Perspectives de 2023 pour les secteurs bovin et porcin
L’équipe des Services économiques FAC vous aide à comprendre les grands enjeux et les principales tendances économiques susceptibles d’avoir une incidence sur votre exploitation en 2023.
Perspectives économiques de FAC pour 2023
Regardez un enregistrement du webinaire Perspectives économiques de FAC pour 2023 qui porte sur les principaux moteurs économiques et les grandes tendances à surveiller au cours de la prochaine année.
Voici les trois grandes tendances à surveiller pour les exploitations bovines et porcines :
La contraction du cheptel bovin nord-américain
Les coûts des aliments pour animaux
La demande mondiale de viande rouge en plein ralentissement économique
En hausse depuis deux ans, les prix des bovins et des porcs continuent de grimper. En Alberta et en Ontario, les prix des bouvillons dépasseront la moyenne de 2022, ainsi que leur moyenne sur cinq ans, à laquelle ils ont récemment été inférieurs (tableau 1). Les porcs de l’Ontario et du Manitoba devraient se maintenir autour des prix moyens enregistrés à la même période l’année dernière et de leur moyenne sur cinq ans.
Tableau 1 : Prévision des prix du bétail
La solidité des prix explique en grande partie pourquoi nous prévoyons en 2023 des marges bénéficiaires élevées pour le secteur de l’élevage-naissage, qui dépasseront les bonnes marges générées en 2022. Encore une fois, les coûts des aliments pour animaux compromettront la rentabilité du secteur de l’engraissement, surtout pour les exploitations qui achètent des aliments. Les coûts des aliments pour animaux sont en baisse par rapport aux sommets de l’année dernière, mais ils dépassent encore facilement la moyenne sur cinq ans (tableau 2). Dans l’ensemble, le secteur devrait constater une amélioration en glissement annuel.
Les prévisions indiquent que les exploitations d’élevage de porcelets sevrés de l’Ontario et du Manitoba s’approcheront du seuil de rentabilité et de leur moyenne sur cinq ans. En revanche, les exploitations de naissage-finition verront leurs marges dépasser considérablement leur moyenne sur cinq ans dans les deux provinces, mais en particulier au Manitoba, où les coûts moins élevés des aliments pour animaux allègent la pression.
Tendances à surveiller en 2023
1. La contraction des cheptels bovins stimule la production à court terme, mais réduira les stocks
Au cours de la dernière année, les producteurs du Canada et des États-Unis ont envoyé un nombre accru de génisses à l’abattage en raison de la sécheresse qui sévissait aux États-Unis et des coûts extrêmement élevés des aliments pour animaux. Depuis 2020, l’abattage de génisses représente plus de 29 % de l’abattage total, un niveau qui provoque la contraction de la taille du cheptel l’année suivante. En 2022, la proportion de génisses abattues a atteint 30,4 %, un sommet jamais vu en dix ans, et s’est approchée du niveau record de 32 % enregistré en 2004.
Comme l’indiquent les perspectives pour les secteurs du bétail, du lait et de la volaille publiées en décembre 2022 par le département de l’Agriculture des États-Unis, environ 69 % du cheptel bovin des États-Unis se trouve dans des régions frappées par la sécheresse, une augmentation de 33 % sur 12 mois. La hausse de l’abattage de génisses a provoqué la plus importante contraction du cheptel nord-américain en 10 ans (figure 1), les stocks de bovins des États-Unis ayant notamment reculé de 4 % sur 12 mois en date du 1er janvier 2023. La pleine mesure de la contraction sera connue une fois que le dénombrement des bovins canadiens au 1er janvier 2023 sera publié.
Figure 1 : Contraction prévue du cheptel bovin nord-américain
Bien que l’envoi de génisses à l’abattage améliore les stocks de bœuf à court terme, cette pratique aura des répercussions profondes sur la production de bœuf en Amérique du Nord. Aux États-Unis en 2022, la production de bœuf a légèrement reculé en glissement annuel et devrait chuter encore de 4 % cette année. À ce jour, la production canadienne de bœuf est en hausse de 10 % en glissement annuel. L’augmentation à court terme de la production de bœuf découlant de la liquidation des génisses ralentira au fur et à mesure que le nombre de bovins disponibles décroîtra. Le département de l’Agriculture des États-Unis (USDA) prévoit une contraction globale de 1,4 % de la production canadienne de bœuf en 2023, ce qui aura des répercussions sur les exportations nord-américaines (ces répercussions sont décrites en détail plus loin, sous la troisième tendance à surveiller).
La production canadienne de porc devrait rester stable et se maintenir aux niveaux de 2022. Compte tenu de la chute rapide des exportations canadiennes vers la Chine en glissement annuel (figure 2), les fournisseurs canadiens vont devoir trouver de nouveaux acheteurs sur d’autres marchés.
