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Possibilités de croissance pour le secteur agroalimentaire canadien sur le marché de l’ANASE

27 nov. 2024
9 min de lecture

Alors que le Canada cherche à diversifier davantage ses marchés d’exportation et à réduire les risques commerciaux associés à une dépendance excessive à l’égard des États-Unis, l’Asie occupe une place importante. La Chine et l’Inde sont des marchés asiatiques qui n’ont pas encore été pleinement exploités, mais les tensions géopolitiques actuelles rendent difficile le développement de relations commerciales plus importantes. Une autre option pour les exportateurs canadiens est l’Asie du Sud-Est, une zone clé au sein de la région indo-pacifique. Les exportations canadiennes ont augmenté dans les trois principales catégories, soit les produits agricoles, les produits alimentaires et les engrais, mais il y a place pour encore plus de croissance.

Dans ce billet, nous mettons en évidence certains produits agricoles et alimentaires qui, selon des recherches récentes, n’atteignent actuellement pas leur plein potentiel d’exportation.

Le marché de l’ANASE est l’un des plus vastes au monde

L’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) est une organisation intergouvernementale régionale qui compte dix États membres : Brunei Darussalam, Cambodge, Indonésie, République démocratique populaire du Laos, Malaisie, Myanmar, Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam.

Cette région ne cesse de croître et en 2023, elle représentait la troisième population en importance à l’échelle mondiale (environ 679 millions de personnes). Si l’ANASE ne formait qu’une seule économie, elle serait la cinquième du monde en importance avec un produit intérieur brut (PIB) nominal combiné de 3,8 billions de dollars américains en 2023. L’ANASE est l’une des régions économiques qui connaît la croissance la plus rapide au monde, avec un PIB réel qui, selon les projections du Fonds monétaire international, augmentera de 4,6 % en 2024 et de 4,7 % l’an prochain.

En tant que regroupement de pays, les dix États membres de l’ANASE représentaient le quatrième partenaire en importance du Canada pour le commerce des marchandises en 2023. La plus grande partie de ces échanges se fait avec les six principaux pays de la région (Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam), où les exportations de produits alimentaires sont nettement moins importantes que les deux autres catégories (figure 1).

Cela reproduit une tendance observée parmi les principaux marchés d’exportation du Canada à l’extérieur des États-Unis. Depuis 2018, les volumes d’exportation de produits alimentaires ont néanmoins progressé à un taux annuel moyen de 8,1 %, ce qui suggère que ce marché offre d’autres possibilités de développement. Jusqu’à présent, la croissance actuelle s’est faite sans l’aide d’un accord commercial, qui est néanmoins en préparation depuis 2021. Par ailleurs, la Stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique lancée en 2022 est une initiative plus vaste et plus globale visant à orienter l’approche du Canada sur les plans diplomatique et commercial ainsi qu’en matière de défense, de sécurité et d’aide au développement dans la région pour la prochaine décennie, et à accroître les exportations canadiennes.

Les volumes d’exportations agricoles ont également augmenté depuis 2018, progressant à un taux annuel moyen de 7,8 %. La diminution de nos exportations vers la région de l’ANASE depuis 2018 s’explique avant tout par la baisse marquée des exportations d’engrais. Entre 2018 et 2023, celles-ci ont reculé à un taux annuel moyen de 11,2 %. De loin la plus importante catégorie d’exportations, les exportations d’engrais ont eu une influence majeure sur notre performance commerciale globale.

Figure 1 : Historiquement, les engrais figurent en tête de liste des exportations agroalimentaires canadiennes vers la région de l’ANASE

Graphique à barres empilées montrant la prédominance historique des exportations canadiennes d’engrais par rapport aux exportations de produits alimentaires et de produits agricoles vers les pays de l’ANASE entre 2018 et 2023.

