Principales tendances économiques de 2021 : les occasions et les risques pour l’exportation de la viande rouge
On ne saurait surestimer à quel point la COVID-19 a contraint les chaînes d’approvisionnement à se transformer. Mettant à rude épreuve les chaînes d’approvisionnement partout dans le monde, les cas d’exposition à la COVID-19 ont forcé les usines à ralentir ou à fermer. Les consommateurs ont modifié leurs habitudes. Le virus et ses conséquences, comme la fermeture de services alimentaires, ont incité les gens à adopter allègrement le magasinage en ligne à un moment où les passe-temps, les rénovations, les repas pris à la maison et les réserves d’aliments ont pris une toute nouvelle importance.
D’autres forces mieux connues ont également perturbé les chaînes d’approvisionnement. Les tensions géopolitiques ont déstabilisé les balances commerciales et d’importantes relations commerciales alors que les changements climatiques ont continué d’avoir des effets dévastateurs sur la production agricole mondiale. Parmi ceux-là, la sécheresse extrême dans la région de la mer Noire et les fortes tempêtes aux États-Unis en 2020 ont rappelé les conditions extrêmes qu’ont connues l’Europe et l’Australie en 2019.
À court terme, les effets graduels des changements climatiques sont difficiles à mesurer et encore plus difficiles à prévoir pour une année donnée. Cela dit, nous croyons que ces forces continueront de faire les manchettes cette année en occasionnant d’autres changements au sein des chaînes d’approvisionnement à l’échelle mondiale. Dans cet article, nous explorons leur impact sur les occasions d’affaires et les risques pour le secteur canadien de la production et des exportations de viande rouge en 2021.
Les acheteurs de viande rouge seront plus nombreux au Canada et à l’étranger en 2021
Dans de nombreux pays, la production locale ne satisfait pas à la demande. Le Japon, par exemple, est très populeux, mais ne possède que très peu de terres. La Chine a une superficie beaucoup plus grande, mais sa population est énorme. À titre d’exportateur net d’aliments, le Canada produit plus de bœuf et de porc qu’il en consomme. Cela crée des occasions en 2021 pour le Canada, qui jouit d’une renommée mondiale comme fournisseur fiable de viande rouge de grande qualité.
Parallèlement, la COVID-19 a insufflé une nouvelle vigueur au mouvement d’achat local en 2020, laquelle découle de l’intérêt des consommateurs envers la provenance de leurs aliments, qui était déjà bien enraciné. Les petites entreprises canadiennes ont été durement touchées économiquement durant les périodes de ralentissement et de confinement. Partout, l’appel à la sauvegarde des petites entreprises locales a contribué à soutenir cette révolution vers les aliments locaux.
Par conséquent, deux occasions d’affaires s’offrent aux producteurs canadiens : répondre à la demande intérieure des consommateurs qui veulent s’approvisionner localement ou répondre à celle des grands importateurs mondiaux d’aliments.
Le ratio consommation/production : le moteur des exportations
Les bulles dans les diagrammes ci-dessous montrent quelques-unes des meilleures occasions d’exportation pour le Canada. Même si les chaînes d’approvisionnement mondiales privilégient la viande locale, de nombreux pays, qu’ils soient riches ou en développement, continuent de dépendre des importations. L’endroit où se trouve chacune des bulles dans les diagrammes dépend des déterminants de l’offre et de la demande en 2019. Comme ces déterminants changeront en 2021, l’emplacement des bulles changera également.
Figure 1 : La Chine réduira-t-elle ses importations de porc en 2021?
