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Les trois plus grandes forces perturbatrices de 2020 et leur incidence sur les secteurs canadiens de l’agriculture et de l’agroalimentaire

6 janv. 2020

Les changements climatiques, le protectionnisme et l’automatisation sont trois forces qui, selon Bloomberg (en anglais seulement), perturberont grandement les perspectives économiques mondiales en 2020. Elles sont aussi parmi les plus importantes tendances à surveiller en 2020 pour les chaînes d’approvisionnement agroalimentaires du Canada. Pouvant aussi bien favoriser que compromettre la croissance, ces forces auront une incidence sur la rentabilité des entreprises canadiennes.

Le changement climatique et le protectionnisme ont une incidence sur la production et la rentabilité du secteur agricole

Selon un récent rapport sur le changement climatique, le Canada se réchauffe deux fois plus rapidement que le reste du monde et les prévisions indiquent que cette tendance devrait se poursuivre à long terme. Malgré la variabilité des prévisions météorologiques canadiennes en 2020, ce qui s’explique en partie par la difficulté de prévoir les précipitations de façon précise, il n’y a aucun doute que les conditions météorologiques et les perturbations commerciales ont récemment entraîné une hausse de la volatilité de la production agricole du Canada. Les conditions de croissance difficiles et le protectionnisme ayant entraîné une diminution des superficies ensemencées, la production canadienne de canola, de maïs et de soya a chuté en 2019 par rapport à l’année précédente.

Les risques liés à la production et aux échanges commerciaux ci-dessous persisteront en 2020 pour les entreprises agroalimentaires canadiennes. Compte tenu de leur portée mondiale, ces risques sont considérables.

  • Nouveaux problèmes d’accès au marché qui perturberont la structure des échanges commerciaux 

  • Sécheresse saisonnière ou des précipitations excessives pendant les semis ou les récoltes (ainsi que les maladies et organismes nuisibles qui prolifèrent en période pluvieuse) 

  • Toute interruption à la transformation alimentaire pose un risque pour toute la chaîne d’approvisionnement, particulièrement dans les secteurs souffrant d’un manque d’investissements récents. 

Il est de plus en plus probable que d’importants épisodes de chaleur (en anglais seulement) se produisent simultanément dans diverses régions du monde. De tels épisodes pourraient accroître l’insécurité alimentaire mondiale (en anglais seulement) et inciter les pays fortement tributaires des importations à redoubler d’efforts pour stocker davantage de produits agricoles et alimentaires de base. Les offres pour les cultures pourraient bien s’intensifier. La variabilité des conditions de croissance mondiales peut entraîner une hausse des coûts des intrants des entreprises de transformation alimentaire du Canada qui importent des produits agricoles de base ou des produits alimentaires semi-transformés.

Les tendances émergentes n’ont pas que des conséquences négatives

Il est tentant de penser que les forces perturbatrices sont fondamentalement négatives, mais ce n’est pas toujours le cas, surtout à long terme. Les forces perturbatrices ne sont que des agents de changement, pour le meilleur ou pour le pire. Les entreprises doivent avoir un plan solide d’atténuation du risque et une vision à long terme pour surmonter tout risque. Cela n’a rien de nouveau. 

Voici quatre forces perturbatrices qui peuvent stimuler le système agroalimentaire du Canada : 

  1. Saison de croissance plus longue. Le réchauffement du pays comporte certains avantages pour l’agriculture canadienne. Des températures moyennes saisonnières et annuelles plus élevées pourraient prolonger les saisons de cultures et augmenter le nombre de journées plus chaudes.

  2. Nouvelles occasions d’exporter des produits agricoles et alimentaires. Lorsque l’accès aux marchés d’exportation est restreint pour les produits canadiens, les prix des produits agricoles de base sont plus faibles, ce qui avantage les acheteurs canadiens. À l’inverse, de nouvelles alliances comme l’accord de principe entre la Chine et les États-Unis peuvent provoquer une hausse des prix des produits de base en Amérique du Nord. 

