Perspectives de 2021 pour le secteur laitier du Canada
L’équipe des Services économiques FAC vous aide à comprendre les enjeux et les principales tendances économiques susceptibles d’avoir une incidence sur votre exploitation en 2021. Nous considérons que les facteurs suivants auront un impact majeur sur la rentabilité en 2021 :
Accès élargi au marché et exportations de poudre de lait écrémé (P.L.E.) et de concentré de protéines de lait (CPL)
Demande de produits laitiers dans les hôtels, les restaurants et les institutions
Hausse des coûts des intrants
Reprise économique à l’échelle mondiale et au Canada
La pandémie a fait de 2020 une année que le secteur laitier canadien n’est pas près d’oublier, mais bien d’autres choses ont marqué l’année. Les changements au système laitier canadien entraînés par l’entrée en vigueur de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) ont également été déterminants : accès accru au marché, suppression de la classe 7 et imposition de seuils d’exportation pour la P.L.E. et les préparations pour nourrissons. Un autre changement majeur était le début de la transition vers la mise en commun totale des revenus du lait entre les provinces du P5 et celles de la Mise en commun du lait de l’Ouest (MCLO). L’année 2021 sera certes une année d’ajustements, mais espérons qu’elle soit moins mouvementée que 2020.
Malgré la mise en place de mesures pour réduire temporairement la production en raison de la pandémie, la production de lait en 2020 a été supérieure à celle de 2019. La croissance n’a cependant pas été uniforme partout au pays. Selon les données actuellement disponibles pour 2020, la production a crû d’un peu plus de 1 % dans le P5 et est demeurée inchangée dans la MCLO. Compte tenu de la hausse des quotas de production tant dans le P5 que dans la MCLO, la production devrait continuer de croître en 2021.
Les prix du lait à la production ont connu de fortes fluctuations en 2020, particulièrement dans le P5 où les prix étaient élevés en début d’année. Au début de la pandémie, la chute du prix de la P.L.E. aux États-Unis a contribué à faire baisser le prix du lait dans le P5. Puis, au milieu de l’été, les recettes tirées des matières grasses butyriques ont diminué en raison de la production accrue de beurre destiné à la transformation secondaire. Dans la MCLO, la pandémie a une incidence moins prononcée sur les prix à la production. Dans l’ensemble, les prix du lait ont crû de moins de 1 % en moyenne dans le P5 et la MCLO.
Pour ce qui est des coûts, les prix des céréales étaient relativement bas pendant la première moitié de l’année. Ce fut toute autre chose pendant la seconde moitié de l’année alors que les prix des grains ont grimpé parallèlement à la hausse des exportations américaines de maïs et de soya vers la Chine. Dans l’ensemble, les coûts estimatifs ont baissé de 1 % dans l’Est, mais ont augmenté légèrement dans l’Ouest.
Nous prévoyons que les revenus du lait en 2021 augmenteront en raison des facteurs suivants :
Hausse du prix de soutien du beurre à compter du 1er février, annoncée par la Commission canadienne du lait
Réouverture prévue de tous les services alimentaires dans la seconde moitié de l’année
Prix plus élevés et plus stables de la oudre de lait écrémé américaine (en anglais seulement)
Compte tenu de ces facteurs, nous nous attendons à ce que les revenus augmentent de 1,80 $/hl dans le P5 et de 0,86 $/hl dans la MCLO (tableau 1).
En ce qui a trait aux coûts, nous surveillerons si la remontée des prix des céréales se poursuivra. Nos perspectives de 2021 pour le secteur des céréales et des oléagineux fourniront des prévisions détaillées. Les taux d’intérêt devraient demeurer bas en 2021 puisque la Banque du Canada ne prévoit pas d’augmenter son taux directeur jusqu’en 2023. Nous nous attendons à ce que les coûts augmentent de 0,47 $/hl dans le P5 et de 1,69/hl dans la MCLO.
Tableau 1 : Estimations des revenus et coûts des exploitations laitières
Revenus bruts ($/hl) |
Coûts totaux ($/hl) |
||
---|---|---|---|
P5 | 2019 | 79,30 | 81,61 |
2020 | 79,98 | 81,16 | |
2021f | 81,78 | 81,63 | |
MCLO | 2019 | 81,27 | 76,38 |
2020 | 81,83 | 76,58 | |
2021f | 82,69 | 78,27 |
Sources : Calculs de FAC basés sur les estimations des coûts de production de la Commission canadienne du lait et du gouvernement de l’Alberta et sur les données des Dairy Farmers of Ontario, de Statistique Canada et de l’USDA. Les calculs pour les revenus bruts excluent la prime à la matière grasse butyrique et les pénalités pour production hors quota.
