En 2023, les conditions météorologiques et les difficultés liées à la production ont limité la croissance de la valeur des terres fruitières

Représentant 2,5 % des recettes totales provenant des cultures au Canada, la production de fruits frais constitue un volet essentiel de l’industrie agricole canadienne. À l’échelle régionale, l’importance de la production de fruits est plus marquée. Par exemple, dans les provinces de l’Atlantique, les fruits représentent 9,1 % des recettes des cultures, et en Colombie-Britannique, près de 19 %. À titre de complément à notre rapport Valeur des terres agricoles 2023, notre analyse vise à mettre en évidence les tendances relatives à la valeur des terres servant à la production de bleuets, de pommes, de cerises et d’autres fruits tendres, ainsi que de raisins. 

Nous faisons état des tendances à l’égard du prix moyen à l’acre ainsi que des fourchettes de valeurs pour les 5^e et 95^e centiles dans les régions productrices qui fournissent suffisamment de données sur les ventes pour nous permettre de produire des estimations fiables (tableau 1). Dans chaque province, la production fruitière se pratique aussi dans d’autres régions. Toutefois, nous ne publions pas d’estimation de la valeur des terres pour ces régions en raison des activités de vente limitées. 

Tableau 1 : Valeur de référence de FAC à l’acre pour les vergers, les bleuetières et les vignobles 

Source : Calculs effectués par FAC
*Cette fourchette de valeurs est représentative de 90 % des ventes dans chacune des régions et exclut les tranches supérieures et inférieures de 5 %.

Colombie-Britannique 

Le secteur agricole de la vallée de l’Okanagan connaît actuellement de grandes difficultés liées aux conditions météorologiques. Les récentes gelées ont entraîné ce qu’on estime être une perte totale des cultures de raisins et de fruits tendres, et les perspectives pour les cerises demeurent incertaines, avec moins de la moitié de la production habituelle prévue. En revanche, les pommes, connues pour leur résilience, semblent avoir mieux résisté au gel que la plupart des autres fruits. 

Certaines superficies cultivées ont changé de propriétaire, mais toutes ces ententes avaient été conclues avant l’épisode de froid extrême survenu au début de 2024. La valeur des terres a diminué et devrait se stabiliser à un niveau qui constituera une nouvelle normalité une fois que l’étendue des dommages subis par les cultures sera connue.   

Il importe de noter que les répercussions des dommages causés par les conditions météorologiques varient considérablement selon les vallées et les variétés fruitières, ce qui ajoute une autre couche de complexité à la situation; on espère que certaines enclaves seront moins touchées, mais pour l’instant, il est trop tôt pour se prononcer. 

La valeur moyenne des vergers de la région de Kootenay n’a pas changé, tandis que celle des vergers de la région de l’Okanagan a diminué de 4,5 %. La valeur moyenne des vignobles est également demeurée inchangée par rapport à l’année dernière.  

Nous nous attendons à ce que les bleuetiers subissent peu ou pas de dommages cette année. La valeur des superficies cultivées de la Côte Sud a fortement augmenté et atteint des sommets au début de 2022. Puis, elle est demeurée stable en raison d’activités de vente minimales dans la foulée des hausses de taux d’intérêt, et elle est depuis redescendue par rapport à ses niveaux record. La valeur des terres semble avoir fléchi, en même temps que ralentissaient visiblement les enchères à offre ouverte. Notre analyse révèle que la valeur moyenne des bleuetières a chuté de 9,3 % dans la région de la Côte Sud en 2023. 

Ontario 

Pour les producteurs de fruits de verger et de fruits tendres, dont la plupart sont établis à Niagara, la qualité des cultures est excellente et les prix des fruits sont élevés. Les ventes de terres ont souvent lieu à l’échelle locale entre agriculteurs ou locataires de longue date. De tels échanges permettent de garder les terres au sein de la communauté agricole et d’en maintenir la productivité, mais ils limitent la transparence des détails des transactions.  

Les producteurs de raisins ont fait face à une série de défis climatiques et économiques. L’hiver 2022 a été particulièrement rigoureux, ce qui a entraîné une campagne agricole difficile. Les répercussions en sont encore visibles, puisque des vignobles doivent être replantés sur plusieurs acres. Certains producteurs se tournent vers la production d’autres fruits, comme les poires, et d’autres ont de jeunes vignes qui n’ont pas encore porté de fruits. Ce sont là des conséquences des gelées dévastatrices. Mais malgré ces revers, la saison 2023 a donné lieu à des cultures robustes, une récolte abondante, ainsi qu’un hiver clément, ce qui met en place les conditions propices à une récolte normale cette année. 

