Comment les tarifs douaniers américains se répercuteront-ils sur les prix du bétail canadien?
Face au retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis, le Canada et le reste du monde se préparent à l’imposition imminente de tarifs punitifs. Le choc tarifaire attendu pourrait se traduire par un rajustement à la baisse des prix au Canada, de sorte que les recettes monétaires agricoles seront limitées, en particulier pour les éleveurs.
Porcs
Les éleveurs de porcs canadiens dépendent fortement de l’accès au marché des États-Unis, mais la dynamique entre les éleveurs de l’Est et ceux de l’Ouest mérite une attention particulière. Le Canada exporte 22 % de sa production totale de porcs, et les exportations vers les États-Unis représentent 99 % de l’ensemble des exportations. Parmi les porcs exportés, 60 % (soit quatre millions de porcs par année) sont des porcelets sevrés en isolement de moins de sept kilos destinés à l’engraissement et à l’abattage aux États-Unis; la majorité de ces porcelets (soit 2,6 millions) proviennent du Manitoba.
De tous les transformateurs de viande des États-Unis, les transformateurs de viande de porc situés dans le Minnesota et ses environs sont sans doute les plus tributaires d’un accès sans entrave à l’approvisionnement en bétail du Canada. Ce serait le cas à court terme, du moins; à long terme, étant donné le cycle de production plus court des porcs (une truie peut produire une portée de douze à quatorze porcelets tous les six mois), il est sans doute plus facile pour les éleveurs américains de combler les déficits d’approvisionnement en porcs qu’en bovins, car les exportations canadiennes ne représentent que 5 % de l’approvisionnement total des États-Unis.
En outre, environ 25 % des exportations canadiennes de porcs (soit 1,6 million de porcs par année) sont des porcs ayant atteint le poids de marché et destinés à l’abattage. Au cours des quatre dernières années, le Canada a perdu une part importante de sa capacité de transformation du porc, ce qui a notamment eu pour effet d’augmenter les expéditions de porcs prêts à être commercialisés aux États-Unis pour y être abattus, en particulier dans l’Est du Canada. En d’autres termes, la dépendance du secteur porcin à l’égard du marché américain s’est accrue au cours des quatre dernières années en raison des fermetures d’usines au Canada (figure 1).
Figure 1. Les exportations de porcs prêts à être commercialisés vers les États-Unis ont augmenté considérablement au cours des quatre dernières années
Un tarif douanier entraînerait probablement une baisse des prix des porcs canadiens. Bien entendu, cela n’aiderait en rien les éleveurs de porcs qui commencent tout juste à sortir du creux de la vague de ce secteur hautement cyclique après plusieurs années de rentabilité serrée, voire négative.
Bovins
Les éleveurs canadiens de bovins sont aussi très dépendants de l’accès au marché des États-Unis. Le Canada exporte 17 % de sa production totale de bovins, et les exportations vers les États-Unis représentent 99 % de l’ensemble des exportations. Parmi les bovins envoyés aux États-Unis, 70 % (soit 540 000 têtes) sont destinés à l’abattage. Toutefois, les exportations canadiennes ne représentent que 2 % de l’approvisionnement total des États-Unis.
La fréquence des échanges transfrontaliers est plus élevée sur le marché des bovins. Par exemple, un veau peut naître en Alberta, être envoyé dans le Montana pour y paître, être renvoyé en Alberta pour y être engraissé dans un parc d’engraissement, puis être réexpédié aux États-Unis pour y être abattu. Cette fréquence complique le calcul des impacts potentiels des tarifs.
Un tarif douanier entraînerait probablement une baisse des prix des bovins canadiens. Contrairement à leurs homologues du secteur porcin, les éleveurs de bovins, qui enregistrent actuellement des prix records, sont mieux placés pour absorber ce choc, même s’il est clair que leur rentabilité sera ébranlée.
Économiste principal
Graeme Crosbie est économiste principal à FAC. Ses domaines d’intérêt portent notamment sur l’analyse et les perspectives macroéconomiques et sur l’analyse et la surveillance de l’industrie agroalimentaire canadienne. Ayant grandi sur une ferme laitière dans le sud de la Saskatchewan, il formule à l’occasion des observations sur la santé de l’industrie laitière du Canada.
Graeme est employé à FAC depuis 2013 et a consacré la plus grande partie de ces années à la gestion du risque. Il détient une maîtrise en gestion avec spécialisation en économie financière de l’Université de Cardiff ainsi que le titre d’analyste financier agréé (CFA).