | 165 |
Bouvillon de 550 lb de l’Ontario ($/quintal) | 345 | 295 | 215 |
Bouvillon de 850 lb de l’Ontario ($/quintal) | 300 | 280 | 205 |
Les prix des bovins ayant augmenté d’une année sur l’autre, les marges du secteur de l’élevage-naissage devraient donc demeurer nettement supérieures à la moyenne sur cinq ans.
Malgré une première coupe de foin réussie grâce à l’humidité du début de saison, les prix du foin en Alberta sont restés obstinément élevés, les deuxièmes coupes étant limitées après un été chaud et sec. Malgré cela, la rentabilité des parcs d’engraissement a été favorisée cette année par la baisse du coût des céréales fourragères, notamment par une diminution des prix de l’orge et du maïs fourragers par rapport à nos prévisions de début de saison et à leurs moyennes quinquennales (tableau 2).
Tableau 2 : Le coût des aliments pour animaux devrait offrir un répit
Coût des aliments pour animaux | Prévisions pour 2024 ($/tonne) | Moyenne de 2023 ($/tonne) | Moyenne sur 5 ans |
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Orge fourragère (Alberta) | 255 | 350 | 280 |
Maïs (Ontario) | 230 | 300 | 260 |
Si les marges des parcs d’engraissement ont bénéficié de la réduction du coût des aliments pour animaux, les prix des bovins gras n’ont pas augmenté autant que ceux des bouvillons, ce qui a équilibré l’incidence globale. Les prix de détail du bœuf ont monté de plus de 25 % au cours des trois dernières années, et le budget des consommateurs est restreint en 2024. Conscients qu’ils ont peu de marge de manœuvre pour transmettre de nouvelles hausses de prix, les conditionneurs limitent les prix offerts pour les bovins gras, ce qui cause cet écart de prix. Si les prix de la viande de bœuf ne risquent pas d’augmenter dans les épiceries, les consommateurs ne réaliseront pas non plus d’économies.
Le troupeau de bovins reproducteurs du Canada a diminué une fois de plus
Le cheptel canadien de vaches de boucherie et de génisses de remplacement est en baisse depuis le sommet atteint il y a 20 ans et, au 1er juillet 2024, le nombre de têtes était le plus petit depuis 1987. Le stock total de vaches a diminué de 2 % sur douze mois. Après un examen plus approfondi, le nombre de génisses destinées au remplacement des bovins de boucherie a augmenté de 1 %, tandis que celui des vaches de boucherie matures a diminué de 2 %. Puisque les deux groupes contribuent à la production future de veaux, cela indique que 2025 ne sera peut-être pas une année de croissance du cheptel.
Figure 1 : Le cheptel canadien de vaches et de génisses de remplacement des bovins de boucherie est à son plus bas niveau depuis 1987
La réduction du cheptel bovin est évidente dans les installations d’abattage, les vaches de boucherie et les génisses représentant 48 % des abattages de janvier à juillet de cette année. Il s’agit du pourcentage le plus élevé de vaches femelles abattues depuis 2012, ce qui reflète la décision prise l’an dernier par les producteurs d’envoyer les génisses dans les parcs d’engraissement.
Pour l’avenir, la baisse du coût des aliments, les prix élevés des veaux et une amélioration relative de la disponibilité des fourrages dans les prairies en 2024 encourageront-ils les éleveurs-naisseurs à agrandir le troupeau reproducteur?
Les exportations de viande bovine seront la clé, s’il y a une croissance du cheptel canadien
La diminution du nombre de bovins produits incite les abattoirs à compenser avec des bovins plus lourds. En juillet, le poids des carcasses canadiennes inspectées par le gouvernement fédéral avait augmenté de 6 % pour cette année, atteignant en moyenne 963 livres, soit près de 100 livres de plus qu’il y a dix ans. Ce gain d’efficience permet aux usines canadiennes de produire 5 % plus de bœuf par année par rapport à 2000, tout en abattant 10 % moins de bovins. On constate une stabilité depuis 2000 de la production totale de bœuf, combinée avec celle des États-Unis, dont le système de production de bovins et de bœuf est intégré avec celui du Canada. En revanche, les pays d’Amérique du Sud produisent aujourd’hui 42 % plus de viande bovine par an qu’en 2000, et le reste du monde a augmenté sa production de 11 %.
Figure 2 : La production mondiale de bœuf est en croissance à l’extérieur du Canada et des États-Unis
La consommation intérieure de viande bovine est stable depuis 25 ans, la croissance démographique ayant compensé la baisse de la consommation par habitant. Le Canada a la possibilité d’augmenter ses exportations de bovins vivants et de bœuf si le cheptel s’agrandit. Les exportations de bœuf ne se sont bonifiées que de 5 % depuis 2000 au Canada, contre 18 % aux États-Unis (13 % au total). Parallèlement, les exportations sud-américaines ont monté de 360 % et les exportations mondiales, de 85 % (figure 3), ce qui témoigne d’une forte demande mondiale.
Figure 3 : La demande mondiale de viande bovine augmente, mais la croissance des exportations se fait hors de l’Amérique du Nord
Étiquetage volontaire du pays d’origine et bœuf canadien
L’un des risques pour les producteurs de bœuf canadiens est la mise en œuvre prochaine, le 1er janvier 2026, de la décision du département de l’Agriculture des États-Unis (l’USDA) relative à l’étiquetage volontaire du pays d’origine (« vCOOL »), qui exige que les producteurs de viande qui étiquettent leur bœuf comme « Produit des États-Unis » n’utilisent que des animaux nés et élevés aux États-Unis. Le secteur bovin canadien dépend fortement du marché américain pour ses exportations de bovins vivants et de bœuf.
À première vue, l’étiquetage volontaire du pays d’origine semble moins préoccupant que l’étiquetage obligatoire du pays d’origine (version obligatoire qui était en vigueur de 2009 à 2014), compte tenu de la nature volontaire de la décision. Néanmoins, si la demande des consommateurs pour des produits portant la mention « Produit des États-Unis » existe réellement – et si les détaillants l’exigent – les producteurs américains pourraient reconsidérer la quantité de bétail élevé au Canada dont ils ont besoin pour approvisionner leurs usines. Il est vrai qu’il existe dans d’autres régions du monde une demande croissante de viande bovine que les producteurs canadiens pourraient exploiter, mais il sera difficile d’accroître ces marchés d’exportation en raison de la forte concurrence mondiale.
En conclusion
À ce stade, il n’y a pas de preuves solides que le cheptel bovin grossira au Canada. Au cours des derniers mois, on a constaté une diminution du nombre de génisses mises à l’engraissement par rapport à 2023, mais il est trop tôt pour parler de tendance. Les prix élevés des veaux et des vaches pourraient inciter les petites exploitations à se retirer à un moment opportun. Or, tandis que les grandes exploitations reprendront une partie du cheptel, les données n’indiquent pas encore que les producteurs dans l’ensemble sont prêts à prendre de l’expansion.
Article par :
Justin Shepherd, économiste principal
Leigh Anderson, économiste principal