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Engorgements du transport maritime mondial et agriculture canadienne

17 juill. 2024
6,5 min de lecture

Personne n’aime faire un grand détour lors de son voyage d’été ou héler un taxi aux heures de pointe. Pour la plupart des Canadiens, ce n’est pas une expérience agréable, surtout lorsque les délais sont serrés. Mais cela s’apparente à ce qui se passe dans le secteur du transport maritime mondial.

La capacité mondiale de transport maritime a été réduite en raison des détours autour de l’Afrique attribuables aux troubles en cours dans la mer Rouge (figure 1). Actuellement, il n’y a pas suffisamment de navires pour transporter les conteneurs, ce qui s’explique principalement par la fermeture des voies maritimes de la mer Rouge (canal de Suez). Les navires doivent effectuer des trajets de 30 à 40 % plus longs pour atteindre leur destination, de sorte qu’il faut plus de navires pour transporter la même quantité de marchandises. En outre, le détournement des navires autour de l’Afrique (cap de Bonne Espérance) a un impact négatif global sur les délais de livraison et les horaires des ports, provoquant une congestion portuaire en Asie, les navires n’arrivant pas à l’heure prévue. Les faibles niveaux d’eau dans le canal de Panama, le mauvais temps et les problèmes de main-d’œuvre dans les principaux ports ont aggravé le problème pour le transport mondial.

Figure 1 : Le conflit de la mer Rouge affecte les routes maritimes mondiales

Figure illustrant l'impact du conflit de la mer Rouge sur les routes maritimes mondiales

Sources : Plateforme mondiale de l'ONU, PortWatch du FMI

Ces engorgements dans les transports ont fait grimper les taux de fret maritime au cours de l’année écoulée. L’indice Baltic Dry, une mesure mondiale des prix du fret en vrac sec, a doublé au cours de l’année écoulée (figure 2), tandis que l’indice World Container [en anglais seulement] a plus que triplé. Ces dernières années, les taux de fret mondiaux ont été volatils. Bien que les coûts de fret aient augmenté en 2024, les prix restent inférieurs à ceux de 2021, lorsque les coûts du transport maritime avaient atteint des niveaux record. Même si la plupart des exportations du Canada n’ont pas à transiter par le canal de Panama ou le canal de Suez, la hausse des taux de fret mondiaux a une incidence sur les producteurs et les exportateurs canadiens œuvrant dans le secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire. Les conséquences d’une augmentation des tarifs de fret ne se limitent pas seulement au transport des marchandises; en effet, une hausse des tarifs d’expédition pourrait se répercuter sur les prix à la consommation et éventuellement perturber les progrès constants réalisés dans la lutte contre l’inflation.

Figure 2 : L’indice Baltic Dry est en hausse depuis un an

Indice Baltic Dry illustrant une hausse des taux de fret maritime

Sources : Bloomberg, calculs effectués par FAC

L’écart entre certains taux de fret dépend du produit transporté (vrac ou conteneur) et de la destination. Les conteneurs sortants d’Asie sont soumis à des taux plus élevés que les marchandises entrantes. Les itinéraires entre l’Amérique du Nord et l’Asie sont traditionnellement moins chers, mais ces derniers mois, les prix ont également commencé à augmenter. Les taux de fret canadiens au départ de la côte Ouest restent favorables, ce qui signifie que l’impact sur le secteur canadien de l’agriculture et de l’agroalimentaire a été minime jusqu'à présent (figure 3). Les taux de fret des céréales de la côte Ouest ont atteint en moyenne environ 32 $ US par tonne en 2024, par rapport à 28 $ US par tonne au cours de la même période en 2023. À titre de comparaison, l’indice des conteneurs de Shanghai est passé d’une valeur moyenne approximative de 980 $ US à 2 500 $ US par équivalent vingt pieds (EVP) au cours de cette année.

Figure 3 : Taux de fret à l’étranger vs taux de fret sur la côte Ouest

Figure illustrant les différences de variation en pourcentage de divers taux de fret maritime

Sources : USDA, Bloomberg, Trading Economics, calculs effectués par FAC

Des développements positifs à l’horizon

Les détours de la mer Rouge autour de l’Afrique ne devraient pas cesser de sitôt. Toutefois, il y a des raisons d’être optimiste quant au désengorgement des ports mondiaux au cours des prochaines semaines. Tout d’abord, les compagnies maritimes internationales et leurs clients adaptent les horaires et les arrivées au nouveau contexte d’exploitation. Pour rattraper le retard, certains grands navires ont été redirigés vers des ports asiatiques plus importants afin de décharger leurs cargaisons, qui ont ensuite été rechargées sur des navires de plus petite taille en vue de poursuivre leur route jusqu’à leur destination. Bien que cela ait pu causer des perturbations à court terme dans les ports asiatiques, la stratégie devrait améliorer le rendement global de la chaîne d’approvisionnement à l’avenir.

