Mise à jour des perspectives de 2021 pour le secteur laitier : les coûts élevés des aliments pour animaux continuent de grever la rentabilité
Voici la dernière mise à jour trimestrielle de nos perspectives de 2021 pour le secteur laitier canadien publiées en janvier. La semaine dernière, nous avons mis à jour nos perspectives pour le secteur des céréales, oléagineux et légumineuses, et au cours des deux prochaines semaines, nous mettrons à jour les perspectives pour les secteurs bovin et porcin, ainsi que pour le secteur du poulet à griller.
Les projections de rentabilité sont demeurées stables depuis notre mise à jour du mois d’août. Les projections de revenus laitiers agricoles ont diminué légèrement pour les provinces du P5 (toutes les provinces de l’Est à l’exception de Terre-Neuve-et-Labrador), et ont très peu augmenté pour celles de la Mise en commun du lait de l’Ouest (MCLO). En ce qui concerne les coûts, les prix élevés des céréales à l’échelle mondiale et l’accès aux aliments pour animaux dans l’Ouest du Canada contribuent à des coûts de production plus élevés, et sont des éléments que nous surveillons.
L’écart entre les prévisions des revenus bruts de janvier et de novembre est inférieur à 1 % (tableau 1). Cependant, les résultats réels et les projections actualisées des indices du coût des aliments pour animaux affichent des hausses considérables par rapport à nos prévisions de janvier.
Tableau 1 : Estimations des revenus laitiers moyens et des indices du coût des aliments pour animaux
Prévisions de janvier pour 2021 | Résultats réels T1 à T3 2021* | Prévisions pour le T4 2021 | Prévisions de novembre pour 2021 | ||
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P5 | Revenus bruts ($/hl) | 81,78 | 80,80 | 82,10 | 81,12 |
Indice du coût des aliments pour animaux |
100 | 106,3 | 109,5 | 107,1 | |
MCLO | Revenus bruts ($/hl) | 82,69 | 82,76 | 84,66 | 83,23 |
Indice du coût des aliments pour animaux |
100 | 104,8 | 105,6 | 105,0 |
* Les données pour le mois de septembre n’étaient pas encore connues et ont été incluses dans les prévisions.
Sources : Les projections de FAC concernant les coûts des aliments pour animaux sont fondées sur le tableau 18‑10‑0266 de Statistique Canada. Le calcul des revenus bruts est fondé sur les données provenant du gouvernement de l’Alberta, de Dairy Farmers of Ontario, de Statistique Canada et de l’USDA. Ces calculs excluent la prime à la matière grasse butyrique et les pénalités pour production hors quota.
La demande de produits laitiers n’augmente pas au rythme prévu plus tôt cette année en raison de la propagation du variant Delta. Bien que reprise de la production soit plus timide que prévu, elle demeure à un niveau acceptable. Dans les provinces du P5, entre les mois d’août 2020 et août 2021, la production de matière grasse butyrique pour le lait de consommation a augmenté de 1,8 %, et celle pour le lait industriel a augmenté de 3,3 %. Pour la même période, au sein de la MCLO, la production de matière grasse butyrique pour le lait de consommation a augmenté de 7,7 %, et celle pour le lait industriel a augmenté de 2,7 %.
Si l’on compare le mois d’août 2021 au mois d’août 2019, les résultats sont décevants. En effet, dans les provinces du P5, la production de lait à des fins de consommation à l'état liquide a diminué de 0,6 %, alors que celle à des fins industrielles a augmenté de 7,8 %. Pour ce qui est des provinces de la MCLO, sur une période de 24 mois, la production de lait à des fins de consommation à l'état liquide a diminué de 2 %, alors que celle à des fins industrielles a augmenté de 6,0 %.
Compte tenu de la demande plus faible que prévu, le P5 a annulé deux journées incitatives pour le mois d’octobre, après avoir annulé plusieurs journées incitatives au cours des mois précédents. À l’heure actuelle, aucune journée incitative n’est pr évue à l’automne pour les provinces du MCLO. Le nombre de journées incitatives non utilisées, qui représente les volumes de production non réalisés, est élevé dans les provinces du P5, et leur rétablissement soudain pourrait occasionner des perturbations.
Avec la hausse des taux de vaccination, les consommateurs reprennent leurs habitudes d’avant-pandémie, quoique plus lentement que prévu. Toutefois, les perspectives à court terme sont positives. Une hausse récente des ventes de lait de consommation, de yogourt et de fromage a soutenu les prix à la ferme et signale que la demande amorce un retour à la normale. Nous prévoyons que les recettes monétaires de la production laitière augmenteront de 4,4 % en 2021.