En 2019, la Chine était un importateur net de porc, mais seulement par une faible marge (Figure 1). Bien que la Chine soit le plus important consommateur de porc au monde, elle est généralement autosuffisante. Toutefois, l’épidémie de peste porcine africaine, qui a entraîné l’abattage de millions de porcs, stimule les importations de porc dans ce pays depuis 2018. En 2020, les producteurs chinois étaient en voie de reconstituer leur cheptel porcin au niveau où il se trouvait avant l’épidémie. Ces efforts sont toutefois menacés par une recrudescence des cas de peste porcine africaine et de COVID-19. Si la Chine parvient quand même à atteindre son objectif de reconstitution de son cheptel, sa bulle sera positionnée plus bas dans le diagramme et le potentiel d’exportation du Canada s’en trouvera affaibli cette année.
Un redressement de l’économie mondiale en 2021 pourrait changer l’emplacement des bulles. Il est peu probable que la consommation dans les pays riches diminue étant donné que la demande d’aliments dans ces pays est plutôt inélastique par rapport au revenu. La situation est tout autre dans les pays en développement : la COVID-19 ayant érodé leur PIB, la consommation de viandes rouges plus chères devrait reculer. Une hausse du PIB stimulerait la demande de viande dans ces pays importateurs.
En 2019, la Chine est exceptionnellement devenue le plus grand importateur de bœuf. Contrairement aux États-Unis, un autre importateur de bœuf, la Chine produit peu de bœuf. Ses besoins sont presque entièrement comblés par l’importation. Toute hausse substantielle de son PIB stimulerait la consommation de viande rouge, ce qui représenterait une occasion concrète pour le Canada d’approvisionner le plus grand marché au monde.
Figure 2 : Alors que les États-Unis et l’Union européenne sont autosuffisants en bœuf, la demande de bœuf en Chine est en croissance
Le Canada exporte actuellement un peu moins de la moitié de sa production de bœuf, et cela devrait plus ou moins se poursuivre en 2021. Toutefois, notre propre capacité à déplacer les bulles des autres pays cette année dépendra de l’incidence du changement climatique en Amérique du Nord et des effets de la COVID-19 sur la transformation alimentaire. À long terme, les changements climatiques devraient produire des étés plus chauds et plus secs dans les Prairies canadiennes et accroître la fréquence des inondations printanières et automnales ainsi que des sécheresses estivales. Les conditions météorologiques pendant la saison de 2020 ont été extrêmement favorables aux agriculteurs canadiens, mais la plus grande difficulté que posent les changements climatiques, c’est qu’il est presque impossible de savoir où et quand leurs effets se manifesteront dans le monde. Les producteurs canadiens de bœuf et de porc risquent de devoir composer avec une hausse des prix des aliments pour animaux en 2021.
Pourquoi cela est-il important?
Les chaînes d’approvisionnement mondiales laissent entrevoir que les exportations canadiennes sont toujours importantes. Les économies à revenus élevés (p. ex. le Japon, la Corée, les États-Unis et l’Union européenne) illustrent comment la richesse crée des occasions pour les exportations canadiennes. Quant à la Chine, en raison de sa population, elle demeure tout aussi importante, sinon plus.
Ici, au Canada, la demande refoulée pourrait faire grimper la consommation de viande rouge lorsque nous renouerons avec nos habitudes d’avant la pandémie. Les services alimentaires pourraient rouvrir en 2021, donnant un coup de pouce à un segment important de la demande. De surcroît, le taux d’épargne élevé des ménages canadiens, jumelé aux faibles taux d’intérêt, devrait stimuler la consommation, ce qui sera particulièrement bienvenu après les creux de 2020.
La semaine prochaine, nous examinerons les perspectives pour les cultures.
Rédactrice économique
Membre de l’équipe des Services économiques depuis 2013, Martha Roberts est une spécialiste en recherche qui étudie les risques et les facteurs de réussite pour les producteurs agricoles et les agroentreprises. Martha compte 25 années d’expérience dans la réalisation de recherches qualitatives et quantitatives et la communication des résultats aux spécialistes de l’industrie. Elle est titulaire d’une maîtrise en sociologie de l’Université Queen’s à Kingston, en Ontario, et d’une maîtrise en beaux-arts en écriture non fictive de l’Université de King’s College.