Autre élément positif, le niveau d’eau du canal de Panama serait revenu à la normale plus rapidement que prévu, grâce aux récentes précipitations dans la région. En conséquence, les transits quotidiens augmentent et devraient atteindre 35 le mois prochain, ce qui est proche de la moyenne historique de 36 (figure 4).

Figure 4 : Les transits quotidiens par le canal de Panama tendent vers des niveaux normaux

Figure illustrant la moyenne quotidienne des transits par le canal de Panama

Sources : Plateforme mondiale de l'ONU; PortWatch du FMI

Les prix des carburants demeurent un facteur d’incertitude

Si la situation semble s’améliorer en ce qui concerne les coûts du fret, il convient de souligner qu’il subsiste encore beaucoup d’incertitudes. Les prix des carburants restent un élément imprévisible, car ils ont tendance à réagir aux variations des prix du pétrole et aux variations des stocks, qui peuvent être volatiles. Ces stocks reflètent l’équilibre entre l’offre et la demande. Par exemple, les stocks de pétrole brut américains de ce mois-ci sont en baisse de 19 % par rapport aux cinq derniers mois de juillet. Les stocks d’essence se situent à des niveaux historiques, tandis que les stocks de distillats sont inférieurs d’environ 9 % (figure 5). La réaction des prix des carburants aux variations des stocks reflète également la façon dont ils se situent par rapport aux attentes du marché.

Figure 5 : Stocks de pétrole brut et de carburant en juillet aux États-Unis par rapport aux données de juillet pour chacune des cinq dernières années

Figure illustrant les stocks de pétrole, d'essence et de distillats en juillet 2024 par rapport aux données de juillet pour chacune des cinq dernières années

Sources : EIA des États-Unis, calculs effectués par FAC

Les stocks inférieurs à la moyenne pourraient soutenir les prix du pétrole à court terme, même si nous ne prévoyons pas d’envolée prochaine dans un contexte de perspectives économiques mondiales toujours moroses. En effet, nous prévoyons que les prix du pétrole se situeront en moyenne légèrement au-dessus de 80 $ US le baril en 2025, soit près des niveaux actuels. Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de volatilité. Les prix du pétrole fluctueront en fonction des facteurs ayant un impact sur l’offre ou la demande (par exemple, la saison des ouragans, l’escalade du conflit en mer Rouge et les tendances économiques aux États-Unis), mais toute volatilité devrait être de courte durée, les prix revenant à la tendance projetée au cours de la période de prévision.

En conclusion

Les goulots d’étranglement du transport maritime mondial semblent s’atténuer, ce qui laisse présager une baisse des coûts du fret maritime au cours des semaines à venir. Les coûts des carburants restent toutefois un facteur d’incertitude et pourraient éventuellement faire dérailler cette tendance à la baisse, bien qu’à ce stade, nous ne nous attendions pas à une hausse importante dans un contexte de perspectives économiques mondiales précaires. Le risque le plus important lié aux coûts de transport pour le secteur canadien de l’agriculture et de l’agroalimentaire est peut-être l’éventualité d’un mouvement de grève qui pourrait freiner les activités des chemins de fer et des ports. Il reste important pour les exportateurs canadiens de prévoir des plans d’urgence afin de minimiser les perturbations qui pourraient en découler.

x.com/AndersonLeigh3
Leigh Anderson

Économiste principal

Fort de son expérience dans les marchés agricoles et la gestion du risque, Leigh Anderson est économiste principal à FAC. Il est spécialisé dans la surveillance et l’examen du portefeuille de FAC et de la santé de l’industrie, et il livre des analyses sur les risques liés à l’industrie. En plus de faire des présentations sur l’agriculture et l’économie, Leigh participe régulièrement au blogue des Services économiques de FAC.

Leigh est entré en fonction à FAC en 2015 au sein de l’équipe des Services économiques. Il œuvrait auparavant auprès de la Direction des politiques du ministère de l’Agriculture de la Saskatchewan. Il est titulaire d’une maîtrise en économie agricole de l’Université de la Saskatchewan.