Le prix des aliments pour animaux en Alberta est une source de préoccupation. La sécheresse survenue dans l’Ouest a exercé une pression sur le marché des aliments pour animaux qui est difficile à représenter dans nos projections. Il est donc possible que la hausse des coûts des aliments pour animaux dans les provinces de l’Ouest soit sous-estimée dans le tableau précédent. Selon les données du ministère de l’Agriculture et des Forêts de l’Alberta [en anglais seulement], les coûts des aliments pour animaux ont considérablement augmenté. Ainsi, en mai 2021, le prix du foin en Alberta a atteint un plancher de 131 $ la tonne, pour ensuite grimper à 256 $ la tonne en septembre (+95 %). De façon similaire, le prix de l’orge fourragère est passé de 6,00 $ le boisseau en mai à 6,95 $ le boisseau en septembre (+16 %).
Pour pallier la hausse des coûts de production, la Commission canadienne du lait a annoncé à la fin du mois d’octobre une hausse du prix de soutien qui occasionnerait une hausse des prix du lait à la ferme de 6,31 $ l’hectolitre. Si la hausse est approuvée par les instances provinciales, le nouveau prix de soutien entrera en vigueur le 1er février 2022.
Hausse des importations de fromage et de caillé de fromagerie
Les prix forts de l’énergie et des signaux divergents concernant la force des économies du Canada et des États-Unis ont contribué à l’envolée du huard depuis le début du quatrième trimestre. Ainsi, le taux de change Canada–États-Unis était à 0,78 $ US en début d’année, avant de grimper à 0,83 $ US en juin, se stabilisant légèrement sous la barre de 0,80 $ US au T3. Nous anticipons que la paire de devises se maintiendra au-dessus de 0,80 $ US au T4, pour connaître une légère tendance à la hausse, si les prix de l’énergie augmentent.
Dans la mise à jour du mois d’août, nous avions observé une croissance des importations de lait et crème non concentrés au cours des cinq premiers mois de 2021. Les volumes d’importations élevés ont diminué pour se rapprocher des niveaux de 2020 dès le mois de juin. Les importations de fromage et de caillé de fromagerie ont augmenté de 33 % au cours des huit premiers mois de 2021, comparativement à la même période en 2020. La croissance est attribuable à une hausse générale des importations chez les principaux fournisseurs canadiens.
Figure 1 : Hausse des importations de fromage et caillé de fromagerie en 2021
Prix des produits laitiers aux États-Unis
Au T3, le prix de la poudre de lait écrémé aux États-Unis est demeuré le même qu’au T2, soit un prix moyen de 1,27 $ US/lb. Dernièrement, le prix de cette poudre s’est hissé à 1,32 $ US/lb en septembre, puis à 1,41 $ US/lb en octobre. Par conséquent, le prix minimal mensuel du lait de la classe 4a au Canada, dont l’évolution dépend du prix de la poudre de lait écrémé aux États-Unis, est passé à 2,66 $/kg en septembre, soit une hausse de 18 % par rapport au mois de janvier.
Dans son plus récent rapport sur les estimations de l’offre et de la demande, l’USDA a maintenu ses prévisions pour 2021 pour le prix de la poudre de lait écrémé aux États-Unis [en anglais seulement] depuis la mise à jour du T2 au prix de 1,25 $ US/lb. Cependant, l’USDA a considérablement augmenté ses prévisions du prix de la poudre de lait écrémé aux États-Unis pour 2022, les faisant passer de 1,27 $ US/lb en septembre à 1,38 $ US/lb en octobre. Cette mise à jour est fondée sur une production plus faible que prévu des plus petites exploitations laitières.
Réouverture des services alimentaires
La réouverture complète des services alimentaires est essentielle à la véritable reprise de la demande de produits laitiers. Il faudra du temps pour cette reprise, puisque la pandémie a grandement nui aux services alimentaires, et que les mesures sanitaires ne sont pas toutes levées. Si l’on compare la situation à celle d’avant la pandémie, le Canada compte plus de 3 000 entreprises de moins dans les secteurs de l’hébergement et de la restauration, et environ 170 000 employés de moins dans les services alimentaires. Encore faudra-t-il que les consommateurs reprennent leurs habitudes d’avant-pandémie. Selon les données sur la mobilité répertoriées par Google [en anglais seulement], le taux de visiteurs dans des lieux de loisir et de vente au détail accuse toujours un manque à gagner de 2,4 % par rapport à l’achalandage enregistré au début de 2020.
Article par : Sébastien Pouliot, Économiste supérieur