Source : Commerce international de marchandises du Canada

La baisse des volumes contraste fortement avec la valeur des exportations d’engrais au cours de la même période. Compte tenu des graves problèmes de chaîne d’approvisionnement qui ont entravé le commerce mondial des engrais pendant et juste après la COVID-19, la valeur unitaire de nos exportations d’engrais est passée de 93 dollars par tonne en 2018 à un sommet de 486 dollars par tonne en 2022. En 2023, elle est redescendue à 216 dollars par tonne, ce qui représente une forte baisse en glissement annuel, mais cela reste tout de même l’une des valeurs les plus élevées des six dernières années.

Augmentation de la demande de l’ANASE pour les produits agroalimentaires importés

La région est l’une des plus exposées aux effets des changements climatiques, ce qui suscite de vives inquiétudes concernant la sécurité alimentaire et l’agriculture durable. Le principal défi pour les pays de l’ANASE consistera à orienter le développement de pratiques de production pouvant s’adapter à des événements météorologiques extrêmes, à la détérioration des conditions climatiques et à des éclosions de maladies. À mesure que la région s’efforcera de gérer la fréquence et la force accrues des catastrophes naturelles et les difficultés liées au passage à une économie à faibles émissions de carbone, le Canada aura la possibilité d’accroître ses exportations issues de la recherche et du développement (nouvelles technologies comme des cultivars résistants à la sécheresse, etc.) ainsi que ses exportations de produits agricoles, d’engrais et de produits alimentaires.

Les options alimentaires occidentalisées deviennent aussi plus courantes dans la région. La consommation de viande bovine (mesurée comme le volume total des importations et de la production), par exemple, est en hausse (figure 2) et, avec une capacité limitée à produire suffisamment de bovins pour répondre à cette consommation, les importations de viande bovine ont gagné en importance. L’USDA prévoit que les importations de l’ANASE atteindront un total de 626 000 tonnes métriques pour l’année commerciale 2025-2026, ce qui représente un bond impressionnant de 60 % par rapport à 2015-2016. Bien entendu, les volumes globaux sont encore faibles : à titre de comparaison, la Chine devrait importer 3,8 millions de tonnes métriques de bœuf durant la même période. Mais, comme pour la Chine, les volumes augmentent.

Figure 2 : La croissance des importations de bœuf et de veau de l’ANASE dépasse celle de la production intérieure

Graphique linéaire montrant la croissance des importations et de la production de bœuf et de veau de l’ANASE entre 2014-2015 et 2022-2023, ainsi que des estimations pour 2024-2025 et 2025-2026.

Source : USDA PSD

Alors que les économies de l’ANASE continuent de se développer, plusieurs caractéristiques socioculturelles de la région constituent des obstacles potentiels que les exportateurs canadiens devront surmonter. Près de 90 % de la population indonésienne est musulmane, ce qui limite les exportations canadiennes de viande de porc vers ce pays. En fait, un peu plus de quatre personnes sur dix de la population de l’ANASE sont de confession musulmane (principalement sunnites), suivies par le bouddhisme (18 %) et le christianisme (17 %).

Cependant, le porc reste une source importante de protéines animales. La bonne nouvelle pour les éleveurs de porcs canadiens est qu’au cours de la pandémie, la production porcine dans l’ANASE a connu une légère baisse, alors que la consommation intérieure est demeurée stable. Selon les prévisions de l’USDA, la production et la consommation de porc devraient croître de plus de 2 % pour chacune des années suivantes. Toutefois, cette croissance impressionnante est attribuable aux importations de la région. L’USDA prévoit une croissance de 8,4 % des importations pour l’année 2024-2025 et une croissance additionnelle de 3,2 % pour l’année 2025-2026.

Le riz est un aliment de base en Asie du Sud-Est, comme dans tout le reste de l’Asie. Mais le blé, le produit agricole le plus exporté par le Canada, est un autre produit de base qui gagne du terrain en Asie (figure 3). La consommation globale a augmenté à un taux annuel moyen de 4,6 % au cours de la dernière décennie, mais la consommation de blé destiné à l’alimentation animale a crû encore plus rapidement (de 9,8 % en moyenne par année). La forte croissance de l’utilisation du blé comme aliments pour les animaux indique la place de plus en plus importante qu’occupent les sources de protéines d’origine animale dans l’alimentation quotidienne.