Les prévisions de revenus et de coûts indiquent une rentabilité accrue dans le P5, mais un resserrement des marges pour les exploitations agricoles de la MCLO en 2021. Il est à noter que nos prévisions ne tiennent pas compte de la compensation du gouvernement fédéral pour l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AECG) et pour l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP). Les détails de la compensation pour l’ACEUM n’ont pas encore été annoncés.
Tendances à surveiller en 2021
1. Exportations de poudre de lait écrémé et de concentré de protéines de lait
Nous avons commencé à suivre les exportations de P.L.E. dans notre mise à jour des perspectives de 2020 pour le secteur laitier d’octobre. En vertu de l’ACEUM, le Canada a accepté de limiter à 35 000 tonnes métriques les exportations de P.L.E. de CPL pour l’année laitière 2020-2021 (d’août à juillet). Par la suite, ce seuil sera augmenté de 1,2 % chaque année. Les exportations de P.L.E. au-delà de seuil seront assujetties à des droits à l’exportation de 0,54 $/kg. La figure 1 montre qu’au cours des trois dernières années, la limite d’exportation aurait été atteinte entre décembre et mars.
Le gouvernement du Canada émet des licences d’exportation pour la P.L.E. et les CPL non soumis à un droit. L’atteinte du seuil d’exportation tôt dans l’année impliquerait qu’une plus grande quantité de solides non gras devrait soit être vendue sur le marché intérieur dans des classes de lait de moindre valeur, soit être exportée et alors assujettie au droit à l’exportation de 0,54 $/kg. Dans un cas comme dans l’autre, l’effet serait le même : une baisse du prix à la production. Il semble toutefois que le secteur trouve des moyens d’ajouter de la valeur aux solides non gras, ce qui diminue l’impact du seuil d’exportation. La figure 1 montre que les exportations de P.L.E. et de CPL devraient être sous le seuil d’exportation pour l’année laitière 2020-2021.
Figure 1 : Les exportations de P.L.E. et de CPL étaient plus faibles pendant les quatre premiers mois de l’année laitière 2020-2021
2. Réouverture des services alimentaires
La distribution de vaccins étant bien entamée, nous nous attendons à ce que les services alimentaires rouvrent pleinement dans la seconde moitié de l’année. Les restaurants sont d’importants acheteurs de crème et de fromage et leur réouverture stimulera la demande de produits laitiers. La demande refoulée de repas pris à l’extérieur du domicile pourrait aider à déclencher une reprise substantielle. Après des mois de confinement, les consommateurs sont impatients de retourner au restaurant. La pandémie ayant limité les occasions de dépenser, le taux d’épargne des ménages canadiens a bondi (en anglais seulement) et l’accumulation de l’argent épargné encouragera les sorties au restaurant après la levée des mesures sanitaires. La santé financière incertaine des établissements de restauration atténue toutefois ces attentes. En effet, les conséquences à long terme des mesures sanitaires entraîneront probablement la fermeture définitive de nombreux restaurants.
3. Prix des produits laitiers aux États-Unis
La P.L.E. américaine a pris de l’importance puisqu’elle établit la valeur minimale du lait de la classe 4a en vertu de l’ACEUM. Selon les prévisions de l’USDA (en anglais seulement), le prix moyen de la P.L.E. aux États-Unis sera de 1,100 $ US/lb en 2021 alors qu’il était de 1,042 $ US/lb en 2020. Le prix de la P.L.E. aux États-Unis a fluctué considérablement, passant d’une moyenne de 1,202 $ US/lb au premier trimestre à 0,905 $ US/lb au deuxième trimestre. Nous nous attendons à ce qu’il soit plus stable et plus prévisible en 2021.
4. Contexte macroéconomique incertain
L’économie a encore beaucoup de rattrapage à faire pour retrouver son rythme d’avant la pandémie. La Banque du Canada calcule que le PIB a chuté d’environ 5,5 % en 2020. La croissance du PIB dépendra de la distribution de vaccins et des dommages durables à l’économie causés par la contraction. La Banque du Canada prévoit que le PIB du Canada croîtra de 4 % en 2021.
Surveillez notre blogue pour des mises à jour régulières de ces perspectives 2021 pour le secteur laitier ainsi que nos perspectives pour les secteurs des céréales et des oléagineux, du bœuf, du porc, du poulet à griller et de la transformation alimentaire.
Article par : Sébastien Pouliot, Économiste supérieur