L’incidence des gains de productivité sur le revenu agricole – deuxième partie
La semaine dernière, j’ai soutenu que les gains de productivité n’augmentent pas nécessairement le revenu agricole. Cette semaine, j’explique comment une productivité accrue peut profiter aux consommateurs et ce que les producteurs peuvent faire pour garder une longueur d’avance.
Avantages pour les consommateurs
La croissance de la productivité dans l’agriculture est la raison pour laquelle le monde n’est pas tombé dans le piège malthusien, une situation dans laquelle la croissance démographique dépasse l’offre alimentaire, créant des pénuries alimentaires à l’échelle mondiale. Les gains de productivité se sont avérés être le moyen le plus efficace (en anglais seulement) de lutter contre la faim dans le monde.
La croissance de la productivité a contribué à limiter l’augmentation du coût des aliments. En augmentant la production agricole du Canada et du reste du monde, le coût unitaire des matières premières utilisées dans la transformation des aliments a diminué.
La figure 1 montre les indices des prix nominaux et réels des aliments au Canada. L’indice nominal reflète le prix réel des aliments tandis que l’indice réel tient compte de l’inflation globale des prix. Les prix nominaux des aliments n’ont cessé d’augmenter au cours des 40 dernières années. Après ajustement en fonction de l’inflation, les prix d’aujourd’hui n’ont pas beaucoup changé depuis 1980. Étant donné que le monde a vu s’ajouter plus de 3 milliards de personnes et que les marchés agricoles sont mondiaux, il est étonnant que les prix réels des aliments soient restés constants. Le revenu des Canadiens a augmenté, mais les dépenses alimentaires se sont stabilisées. Ainsi, les ménages canadiens consacrent une part décroissante de leur revenu à l’alimentation, ce qui leur permet de dépenser davantage pour d’autres biens et services.
Figure 1 : Indice des prix à la consommation pour les aliments au Canada (2002=100)
Trois façons pour les agriculteurs de garder une longueur d’avance
Bien que les gains de productivité ne profitent pas toujours au revenu des agriculteurs à long terme, il existe quelques moyens de garder une longueur d’avance dans un milieu agricole en constante évolution.
1. Adopter les plus récentes technologies
Cela signifie qu’il faut suivre le rythme de l’évolution constante des technologies et, parfois, faire des investissements importants et calculés. Il n’est pas toujours économiquement possible pour une ferme d’être à la fine pointe de la technologie, parce qu’il faut des années pour payer d’importants investissements qui améliorent la productivité. Cependant, il est possible d’en rester proche. Des investissements faits au moment propice sont la clé du succès.
2. Développer de nouveaux marchés
L’augmentation de la demande à grande échelle exige des ressources qui dépassent généralement celles d’une seule exploitation agricole. Toutefois, les gouvernements et les intervenants de l’industrie dans l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement développent de nouveaux marchés en introduisant de nouveaux produits (p. ex. l’éthanol dans l’essence), en stimulant la demande (p. ex. la publicité générique) ou en ouvrant de nouveaux marchés étrangers (p. ex. les accords commerciaux). L’accès aux marchés étrangers par le biais d’accords commerciaux est essentiel pour accroître la demande d’un produit agricole.
3. Introduire de nouveaux produits
Les marges de profit des produits agricoles de niche peuvent dépasser celles des produits agricoles génériques. Malgré des marchés plus restreints, les produits de niche peuvent se vendre à des prix plus élevés. Les producteurs peuvent réaliser des profits supplémentaires en ajoutant de la valeur directement à la ferme. Les produits et services à valeur ajoutée peuvent accroître les marges bénéficiaires d’une entreprise au lieu de laisser cette valeur être transférée dans la chaîne d’approvisionnement en aval (transformation, stockage, distribution, etc.). Il n’y a rien de gratuit. Les revenus supplémentaires provenant de la valeur ajoutée à la ferme s’accompagnent de coûts supplémentaires.
Article par : Sébastien Pouliot, Économiste supérieur