Figure 3 : La croissance de la consommation de blé destiné au fourrage en pourcentage de la consommation totale de blé montre que l’ANASE met l’accent sur le secteur de la viande rouge

Graphique à barres empilées montrant la croissance de la consommation d’aliments pour animaux de l’ANASE en proportion de la consommation intérieure totale entre 2014-2015 et 2024-2025.

Source : USDA PSD

Le Canada a la possibilité d’accroître sa part de marché

Il existe des possibilités mesurables pour le Canada d’accroître sa part de marché. Selon le Centre du commerce international (ITC), le Canada exporte actuellement en dessous de son potentiel vers la région de l’ANASE. Selon l’ITC, les « exportations potentielles » sont évaluées en fonction des capacités d’approvisionnement au Canada, des conditions de la demande sur le marché cible et des relations bilatérales entre le Canada et le pays importateur. Le « potentiel non réalisé » peut être simplement la différence entre les exportations potentielles et réelles, mais il peut également refléter des lacunes dans la demande de marchandises de chaque pays qui ne sont pas prises en compte dans la mesure du potentiel pour l’ensemble de la région. Par conséquent, le potentiel non réalisé peut être supérieur à la différence entre les exportations potentielles et réelles.

Selon l’ITC, le Canada n’exploite pas pleinement son potentiel dans ses exportations de chlorure de potassium, un produit de grande valeur, vers l’Indonésie, la Malaisie, la Thaïlande, le Vietnam et les Philippines. Nous exportons également moins de blé que nous le pourrions vers le Vietnam et les Philippines, et des volumes moindres de coupes de porc vers des pays comme Singapour et le Vietnam. Le tableau ci-dessous présente les quinze principaux produits agroalimentaires pour lesquels le Canada a un potentiel inexploité au chapitre des exportations vers la région de l’ANASE – ce qui représente un montant cumulatif de 1,6 milliard de dollars.

Tableau 1 : Les quinze principaux produits pour lesquels le Canada a un potentiel inexploité au chapitre des exportations vers les pays de l’ANASE

Potentiel inexploité (en M$)

Chlorure de potassium comme engrais

1046,1

Blé

163,0

Pommes de terre (fraîches/préparées/conservées/surgelées)

117,2

Bovins vivants

73,8

Crabes surgelés

51,5

Huile de colza

51,0

Coupes de porc surgelées

35,3

Tourteaux de soja

28,7

Maïs

21,0

Graisses de bovins, moutons et chèvres

19,0

Graisses de porc et de volaille

14,0

Coupes de bovins surgelées

12,0

Pois

7,7

Préparations alimentaires

7,6

Abats de porc surgelés

3,3

Sources : Centre du commerce international, calculs effectués par FAC

En conclusion

Face aux incertitudes géopolitiques qui menacent de bouleverser le commerce international, les exportateurs du Canada devraient envisager d’orienter leurs efforts de commercialisation sur le marché en croissance de l’ANASE. Il existe des possibilités de tirer parti de la demande croissante de la région pour les produits agroalimentaires et les produits de base, en particulier dans les pays où nos exportations sont inférieures à ce qu’elles pourraient être. Comme nous l’avons montré dans ce rapport, le potentiel d’exportation non réalisé dépasse 1,6 milliard de dollars.

Martha Roberts

Rédactrice économique

Membre de l’équipe des Services économiques depuis 2013, Martha Roberts est une spécialiste en recherche qui étudie les risques et les facteurs de réussite pour les producteurs agricoles et les agroentreprises. Martha compte 25 années d’expérience dans la réalisation de recherches qualitatives et quantitatives et la communication des résultats aux spécialistes de l’industrie. Elle est titulaire d’une maîtrise en sociologie de l’Université Queen’s à Kingston, en Ontario, et d’une maîtrise en beaux-arts en écriture non fictive de l’Université de King’s College.