Croissance mitigée des exportations canadiennes de céréales et d’oléagineux après la signature d’accords commerciaux
Au cours des six dernières années, le Canada a signé trois accords commerciaux multilatéraux avec certaines des plus grandes économies du monde. L’Accord économique et commercial global (AECG) est entré en vigueur à titre provisoire en 2017, donnant au Canada un accès préférentiel aux (désormais) 27 pays de l’Union européenne, dont la population totale avoisinait les 450 millions d’habitants en 2023, et qui constitue l’une des plus importantes économies du monde et l’un des plus grands marchés d ’exportation agroalimentaire du Canada.
En 2018, le Canada a signé l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) et l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) qui, à bien des égards, a maintenu l’accès préférentiel accordé par l’ancien Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) qui était en vigueur en novembre 2020. L’ACEUM est sans doute l’accord le plus lucratif pour le Canada, les États-Unis étant notre principal partenaire commercial mondial. Compte tenu des nombreux liens qui unissent nos économies, les États-Unis ont toujours été notre principal marché d’exportation pour les produits alimentaires.
Le PTPGP permet l’accès à dix pays côtiers du Pacifique (Australie, Brunéi Darussalam, Chili, Japon, Nouvelle-Zélande, Malaisie, Mexique, Pérou, Singapour et Vietnam), dont beaucoup, bien qu’ils ne soient pas des partenaires traditionnels du Canada en matière de commerce de produits agricoles et agroalimentaires, augmentent leurs importations à mesure que les dépenses des ménages au sein des pays augmentent. Le Royaume-Uni devrait se joindre au PTPGP en tant qu’État membre d’ici 2025.
Même si l’accès aux pays est nécessaire pour améliorer le commerce, il ne garantit pas que les exportations canadiennes augmenteront vers les régions avec lesquelles nous avons des accords. Cinq ans après la signature de l’ACEUM et du PTPGP, et six ans après la signature de l’AECG, les accords ont porté leurs fruits pour les exportations de céréales du Canada, mais dans une moindre mesure pour les exportations d’oléagineux.
Les taux de croissance des exportations de céréales après la signature d’un accord démontrent les avantages des accords commerciaux
Avant la mise en place des accords commerciaux, les volumes globaux des exportations céréalières canadiennes étaient en hausse. La croissance annuelle moyenne a été de 4,4 % pendant la période de 2014 à 2018, les exportations vers l’Union européenne étant à l’origine d’une grande partie de cette augmentation. Les exportations vers les pays du PTPGP ont également affiché un taux de croissance annuel moyen plus élevé que le total. Plusieurs facteurs ont contribué à cette hausse. En 2014, le volume des exportations céréalières a augmenté de 21,2 % par rapport à l’année précédente, sous l’effet de l’abondance de l’offre intérieure et de la détérioration rapide de la valeur du dollar canadien par rapport à la hausse du dollar américain après l’invasion russe de la Crimée.
Au cours des cinq années suivantes, la croissance de l’ensemble des exportations de céréales s’est quelque peu ralentie, passant de 4,4 % à 4,0 % de croissance annuelle moyenne. Les exportations ont d’abord été soutenues en 2020 en réponse à la demande mondiale croissante pour des produits agricoles de base, mais ont chuté en 2021 et 2022 lorsque le Canada a fait face à des pertes de production céréalière en raison de mauvaises conditions d’humidité dans l’Ouest. Les signatures de l’ACEUM, de l’AECG et du PTPGP ont ensuite eu différents niveaux d’influence sur les exportations canadiennes de céréales vers les trois régions.
Les États-Unis servent de marché secondaire pour les exportations de cultures du Canada. Ils deviennent une destination lorsque les exportations vers d’autres marchés plus lucratifs ont été épuisées. Alors que les volumes d’exportations de céréales vers l’Europe, l’Asie et d’autres régions ont augmenté, les volumes exportés en Amérique du Nord accusaient un retard (figures 1 et 2). L’ACEUM a stimulé les exportations de céréales vers les États-Unis et le Mexique en 2023, lorsque les volumes étaient plus proches du niveau enregistré en 2018.
Figure 1 : L’ACEUM permet aux exportations canadiennes vers les États-Unis de croître au besoin
De 2013 à 2017, la croissance des exportations céréalières vers l’Union européenne a connu en moyenne une augmentation très appréciable de 25 % par année (figure 2). En 2014, le Canada a exporté 3,6 millions de tonnes vers les pays de l’Union européenne, soit une augmentation de 160 % en glissement annuel. Toutefois, ce type de croissance s’est avéré difficile à maintenir, malgré la mise en place de l’AECG.
Figure 2 : La COVID-19 augmente le taux de croissance annuel moyen des exportations agricoles après l’entrée en vigueur de l’AECG
En Europe et parmi les pays du PTPGP, nous constatons l’incidence de la baisse des niveaux de production provoquée par la sécheresse de 2021 sur les volumes expédiés (figure 3). Néanmoins, les accords étaient en place lors de la hausse soudaine de la demande mondiale de produits agricoles durant la COVID-19. Le statut d’exemption tarifaire dont bénéficie le Canada au sein de l’UE a contribué à augmenter de 15,7 % les volumes d’exportation de céréales de 2018 à 2020. Dans la région du PTPGP (à l’exception du Mexique), les exportations céréalières ont grimpé de 24,9 % de 2019 à 2020, après avoir progressé à un taux annuel moyen de 5,7 % de 2014 à 2018. Toutefois, les exportations vers le Japon, le plus important marché du PTPGP, ont diminué de 23,4 % de 2020 (leur plus haut niveau) à 2022, ce qui a entraîné une baisse globale des volumes exportés vers la région. Cette tendance pourrait signifier que les accords commerciaux ne suffisent pas toujours pour renforcer les exportations canadiennes. L’Australie, qui bénéficie d’un avantage en matière de transport par rapport au Canada pour les exportations vers le Japon et qui a conclu son propre accord bilatéral de libre-échange, a connu une excellente production céréalière à la même époque, ce qui a peut-être accru sa compétitivité relative.