  3. Amélioration de la gérance environnementale du système agroalimentaire du Canada. Certaines initiatives de McDonald’s et de Cargill appuient la chaîne d’approvisionnement en bovins et en bœuf du Canada; la Sustainable Agriculture Initiative Platform, laquelle a été créée en 2002 et compte aujourd’hui plus de 100 sociétés et coopératives d’agriculteurs membres dans le monde, y compris Rahr Malting de l’Alberta, les Grain Farmers of Ontario et les Aliments McCain, vise à promouvoir l’agriculture durable. Ces programmes aident les producteurs à s’adapter aux préférences des consommateurs.

  4. Diminution des coûts de la transformation alimentaire attribuable à l’automatisation. Permettant de surmonter les problèmes récurrents de pénuries de main-d’œuvre, notamment de main-d’œuvre qualifiée dans l’industrie manufacturière, l’automatisation sera sans doute la force perturbatrice qui pourra le plus contrebalancer les risques liés à la production. Les producteurs agricoles canadiens adoptent des technologies de précision, lesquelles permettent de mieux surveiller les cultures afin de réduire les coûts et d’assurer la rentabilité en dépit de conditions de croissance très variables.

Y aura-t-il un rebond des investissements des entreprises canadiennes en 2020?

De nombreuses exploitations agricoles sont prudentes en matière d’investissement du fait que le revenu agricole net en 2019 était inférieur à la moyenne quinquennale. 

L’adoption de technologies dépendra, du moins en partie, d’une plus grande certitude en ce qui a trait à l’accès aux marchés. L’hésitation des producteurs est un excellent exemple de la manière dont les forces perturbatrices interagissent entre elles. L’adoption de l’automatisation et de technologies innovantes peut contribuer à lutter contre la volatilité des phénomènes météorologiques extrêmes et du changement climatique. Toutefois, de tels investissements sont justifiés seulement s’ils rapportent, ce qui n’est pas toujours le cas lorsque des politiques protectionnistes restreignent l’accès aux marchés. 

L’Accord Canada–États-Unis–Mexique et les autres accords commerciaux récemment conclus sont un pas dans la bonne direction. La demande d’aliments a également augmenté au Canada et à l’étranger et, malgré l’environnement économique difficile, elle devrait continuer de croître en 2020. Les taux d’intérêt devraient demeurer faibles. Jumelées aux technologies qui augmentent la productivité, ces conditions améliorent les perspectives de rentabilité.

Ce qu’on doit retenir

De nombreux facteurs, comme la peste porcine africaine, influeront sur la rentabilité du système agroalimentaire canadien dans l’année qui vient. Toutefois, ce sont les trois forces perturbatrices qui feront les manchettes en 2020 puisqu’elles domineront les risques et les occasions auxquels font face les exploitations agricoles et les entreprises de transformation alimentaire canadiennes.

Le complexe agroalimentaire du Canada est connu pour son innovation et sa résilience en période de turbulence. Et en cette année turbulente, il est bon de se rappeler que les changements sont aussi des gages de possibilités. 

x.com/jpgervais
Jean-Philippe (J.P.) Gervais

Vice-président exécutif, Stratégie et Impact et économiste en chef

Jean-Philippe est Vice-président exécutif, Stratégie et Impact et économiste en chef à FAC. Il offre des conseils qui aident à orienter la stratégie de FAC et qui servent à identifier les risques et opportunités dans l’environnement d’affaires. En plus d’agir comme porte-parole de FAC pour des questions économiques, Jean-Philippe offre ses commentaires sur l'industrie agricole et agroalimentaire dans des vidéos et le blogue des Services économiques FAC.

Avant de se joindre à FAC en 2010, Jean-Philippe était professeur d’agroéconomie à l’Université North Carolina State et à l’Université Laval. Jean-Philippe détient le titre de Fellow de la Société canadienne d’agroéconomie. Il a obtenu son doctorat en économique de l’Université d’Iowa State en 1999.