Mise à jour des prévisions des recettes monétaires agricoles pour 2022 : l’inflation s’étend à l’ensemble des marchés agricoles
Dans nos prévisions de janvier, nous nous attendions à ce que les recettes monétaires agricoles (RMA) continuent de croître en 2022, mais à un rythme plus modéré qu ’en 2021. Beaucoup de choses ont changé depuis le début de la guerre en Ukraine et la flambée de l’inflation. Nous prévoyons que les RMA augmenteront de près de 16 % parce que les prix des produits de base sont élevés et qu’il est attendu que les rendements des cultures suivront la tendance projetée.
Les RMA n’offrent pas un portrait complet de la rentabilité des exploitations agricoles, car leur croissance ne signifie pas nécessairement que les bénéfices agricoles augmentent. Les hausses rapides des prix des intrants agricoles et des taux d’intérêt sont des facteurs importants à surveiller pour déterminer la rentabilité des exploitations agricoles en 2022.
Les projections pour 2022 excèdent les estimations records de 2021
Les données sur les RMA pour le quatrième trimestre de 2021 ont été meilleures que ce que nous avions prévu en janvier, surtout en raison des paiements directs plus élevés que prévu (notamment les paiements d’assurance-récolte) en réponse à la sécheresse dans les Prairies.
Le tableau 1 compare les données sur les RMA de 2020 et de 2021 aux prévisions de FAC pour 2022. Les RMA totales au Canada ont augmenté de 14,9 % en 2021, et nous prévoyons qu’elles afficheront une croissance encore plus rapide en 2022 (15,9 %). Nous fournissons ci-dessous des détails sur les principaux secteurs agricoles.
Tableau 1 : Estimations des RMA par province (en millions de dollars)
Les recettes du secteur des céréales, des oléagineux et des légumineuses continuent de croître
Le tableau 2 présente des estimations des livraisons, des prix et des RMA (tous sur la base d’une année civile) pour certaines cultures. On peut affirmer que 2021 a été une excellente année au chapitre des RMA, ce qui est attribuable à une brusque augmentation des prix des cultures. Toutefois, en raison de la sécheresse, les livraisons ont nettement diminué pour la plupart des cultures, et certaines exploitations ont subi des conséquences plus graves que d’autres.
Le faible niveau de stocks reportés en 2022 se traduira par des volumes de livraison plus modestes au cours des trois premiers trimestres. Toutefois, les livraisons reviendront à la normale si les rendements suivent les tendances en 2022. Sous l’effet de la guerre en Ukraine, les prix ne cessent de grimper, ce qui devrait permettre aux producteurs d’obtenir des prix élevés pour leurs récoltes en 2022. Nous prévoyons que les RMA augmenteront considérablement pour toutes les cultures, à l’exception de l’orge, puisque nous prévoyons une diminution de la superficie ensemencée pour cette culture.
Tableau 2 : Prévisions des RMA de 2022 pour les cultures sélectionnées
Les recettes des secteurs bovin et porcin augmenteront aussi, mais il n’y a pas que de bonnes nouvelles
Les recettes totales du secteur bovin ont enregistré une hausse de près de 11 % en 2021 (tableau 3). Au cours d’une année normale, on s’en serait réjoui. Toutefois, en raison de la sécheresse qui a desséché les pâturages dans les Prairies, il est devenu très difficile de se procurer des aliments pour animaux bon marché, ce qui amène certains éleveurs à réduire la taille de leurs troupeaux.
Nous prévoyons une croissance modérée des prix des bovins en 2022 comparativement à 2021. Nous nous attendons à ce que le volume de bovins gras commercialisés en 2022 demeure relativement stable. Le volume de bovins d’engraissement continuera de croître, mais les exportations d’animaux vers les États-Unis demeureront importantes jusqu’à ce que l’approvisionnement en aliments pour animaux soit plus facile dans les Prairies. Dans l’ensemble, les recettes monétaires du secteur bovin augmenteront de 5 %.
Tableau 3 : Prévisions des RMA de 2022 pour les veaux et les bovins
Les recettes du secteur porcin ont augmenté de 32,5 % en 2021, grâce à la croissance soutenue des prix qui a été alimentée par une forte demande, et ce, même si les exportations canadiennes de porc vers la Chine et le Japon ont diminué cette année-là. Cependant, les exportations à destination du Mexique, des Philippines et des États-Unis ont augmenté.
La demande de porc demeure vigoureuse en 2022, et nous nous attendons à ce que les prix augmentent de près de 5 %. Toutefois, compte tenu du fait que les coûts élevés des aliments pour animaux portent atteinte à la rentabilité, nous nous attendons à ce que la production n’augmente que de 1,6 %. Au total, nous prévoyons que les recettes monétaires du secteur porcin augmenteront de 6,5 %.
Tableau 4 : Prévisions des RMA de 2022 pour le secteur porcin
Les recettes liées aux produits laitiers vont augmenter grâce à la hausse des prix
Les recettes du secteur laitier ont augmenté de 3,6 % en 2021 (tableau 5). Il s’agit d’une bonne progression compte tenu de tous les vents contraires auxquels ce secteur a dû faire face en raison de la pandémie, de la réouverture des services alimentaires et de la croissance des importations de produits laitiers.
Le prix du lait à la ferme a augmenté de 2,1 % en 2021, tandis que les coûts de production ont affiché une hausse beaucoup plus marquée. La Commission canadienne du lait a réagi en haussant le prix de soutien du beurre, ce qui devait entraîner une augmentation du prix du lait à la ferme d’environ 6,31 $/hl, à compter du 1er février. Devant la hausse incessante des coûts de production, la Commission canadienne du lait envisage d’augmenter le prix du lait à la ferme à compter du 1er septembre comme le réclament les producteurs. En raison de la hausse des prix du lait et de la croissance des volumes d’importation, nous prévoyons que les volumes commercialisés augmenteront de 0,9 %, ce qui se traduirait par une croissance de 11,6 % des recettes monétaires liées aux produits laitiers.
Tableau 5 : Prévisions des RMA de 2022 pour le secteur laitier
À surveiller pour le reste de l’année 2022
Des perturbations majeures comme la guerre en Ukraine ont rendu obsolètes nos prévisions de janvier concernant les RMA. Cette mise à jour repose sur les informations disponibles et nous fait prendre conscience que l’économie agricole peut subir une transformation marquée en quelques mois. Cette leçon vaut aussi pour le reste de 2022. Nous nous attendons à une forte croissance des RMA cette année. Espérons que les conditions météorologiques seront favorables, qu’elles feront en sorte que nos prévisions se réalisent et qu’elles apportent du répit aux éleveurs de bovins.
Article par : Sébastien Pouliot, Économiste supérieur