Figure 3 : Les exportations de cultures ont bénéficié d’un coup de pouce initial après l’instauration du PTPGP*
La signature de l’AECG arrive à point nommé pour répondre à la demande supplémentaire d’oléagineux de l’UE
Les exportations d’oléagineux du Canada ont globalement augmenté, progressant en moyenne chaque année de 7,8 % de 2014 à 2018, principalement grâce à la vigueur des ventes à la Chine. L’explosion des importations de soya canadien par la Chine, qui ont connu une croissance de 500 % de 2014 à 2018, s’est reproduite à des degrés divers dans les importations d’autres fournisseurs pour alimenter une production porcine en pleine expansion.
Cette forte croissance des volumes d’exportation du Canada s’est toutefois ralentie après 2018, pour de nombreuses raisons. Dans l’ensemble, les exportations d’oléagineux ont chuté de façon spectaculaire, alors que la peste porcine africaine a décimé le cheptel porcin de la Chine et que les importations de soya chinois ont cessé presque du jour au lendemain. Les exportations canadiennes ont également diminué en raison de l’augmentation de la capacité de trituration des graines oléagineuses à l’échelle du pays. De 2019 à 2023, les exportations d’oléagineux ont enregistré une perte moyenne de -3,3 % par an. En comparaison, les exportations vers les partenaires nord-américains et du PTPGP ont chuté à un rythme encore plus rapide, tandis que les exportations vers l’UE ont grimpé en flèche.
Malgré l’existence de l’ALENA et de l’ACEUM, les exportations d’oléagineux du Canada vers les marchés nord-américains ont chuté au cours des cinq premières années qui ont suivi la signature de l’accord. Elles ont diminué chaque année de 2014 à 2018, mais les pertes se sont accélérées entre 2019 et 2023, en partie en raison des niveaux de production limités et de la hausse des exportations vers d’autres marchés (figure 1).
Les exportations d’oléagineux vers les pays de la région du PTPGP (à l’exception du Mexique) ont également diminué au cours de la période de cinq ans qui a suivi l’entrée en vigueur de l’accord (figure 3). Elles ont baissé en moyenne de 8,5 % par an. La majeure partie de cette baisse est attribuable à une forte réduction des échanges avec le Japon. Entre 2020 et 2023, les exportations de canola vers le Japon ont diminué de 56 %, l’Australie étant en mesure de prendre le relais.
Au cours des cinq années précédant la signature de l’AECG, les exportations d’oléagineux du Canada vers l’Europe ont chuté en moyenne de 3,6 % chaque année, un chiffre fortement influencé par la chute spectaculaire de 52,7 % en glissement annuel en 2018 (figure 2), lorsque les pertes de production de canola et de soya ont limité les exportations. De 2014 à 2017 (c’est-à-dire sans la récolte réduite de 2018), les exportations d’oléagineux ont affiché un taux de croissance annuel moyen de 4,1 %. Aussi forte qu’elle ait été, cette croissance a été éclipsée par la croissance des exportations qui a suivi l’entrée en vigueur de l’AECG. De 2018 à 2022, les volumes d’exportation d’oléagineux destinés à l’UE ont augmenté en moyenne de 20,5 % par an et, si l’on considère uniquement la période 2018-2020, ils ont progressé de plus de 300 %.
En conclusion
De nombreux facteurs influencent la performance commerciale. La production mondiale relative des cultures a une incidence sur les volumes d’exportation canadiens, tout comme les fluctuations monétaires relatives entre les fournisseurs et les acheteurs. Les cinq premières années suivant la signature des trois accords ayant été marquées par une diminution de la production des cultures à l’échelle nationale, il est difficile d’en évaluer pleinement les répercussions. Toutefois, lorsque la demande européenne de céréales et d’oléagineux a augmenté, l’AECG a permis de pousser les exportations canadiennes à la hausse. Étant donné que les pays qui ont ratifié l’accord ont augmenté leurs exportations d’oléagineux en moyenne de 53 % par an et que les pays qui n’ont pas ratifié l’accord ont enregistré un taux de croissance annuel moyen de 13,4 % de 2018 à 2022, la ratification complète (si elle est possible) offrirait un potentiel encore plus important. L’ACEUM a eu un effet plus modéré, ce qui n’est peut-être pas étonnant étant donné les gains engendrés précédemment par l’ALENA. La région du PTPGP a connu un élan initial pour les exportations de cultures pendant la COVID-19, qui s’est essoufflé lorsque le Japon a réduit ses expéditions.
Rédactrice économique
Membre de l’équipe des Services économiques depuis 2013, Martha Roberts est une spécialiste en recherche qui étudie les risques et les facteurs de réussite pour les producteurs agricoles et les agroentreprises. Martha compte 25 années d’expérience dans la réalisation de recherches qualitatives et quantitatives et la communication des résultats aux spécialistes de l’industrie. Elle est titulaire d’une maîtrise en sociologie de l’Université Queen’s à Kingston, en Ontario, et d’une maîtrise en beaux-arts en écriture non fictive de l’Université de King’s College.