Comment les producteurs composeront-ils avec l’adversité des marchés agricoles internationaux?
Ces deux dernières années, la stabilité de nombreuses exportations de produits agricoles canadiens a été ébranlée. Des conflits géopolitiques ont intensifié les tensions commerciales et les problèmes d’accès aux marchés pour de nombreux fournisseurs, dont le Canada, tandis que de nouveaux concurrents et des événements météorologiques marquants bouleversent les niveaux de production à l’échelle mondiale ainsi que l’équilibre entre l’offre et la demande.
Dans notre dernier rapport sur les échanges commerciaux, intitulé La diversification des exportations agricoles canadiennes : Occasions et défis pour le blé, le canola, le soja et les légumineuses, nous examinons l’un des meilleurs moyens de relever les défis qui se posent.
La diversification des marchés dans le but d’accroître le potentiel de croissance des exportations aide à garantir qu’il y aura des acheteurs lorsque l’équilibre entre l’offre et la demande est bousculé et que le paysage commercial est incertain.
La diversification comme outil d’atténuation du risque
Le rapport présente une vue d’ensemble des efforts supplémentaires que nous pouvons déployer et des marchés qui offrent les meilleures possibilités de diversification.
La bonne nouvelle est que le Canada a déjà effectué le gros du travail. En effet, les accords de libre-échange existants et les négociations en cours jettent les bases de relations fructueuses avec la plupart des importateurs de grandes cultures les plus importants et affichant la croissance la plus rapide au monde.
Les associations de l’industrie agricole du Canada travaillent aussi d’arrache-pied pour renforcer ces fondements : organisation de chaînes d’approvisionnement, élaboration de contrats et conclusion de contrats. Toutefois, étant donné que nos produits agricoles sont réputés pour leur uniformité, leur valeur et leur grande qualité, leurs prix peuvent être supérieurs à ceux d’autres fournisseurs. Nos expéditions doivent souvent franchir de longues distances pour atteindre les marchés étrangers, ce qui accroît les coûts. Le résultat des exportations du Canada, qui a une incidence déterminante sur les recettes des producteurs agricoles, dépend donc des accords et des relations que ceux-ci établissent.
Stratégie pour accroître le potentiel d’exportation
La conjoncture du marché peut aussi créer des possibilités de croissance des exportations dans des marchés habituellement restreints. Les conditions météorologiques ont porté un dur coup à la production de colza européen en 2019, ce qui a obligé l’Europe à accroître ses importations afin de maintenir sa production de biodiesel. C’est ainsi qu’un plus grand volume de canola canadien a été détourné vers l’Europe (qui habituellement en achète peu) après que la Chine a suspendu ses importations. Le prix à l’exportation que les producteurs canadiens ont reçu pour le canola vendu au marché européen a diminué en raison de l’accès réduit du Canada au deuxième importateur en importance en 2018, mais ces ventes ont contribué à atténuer les pertes potentielles.
L’exemple des échanges commerciaux de 2019 avec l’Europe illustre à merveille la nécessité pour le Canada d’avoir un éventail équilibré d’acheteurs. Chacun des quatre produits agricoles sur lesquels nous nous sommes penchés jouit de marchés internationaux robustes. Toutefois, les structures de marché varient; il suffit de comparer le marché mature du blé, qui était évalué à 32,5 milliards de dollars US en 2018, au marché du canola évalué à 10,8 milliards de dollars US ou au marché des légumineuses évalué à 7,4 milliards de dollars US.
La concentration de chaque marché varie aussi. La Chine importe les deux tiers du soja vendu sur les marchés internationaux, tandis que l’Égypte, plus grand importateur de blé en 2018, a accaparé 8 % des exportations totales de blé. Certains marchés sont structurés d’une manière qui permet à des exportateurs comme le Canada de diversifier plus facilement leurs exportations parmi un vaste éventail d’importateurs.
Ce qu’il faut retenir
Les entreprises agricoles canadiennes ont récemment été confrontées à des problèmes d’accès aux marchés pour les produits agricoles, notamment les exportations de canola, de bœuf et de porc à destination de la Chine, les exportations de légumineuses à destination de l’Inde et les exportations de blé à destination de l’Italie. La plupart de ces problèmes sont maintenant réglés, mais quelques-uns persisteront jusqu’en 2020. Comme la plus grande partie de la production de cultures agricoles du Canada est exportée chaque année, les producteurs et les entreprises doivent avoir accès au plus grand nombre de marchés possible pour éviter de subir les pertes financières susceptibles de découler d’une diminution des achats d’un acheteur important.
Les échanges internationaux semblent être entrés dans une période de perturbations prolongées et d’équilibre précaire entre l’offre et la demande en raison des tensions géopolitiques accentuées, des phénomènes météorologiques et de la croissance de la production des fournisseurs émergents. La grande question est de savoir si cela constitue la nouvelle norme ou si ce n’est qu’une tendance passagère. Dans une conjoncture comme celle-ci, les exportations peuvent chuter facilement; or, en 2019, la valeur des exportations canadiennes de porc, de bœuf, de blé et de soja d’une année sur l’autre a augmenté. Chaque secteur a pu rediriger ses exportations vers des marchés clés, ce qui a assurément contribué à atténuer le risque financier des producteurs canadiens au cours de cette année trouble.
La semaine prochaine, je me pencherai sur les marchés où les produits canadiens profitent déjà d’un avantage concurrentiel, et sur ceux qui offrent les meilleures possibilités de croissance pour nos exportations.
Rédactrice économique
Membre de l’équipe des Services économiques depuis 2013, Martha Roberts est une spécialiste en recherche qui étudie les risques et les facteurs de réussite pour les producteurs agricoles et les agroentreprises. Martha compte 25 années d’expérience dans la réalisation de recherches qualitatives et quantitatives et la communication des résultats aux spécialistes de l’industrie. Elle est titulaire d’une maîtrise en sociologie de l’Université Queen’s à Kingston, en Ontario, et d’une maîtrise en beaux-arts en écriture non fictive de l’Université de King’s College.