En rétrospective, notre analyse révèle que la valeur des vignobles dans le Sud-Est de la province est restée stable en 2023 (aucune fluctuation).  

Les prix des fruits ont généralement augmenté au cours des huit dernières années (figure 1). Toutefois, cela ne tient pas compte de la hausse des coûts des intrants à laquelle les producteurs font face depuis deux ans et qui met à mal la rentabilité.  

Figure 1 : Prix canadiens moyens au kilogramme pour les pommes, les bleuets en corymbes, les bleuets sauvages, les raisins et les cerises  

Sources : Statistique Canada et calculs effectués par FAC

Québec 

Dans certaines régions, les vergers ont été touchés par le gel de la mi-mai. Toutefois, 2023 a été une excellente année pour la production de pommes. Malgré les conditions humides, la qualité des pommes est demeurée élevée. Les estimations de rendement de la dernière récolte étaient inférieures à la moyenne sur cinq ans, mais il n’y a pas lieu de s’inquiéter; le marché québécois de la pomme est considéré comme étant stable. 

La région du Saguenay–Lac-Saint-Jean a enregistré sa deuxième meilleure récolte de bleuets de tous les temps en 2023. La saison de croissance a bénéficié de conditions météorologiques optimales et, même si les prix courants ne sont plus aux niveaux record que nous avons connus, ils sont compensés par le volume de fruits produits, certains producteurs ayant presque doublé leur rendement. Après avoir fortement progressé en 2022, la valeur des terres demeure stable, sans changement cette année. 

L’industrie vinicole québécoise a connu une saison ponctuée de crises et de victoires. La chaleur précoce de la saison a provoqué un débourrement enthousiaste, annonçant un début prometteur. Cependant, une vague de froid qui a duré plusieurs nuits a menacé les nouvelles pousses délicates. Les producteurs ont mis en place des mesures de contrôle efficaces pour atténuer les répercussions du froid, ce qui s’est traduit par une perte relativement faible, estimée entre 5 % et 15 %. En fin de compte, la qualité des cultures a dépassé les attentes.  

Nouvelle-Écosse 

Peu de vergers établis ont changé de mains; plutôt que de vendre, les producteurs chevronnés choisissent d’agrandir leurs vergers en plantant leurs terres nues. Cette tendance s’inscrit dans un contexte d’augmentation des prix des terres. 

Le récent agrandissement de l’entrepôt à atmosphère contrôlée a été une bénédiction pour la région, car il fournit amplement d’espace pour entreposer les récoltes. Bien que la capacité d’entreposage ait augmenté, la capacité de transformation a diminué à la suite de la fermeture de l’usine de jus de la région. De ce fait, il n’y a plus d’installations de transformation à proximité pour les pommes de moindre qualité, souvent appelées pommes à jus, ce qui oblige les producteurs à se demander s’il est viable financièrement de ramasser ces pommes et de les transporter jusqu’au Québec. 

Les producteurs de bleuets ont été aux prises avec du temps chaud et humide, ce qui a considérablement raccourci la période de récolte et donné lieu à des prix décevants pour les cultures. Les conditions défavorables ont entraîné de faibles rendements, notamment en raison de la grande quantité de bleuets qui ont pourri, en plus des problèmes de qualité qui découlent de ces conditions, ce qui contraste fortement avec la production exceptionnelle de 2022. Le vortex polaire de février dernier a fait chuter les températures pendant quatre jours consécutifs et, depuis, les vignobles de la région se préparent au pire. Au départ, les pertes de cultures étaient estimées entre 50 % et 100 %; cependant, au fil du temps, les producteurs ont commencé à faire preuve d’un optimisme prudent et croient que le taux de mortalité des vignes pourrait être inférieur aux prévisions initiales. L’évaluation des dommages aux cultures se poursuivra tout au long de la saison. La Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick n’ont enregistré aucun changement dans la valeur des bleuetières par rapport à l’année dernière. 

Les producteurs de fruits à noyau ont souffert d’une production insuffisante pendant plusieurs années en raison d’hivers rigoureux et d’un bourgeonnement hâtif. La douceur de l’hiver dernier a été bien accueillie. 

En conclusion 

Le secteur fruitier constitue un volet important de l’industrie agricole canadienne. Si nous revenons à notre rapport de 2022, nous constatons des hausses substantielles dans tous les secteurs, ce qui laisse supposer que nous pourrions observer une pause bien nécessaire de l'augmentation de la valeur des terres.

Article par : Megan Mailloux AACI, P.App, analyste des données, et Corbin Chau, analyste des données