Les perspectives du secteur de la transformation alimentaire assombries par l’incertitude
La chaîne d’approvisionnement agroalimentaire est très résiliente, mais elle n’est pas à l’abri des cycles économiques qui font fluctuer la demande d’aliments et gonfler les coûts. La pandémie de COVID-19 provoquera une grave récession et entraînera des transformations permanentes dans la chaîne d’approvisionnement ainsi qu’une importante variabilité dans les tendances de rentabilité des transformateurs alimentaires.
Le secteur de la fabrication de produits alimentaires prospérait avant la COVID-19
Les tendances des ventes du secteur de la fabrication de produits alimentaires jusqu’au début de la récession actuelle indiquent que le secteur est sain puisque la croissance des ventes mensuelles des fabricants par rapport à l’année dernière était essentiellement positive (Figure 1). Le regroupement des données à ce niveau peut toutefois masquer d’importantes tendances dans différents secteurs. Par exemple, les ventes des secteurs de la boulangerie, de la viande et de la mise en conserve de fruits et de légumes ont progressé, mais la croissance était plus lente au cours des douze derniers mois.
Figure 1. Variation annuelle et volumes en dollars des ventes mensuelles du secteur de la fabrication de produits alimentaires, janvier 2018 — février 2020
Nous nous attendons à ce que les ventes du secteur de la fabrication de produits alimentaires en mars affichent une hausse. Toutefois, au-delà de cet horizon à court terme, les projections sont moins claires. Les tendances suivantes seront importantes.
1. Les nouvelles habitudes alimentaires deviendront-elles la norme?
De nouvelles habitudes de consommation alimentaire se dessinent :
Les consommateurs ont fait des réserves de provisions au début de la crise.
La prise de repas à l’extérieur du domicile représente normalement 30 % des dépenses d’alimentation. La fermeture des restaurants a entraîné un changement radical des habitudes des consommateurs, qui prennent maintenant davantage de repas à la maison.
Un revenu des ménages plus faible entraîne une consommation de produits alimentaires jugés « inférieurs » par les économistes. Les nouilles ramen en sont un bon exemple (en anglais seulement). L’inverse est également vrai : la demande de produits alimentaires chers et de grande qualité est plus faible.
Les aliments locaux sont de plus en plus recherchés par les consommateurs.
La crainte d’une rareté future de produits pourrait inciter les consommateurs à faire de nouveau des réserves de provisions. La demande d’aliments des établissements de restauration rebondira lentement à mesure que les consignes de confinement seront graduellement levées et que l’éloignement sanitaire sera imposé.
2. Les perturbations de la production pèsent sur la chaîne d’approvisionnement alimentaire
Certains transformateurs de produits alimentaires ont dû interrompre leurs activités en raison de cas de COVID-19 chez leurs employés. D’autres ont vu leurs coûts grimper en raison des hausses de salaire octroyées et de la mise en œuvre de mesures d’éloignement sanitaire dans leurs usines. La disponibilité de la main-d’œuvre est évidemment une préoccupation, non seulement dans le secteur de la transformation alimentaire, mais également dans les secteurs du transport par camion et de la production agricole saisonnière.
La reconfiguration des processus de production pour approvisionner les épiceries plutôt que les établissements de restauration nécessite la réaffectation d’équipements et d’autres capitaux. La hausse des coûts engendrée par ces changements pourra être répercutée sur les prix de détail, ce qui pourrait contribuer à changer davantage les habitudes de consommation.
3. Des problèmes de logistique brouillent la demande des marchés d’exportation
Les pays du monde entier sont confrontés à différents défis dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Les marchés qui nous achètent des denrées alimentaires éprouvent des difficultés à livrer les aliments aux points de vente. Il est également possible que la demande étrangère globale ait simplement fléchi parce que la baisse de revenu dans les marchés émergents entraîne une diminution de la consommation alimentaire. Des chaînes d’approvisionnement mondiales efficientes sont essentielles afin que les transformateurs puissent se procurer certains intrants fabriqués à l’étranger.
On ignore dans quelle mesure la crise actuelle alimente et soutient les appels au protectionnisme qui étaient présents avant la pandémie. Les enjeux sont de taille. Les exportations de produits alimentaires transformés se sont élevées à 37,5 milliards de dollars en 2019, générant un solde positif de la balance commerciale de 8,3 milliards de dollars.
L’approvisionnement alimentaire du Canada fait preuve de résilience et d’adaptabilité
L’assortiment de produits alimentaires offert devrait changer à mesure que les chaînes d’approvisionnement sont repensées pour tenir compte des défis liés à la COVID-19. Notre chaîne d’approvisionnement alimentaire est très résiliente, mais la crise met sa capacité d’adaptation à l’épreuve.
Prenons quelques instants pour exprimer notre gratitude envers toutes les personnes qui travaillent dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire, des fournisseurs d’intrants aux agriculteurs, transformateurs, transporteurs, distributeurs et détaillants. Nous avons beaucoup de chance d’avoir des gens qui travaillent pour fournir des aliments aux Canadiens.
Vice-président exécutif, Stratégie et Impact et économiste en chef
Jean-Philippe est Vice-président exécutif, Stratégie et Impact et économiste en chef à FAC. Il offre des conseils qui aident à orienter la stratégie de FAC et qui servent à identifier les risques et opportunités dans l’environnement d’affaires. En plus d’agir comme porte-parole de FAC pour des questions économiques, Jean-Philippe offre ses commentaires sur l'industrie agricole et agroalimentaire dans des vidéos et le blogue des Services économiques FAC.
Avant de se joindre à FAC en 2010, Jean-Philippe était professeur d’agroéconomie à l’Université North Carolina State et à l’Université Laval. Jean-Philippe détient le titre de Fellow de la Société canadienne d’agroéconomie. Il a obtenu son doctorat en économique de l’Université d’Iowa State en 1999.