Relancer la croissance de la productivité agricole – une occasion de 30 milliards de dollars sur dix ans
La croissance de la productivité agricole du Canada a ralenti depuis 2011, ce qui est conforme aux tendances générales de la productivité dans le monde. Ce ralentissement s’est produit alors que les préoccupations en matière de sécurité alimentaire sont accrues et que les changements climatiques perturbent la production alimentaire. L’innovation et la technologie peuvent relancer la croissance de la productivité à l’avenir. En supposant que l’industrie agricole canadienne retrouve le niveau de croissance de la productivité qu’elle a atteint il y a vingt ans, cela permettrait d’ajouter jusqu’à 30 milliards de dollars au revenu monétaire net sur dix ans. Les efforts et les ressources visant à stimuler l’innovation peuvent favoriser la croissance de la productivité agricole et renforcer la sécurité et la durabilité alimentaires.
Définition simple de la productivité
La productivité agricole mesure la quantité de biens et de services produits à partir d’une quantité donnée d’intrants. Elle évalue la manière dont les intrants tels que le travail, le capital, la terre et les matériaux (engrais, aliments pour animaux, etc.) sont transformés en extrants tels que les cultures, le bétail et les produits de l’aquaculture. La productivité totale des facteurs (PTF) mesure les effets combinés des nouvelles technologies, des améliorations de l’efficacité et des économies d’échelle.
La croissance de la PTF est obtenue lorsque les producteurs augmentent leur production en utilisant des quantités d’intrants semblables ou inférieures. En d’autres termes, la croissance de la PTF augmente lorsque les producteurs mettent en œuvre de nouvelles technologies ou réalisent des gains d’efficacité dans la manière dont ils combinent et utilisent moins d’intrants agricoles pour accroître la production. L’accélération de la croissance de la PTF peut entraîner une expansion de l’offre alimentaire et augmenter le rapport entre les prix des produits agricoles et les prix des intrants agricoles payés par les exploitants agricoles.
Croissance sensationnelle de la productivité : un plateau et un défi
Entre 1970 et 2020, le nombre d’exploitations agricoles a diminué de 50 % au Canada, la taille moyenne des exploitations a doublé et la valeur agricole par acre a presque quadruplé. Aujourd’hui, les agriculteurs peuvent produire deux fois plus avec des intrants équivalents. L’industrie a développé et introduit de nouvelles variétés de cultures et d’additifs pour l’alimentation animale, a été à l’avant-garde des technologies permettant d’économiser de la main-d’œuvre et a exploité les connaissances générées par les données, ce qui fait de nous des chefs de file mondiaux dans la fourniture de denrées alimentaires sûres et de qualité. Nos pratiques innovantes en matière de production agricole ont conduit à une excellente gestion de nos terres et de l’environnement. Comparativement au reste du monde occidental, la population canadienne alloue l’une des plus petites parties de son revenu disponible aux achats de denrées alimentaires [en anglais seulement].
Notre succès est ancré dans l’évolution de la productivité des exploitations agricoles canadiennes. Cependant, il n’y a plus de nouvelles solutions faciles à notre disposition pour nous aider à accroître notre productivité. Nous avons enregistré des augmentations sensationnelles de la croissance moyenne de la productivité annuelle de 1971 à 2000, puis nous avons atteint un plateau pendant deux décennies où la croissance moyenne de la productivité annuelle a été d’environ 2 % (figure 1). Le déclin de la croissance de la productivité des dix dernières années, combiné à la projection d’un nouveau déclin pour les dix prochaines années par l’Organisation de coopération et de développement économiques et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (OCDE-FAO), représente un défi majeur. Ce phénomène qui n’est pas propre au Canada nous offre par ailleurs une occasion extraordinaire.
Figure 1 : Croissance annuelle moyenne de la PTF dans l’agriculture canadienne par décennie
L’amélioration de la productivité agricole peut permettre de résoudre plusieurs problèmes à la fois
Selon l’Organisation des Nations Unies (ONU), la population mondiale devrait atteindre près de dix milliards d’habitants d’ici 2050, ce qui, associé à la croissance des revenus, entraînera une hausse importante de la demande alimentaire. Or, les récents événements géopolitiques et l’inflation rapide du côté des denrées alimentaires ont suscité des inquiétudes quant à la capacité des fournisseurs de denrées alimentaires à répondre aux besoins d’une population mondiale croissante.