Figure 2 : La manne de la demande d’importation chinoise est chose du passé
2. Les coûts des aliments pour animaux sont toujours élevés
C’est un sujet maintes fois ressassé : les coûts des aliments pour animaux se maintiennent à des sommets historiques. Bien qu’ils soient un peu moins élevés que les niveaux records atteints l’année dernière, ils représentent toujours un risque de perte de rentabilité pour les producteurs. Nous nous attendons à ce qu’ils restent supérieurs à leur moyenne sur cinq ans (tableau 2) tout au long de 2023, et ce, malgré l’augmentation sur 12 mois de la récolte nord-américaine de céréales fourragères en 2022. La production canadienne de céréales fourragères qui a augmenté de près d’un quart en glissement annuel selon Statistique Canada a eu pour effet de freiner les importations de maïs en provenance des États-Unis au deuxième semestre de 2022 et a facilité la gestion des coûts. La situation est avantageuse pour les producteurs qui cultivent leurs propres aliments pour animaux, mais expose à des risques accrus ceux qui sont obligés d’en acheter.
Tableau 2 : Les coûts des aliments pour animaux ($/tonne) demeurent élevés
La guerre en Ukraine représente toujours un risque susceptible d’exercer des pressions à la hausse sur les coûts des aliments pour animaux. Les problèmes d’approvisionnement qui en découlent, et qui devraient s’intensifier au printemps, influeront encore sur les prix des intrants de culture, ce qui pourrait amener certains producteurs de céréales fourragères à limiter leur production.
3. Des prévisions contrastées pour la demande de viande rouge
L’effondrement possible de la demande de viande rouge, dont nous parlions dans notre dernière mise à jour des perspectives de 2022, n’a pas eu l’ampleur que nous avions prévue. Cela s’explique en partie par l’allégement des pressions de récession, comme en fait état le Fonds monétaire international (FMI). Cependant, le monde n’est pas encore tiré d’affaire en ce qui a trait à la possibilité d’un important ralentissement économique, puisque l’on prévoit que la croissance s’essoufflera cette année et sera surtout concentrée dans les économies avancées où l’on consomme le plus de viande rouge. Toutefois, les plus récentes perspectives du FMI sont devenues plus optimistes depuis le mois d’octobre, donnant à penser que 2023 pourrait être l’année où la croissance économique atteint son plus faible niveau puis cesse de s’affaiblir, et où l’inflation diminue. Le FMI prévoit un taux de croissance mondiale de 2,9 % en 2023, en baisse par rapport à 3,4 % en 2022.
Globalement, les championnes de la croissance économique seront les économies émergentes, notamment la Chine, où, selon l’USDA, la consommation de bœuf devrait progresser de près de 3 % en glissement annuel et la consommation de porc devrait se stabiliser. On ne prévoit pas de croissance des exportations canadiennes de bœuf cette année, et on s’attend à ce que les exportations des États-Unis diminuent de 12,8 % en glissement annuel, ce qui n’a rien d’étonnant compte tenu des ralentissements de la production. L’USDA prévoit que les exportations canadiennes de porc reculeront de 2 %, tandis que celles des États-Unis demeureront inchangées par rapport aux niveaux de 2022.
La demande d’importation de porc de la Chine est imprévisible. En janvier, l’USDA a prévu que la production porcine de la Chine atteindrait 55 millions de tonnes métriques en 2023. Pour sa part, le Bureau national de la statistique de Chine a établi la production de 2022 à 55,4 millions de tonnes métriques. Ce résultat est le plus élevé en huit ans et il dépasse de loin celui qui était prévu. Les prévisions de l’USDA pour 2023 seront sans doute révisées à la hausse, ce qui entraînera les exportations à la baisse.
En Amérique du Nord, la consommation de bœuf diminuera légèrement cette année. Plus précisément, ce recul sera de 1,2 % au Canada et de 5 % aux États-Unis. Une autre raison pouvant expliquer pourquoi la demande n’implose pas pourrait se trouver dans la comparaison des pressions inflationnistes, qui, au Canada, étaient plus faibles pour la viande (6 % en glissement annuel) que pour d’autres catégories d’aliments (10,1 % en glissement annuel). Du début à la fin de 2022, le bœuf et le porc ont été relativement moins touchés par l’inflation globale des prix des aliments (figure 3).
Figure 3 : Alors que l’inflation augmente dans de nombreuses autres catégories d’aliments, l’inflation des prix du bœuf et du porc diminue
Rédactrice économique
Membre de l’équipe des Services économiques depuis 2013, Martha Roberts est une spécialiste en recherche qui étudie les risques et les facteurs de réussite pour les producteurs agricoles et les agroentreprises. Martha compte 25 années d’expérience dans la réalisation de recherches qualitatives et quantitatives et la communication des résultats aux spécialistes de l’industrie. Elle est titulaire d’une maîtrise en sociologie de l’Université Queen’s à Kingston, en Ontario, et d’une maîtrise en beaux-arts en écriture non fictive de l’Université de King’s College.