Perspectives économiques de 2025 pour le secteur laitier : optimisme prudent dans un contexte d’incertitude commerciale

Les perspectives économiques de 2025 pour le secteur laitier sont un peu plus incertaines que l’an dernier. Une croissance démographique faible et incertaine risque de freiner la croissance de la demande de produits laitiers, tandis que les prix aux producteurs devraient rester relativement stables. Toutefois, la demande continue d’augmenter et le coût des aliments pour animaux a diminué par rapport aux sommets atteints ces dernières années. Nous prévoyons une baisse de la rentabilité (en $/hl) par rapport à 2024, mais les marges devraient rester supérieures à la moyenne des cinq dernières années. Le problème dont personne n’ose parler est le commerce et les répercussions possibles de la nouvelle administration des États-Unis sur le secteur laitier. Nous abordons tous ces sujets dans nos perspectives économiques de 2025 pour le secteur laitier.
Augmentation de la production pour accroître les recettes
Ce qui est sûr, c’est qu’il y aura une très légère baisse (-0,02 %) du prix du lait à la ferme. Chaque année, la Commission canadienne du lait (CCL) mène une enquête sur le coût de production afin de connaître le coût de production moyen d’un hectolitre (hl) de lait. Les résultats de cette enquête sont l’un des éléments permettant de déterminer l’ajustement éventuel des prix à la ferme en février. Au moment de leur publication, les résultats de l’enquête sont quelque peu dépassés, alors pour mieux comprendre les coûts récents, les données sont indexées (ajustées) pour refléter les conditions jusqu’en août. Ce sont ces valeurs indexées qui servent à déterminer les changements de prix recommandés. La plus récente étude a montré que, même si l’inflation était encore élevée l’an dernier, le coût des aliments pour animaux était inférieur, ce qui a entraîné une baisse des coûts de production totaux (tableau 1).
Tableau 1 : Les coûts totaux indexés ont diminué l’année dernière en raison de la baisse des prix des aliments pour animaux
Résultats de l’enquête | Résultats de l’enquête, indexés au mois d’août 2024 | Variation | Variation | |
---|---|---|---|---|
Total des coûts | 93,09 | 90,36 | -2,73 | -2,9 % |
Achats d’aliments pour animaux | 23,26 | 20,41 | -2,85 | -12,3 % |
Coûts non liés à l’alimentation animale | 69,83 | 69,95 | 0,12 | 0,2 % |
Source : Commission canadienne du lait
Les coûts de production indexés ont diminué de 2,9 %, tandis que le taux d’inflation global a grimpé de 2,9 % durant cette période. La Formule nationale d’établissement des prix pondère de la même manière les résultats indexés des enquêtes et les données sur l’inflation, de sorte que l’ajustement basé sur la Formule nationale d’établissement des prix du secteur laitier a été minime.
Nos prévisions sur les recettes monétaires agricoles (RMA) totales pour le secteur sont présentées dans le tableau 2 ci-dessous. Nous prévoyons une croissance de 3,0 % des RMA totales, qui est presque entièrement attribuable à une augmentation de la production, étant donné la stabilité des prix. La Mise en commun du lait de l’Ouest (MCLO) a déjà annoncé deux journées d’incitatifs par mois jusqu’à la fin du mois de novembre, ainsi qu’une augmentation de quota de 2,0 % à 2,4 % à compter du 1er mars (les augmentations diffèrent légèrement entre les quatre provinces de l’Ouest). Au moment où nous écrivons ces lignes, aucune annonce similaire n’avait été faite pour le P5.
Tableau 2 : Recettes monétaires agricoles du secteur laitier, historiques et projetées
Année | RMA (en G$) | Croissance |
---|---|---|
2020 | 7,13 | 2,0 % |
2021 | 7,38 | 3,6 % |
2022 | 8,23 | 11,4 % |
2023 | 8,55 | 3,9 % |
2024 | 8,89 | 3,9 % |
2025P | 9,15 | 3,0 % |
Il convient de noter que le prix pondéré moyen n’est pas entièrement établi en vertu du système de gestion de l’offre. Une proportion d’environ 11 % de la matière grasse (en poids) est destinée aux produits de la classe 5, une catégorie de lait dont tous les composants sont déterminés par les prix américains (le prix des solides non gras dans certains produits de la classe 4 est également déterminé par les prix américains). L’USDA prévoit que le prix de la poudre de lait écrémé aux États-Unis atteindra en moyenne 1,30 $/lb en 2025, ce qui devrait représenter une augmentation de 5,4 % par rapport à 2024 (figure 1). Toutefois, ce prix est assujetti aux forces du marché et pourrait augmenter ou diminuer au cours de l’année.
Figure 1 : Les prévisions sur le prix de la poudre de lait écrémé aux États-Unis laissent entrevoir une certaine hausse des prix en 2025