La récente recherche de l’OCDE-FAO indique que pour atteindre l’objectif de l’ONU intitulé faim « zéro » et répondre à l’engagement de l’accord de Paris à réduire les émissions de 6 % dans le secteur de l’agriculture, la productivité agricole mondiale devra augmenter de 28 % au cours de la prochaine décennie, ce qui représente environ trois fois le taux de croissance de la productivité attendu à l’échelle mondiale.
Le Canada est prêt à jouer un rôle encore plus important sur les marchés agricoles mondiaux. L’augmentation de la productivité des exploitations agricoles peut stimuler les exportations canadiennes de produits agricoles et alimentaires. L’innovation dans les pratiques et les technologies de production peut renforcer la résilience au changement climatique à mesure que le profil de risque de production des exploitations évolue. Le monde a besoin du leadership canadien en matière d’agriculture.
Pistes pour améliorer la productivité
Les possibilités d’améliorer la croissance de la productivité sont nombreuses. L’amélioration du rendement peut provenir de machines agricoles de précision pilotées par GPS, de technologies d’irrigation améliorées, de pratiques de gestion des nutriments améliorées comme les nutriments 4B et de variétés résistantes aux maladies. L’optimisation de l’alimentation, de la génétique animale et de la gestion des troupeaux permet d’augmenter la productivité animale. La mécanisation et l’automatisation de l’exploitation peuvent soutenir les tendances positives de la productivité du travail. Les drones, les robots, les moissonneuses et les tracteurs peuvent réduire le travail du sol et les coûts des intrants. Certaines de ces technologies ont déjà été adoptées, et une adoption plus large contribuerait grandement à stimuler de façon durable la croissance de la productivité.
Estimation de la relation entre la productivité et le revenu
Le cadre que nous avons utilisé a été élaboré par O’Donnell (2010) [en anglais seulement]. Nous avons étudié la relation entre la PTF et les termes des échanges des agriculteurs (le rapport entre l’indice des prix des produits agricoles et l’indice des prix des intrants agricoles). Une augmentation de la PTF entraîne une amélioration des termes des échanges, ce qui se traduit par une variation positive du revenu monétaire net (mesuré par le rapport entre les recettes brutes et les dépenses monétaires).
La possibilité de ramener la croissance de la productivité à son niveau historique est calculée en examinant la valeur des bénéfices dans le cadre de ce scénario ambitieux, par rapport aux bénéfices dans le cadre de la trajectoire projetée du statu quo. Si l’industrie agricole canadienne retrouve le niveau de croissance de la productivité qu’elle a atteint il y a vingt ans, cela permettrait d’ajouter jusqu’à 30 milliards de dollars au revenu net en espèces sur dix ans.
Saisissons l’occasion
La relance de la croissance de la productivité agricole au Canada est une formidable occasion d’augmenter les revenus agricoles, d’atténuer les problèmes de sécurité alimentaire dans le monde et d’améliorer l’agriculture durable. Le leadership collectif de l’industrie agricole canadienne peut être un moteur puissant pour atteindre des objectifs ambitieux.
Économiste principal
En tant qu’économiste principal à FAC, Isaac Kwarteng se concentre sur la recherche et les prévisions économiques à long terme, en soutien à la stratégie et à la gestion du risque. De plus, il appuie le bureau de la PDG en répondant aux demandes de renseignements et de données.
M. Kwarteng est entré au service de FAC en 2023. Auparavant, il a occupé des fonctions touchant l’économie, la recherche et la statistique pour le gouvernement de la Saskatchewan pendant une décennie.
Titulaire d’une maîtrise en économie de l’Université d’East Anglia, au Royaume-Uni, il détient aussi une maîtrise en statistique de l’Université de Regina, où il est actuellement inscrit au programme de doctorat.