Sources : Barchart, USDA
Compte tenu du potentiel limité de croissance des prix, les producteurs devront gérer leurs coûts avec prudence. Nous nous attendons à ce que le coût des aliments pour animaux reste faible en 2025, mais les coûts fixes et variables devraient continuer à augmenter, quoiqu’à un rythme plus lent que celui enregistré en 2022 et 2023.
La croissance démographique constitue une variable imprévisible. L’augmentation de la demande observée l’année dernière découle en grande partie de l’augmentation de la population. Un certain nombre de changements ont été apportés aux différents programmes d’immigration, et la croissance démographique devrait ralentir considérablement, ce qui freinera la croissance de la demande à l’avenir. Néanmoins, la demande pour les produits laitiers est en croissance : nous estimons que les ventes de produits laitiers (en volume) ont grimpé de 7,0 % l’année dernière, ce qui est bien supérieur à l’augmentation de la population canadienne.
En ce qui concerne les aliments pour animaux, la production de fourrages et de céréales s’est améliorée en 2024 dans l’Ouest, mais comme toujours, l’enjeu pour 2025 sera le déroulement de la saison de croissance. L’Ouest a été frappé par des périodes de sécheresse intermittentes depuis cinq ans et, comme dans la plupart des secteurs de l’agriculture, la rentabilité dépendra du déroulement de la saison de croissance.
Dans l’ensemble, nos modèles indiquent que la rentabilité en 2025 sera inférieure à celle de 2024, mais tout de même supérieure à la moyenne sur cinq ans.
Figure 2 : Estimations des marges brutes moyennes du secteur laitier, 2020-2025

* La marge brute est le revenu total moins les coûts variables totaux (y compris l’alimentation animale). Les coûts fixes et la rémunération pour la gestion sont exclus du calcul. Nous n’avons pas inclus les coûts fixes, car ils varient considérablement d’une exploitation à l’autre.
** Comme les calculs reposent sur des définitions différentes des catégories de coûts pour le P5 et la MCLO, les valeurs ne sont pas directement comparables.
Sources : Statistique Canada, Commission canadienne du lait, gouvernement de l’Alberta, Services économiques FAC
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L’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) ne sera pas soumis à un examen officiel avant 2026, mais les discussions au sujet de l’avenir de l’entente en ce qui concerne le secteur laitier devraient s’accélérer en 2025. L’ACEUM est passé en revue tous les six ans. Lors de ces examens, les pays peuvent soupeser l’accord, discuter des aspects qui pourraient être actualisés et évaluer l’intérêt de chacun à poursuivre l’accord.
Il convient de mentionner qu’au cours de la dernière année laitière (du 1er août 2023 au 31 juillet 2024), les taux d’atteinte des volumes d’importation négociés sont demeurés inférieurs aux niveaux prévus par l’ACEUM (figure 3). Dans le cas de certains produits, il y a eu très peu d’importations. La stabilité de la production laitière aux États-Unis et les fortes exportations américaines de produits laitiers vers les marchés mondiaux l’an dernier ont joué un rôle dans cette situation. Les problèmes d’accès au marché pourraient refaire surface lorsque l’ACEUM sera passé en revue.
Figure 3 : Importations de produits laitiers en 2023-2024 dans le cadre de l’ACEUM – produits sélectionnés

Sources : Affaires mondiales Canada, Services économiques FAC
En conclusion
Dans l’ensemble, 2025 s’annonce comme une année convenable pour les producteurs laitiers, après une année 2024 largement fructueuse. La demande devrait rester stable malgré le ralentissement de la croissance démographique, et le coût des aliments pour animaux a diminué. Toutefois, il y aura des éléments à surveiller tout au long de l’année. Il sera essentiel de surveiller de près les coûts variables, étant donné le potentiel limité de hausse des prix et les coûts variables non liés à l’alimentation qui restent élevés. L’utilisation des jours d’incitatifs au fur et à mesure qu’ils deviennent disponibles aiderait à répartir les coûts fixes sur un plus grand nombre d’unités de production.
Économiste principal
Graeme Crosbie est économiste principal à FAC. Ses domaines d’intérêt portent notamment sur l’analyse et les perspectives macroéconomiques et sur l’analyse et la surveillance de l’industrie agroalimentaire canadienne. Ayant grandi sur une ferme laitière dans le sud de la Saskatchewan, il formule à l’occasion des observations sur la santé de l’industrie laitière du Canada.
Graeme est employé à FAC depuis 2013 et a consacré la plus grande partie de ces années à la gestion du risque. Il détient une maîtrise en gestion avec spécialisation en économie financière de l’Université de Cardiff ainsi que le titre d’analyste financier agréé (CFA).