Les problèmes de main-d’œuvre persisteront malgré l’amélioration récente
La disponibilité de la main-d’œuvre demeure un problème économique criant dans toutes les régions et tous les secteurs d’activité du Canada. Les pénuries peuvent freiner les gains de productivité, limiter les possibilités de croissance et faire perdurer les tensions inflationnistes. De plus, le déséquilibre entre l’offre et la demande de travailleurs est particulièrement marqué dans la chaîne d’approvisionnement agroalimentaire. Jetons un coup d’œil aux tendances récentes du marché du travail et revenons sur notre évaluation de l’évolution de l’offre et de la demande de main-d’œuvre dans le secteur agroalimentaire, publiée en 2022.
Les perspectives à court terme s’améliorent concernant la pénurie de main-d’œuvre
En 2022, la croissance démographique du Canada a atteint un sommet de 65 ans (la population a augmenté de 1 050 110 personnes, soit une hausse de 2,7 %), principalement grâce à l’immigration internationale. Cet afflux de personnes a contribué à atténuer les pénuries de main-d’œuvre. Quelques indicateurs montrent que le marché du travail du Canada est demeuré solide au cours du premier semestre de 2023. Le nombre de postes vacants, qui désigne le nombre de postes que les employeurs cherchent à pourvoir, est habituellement annoncé à la fin du mois. Le nombre de postes vacants a diminué à son niveau le plus bas depuis le deuxième trimestre de 2021; il s’agissait de la quatrième baisse consécutive. D’une année à l’autre, et après ajustement en fonction des variations saisonnières, le nombre de postes vacants (‑210 690 ou ‑21,3 %) et le taux de postes vacants (‑1,2 p.p.) ont régressé, tandis que le nombre d’employés salariés a augmenté (+509 355 ou +3,1 %). La diminution récente du nombre de postes à pourvoir et la hausse du taux de chômage indiquent que les tensions s’atténuent sur le marché du travail.
D’une année à l’autre, le nombre et le taux de postes vacants ont décliné dans les secteurs de l’agriculture et de la transformation alimentaire. Le nombre d’employés salariés a reculé dans le secteur agricole (-6 225 postes ou -2,7 %), mais il a progressé dans le secteur de la transformation alimentaire (+5 655 emplois ou +2,2 %).
L’écart projeté entre l’offre et la demande de main-d’œuvre continue de rétrécir
Les perspectives à long terme du marché du travail reposent sur les projections de l’offre et de la demande de main-d’œuvre. Les projections de l’offre de main-d’œuvre sont tirées d’une étude de Statistique Canada menée en 2019 et n’ont pas été mises à jour depuis notre analyse publiée en 2022. Cependant, nous savons que la croissance démographique s’accélère et nous avons choisi de nous concentrer sur le scénario de forte croissance de l’offre de main-d’œuvre de Statistique Canada (figure 1), qui correspond à la récente augmentation annuelle de la population active canadienne.
Les projections de la demande de main-d’œuvre ont été calculées en fonction de la croissance annuelle du produit intérieur brut (PIB). Les projections à long terme mises à jour montrent que l’écart se resserre entre l’offre et la demande potentielles de main-d’œuvre. Elles laissent présager que le marché du travail restera tendu, mais moins que ce qui était prévu l’année dernière selon un scénario de forte croissance démographique.
Figure 1 : Fluctuations de l’offre et de la demande potentielles de main-d’œuvre au Canada
La relation inverse entre le ratio offre potentielle-demande potentielle de main-d’œuvre et le taux de postes vacants permet d’évaluer l’ampleur des futures pénuries de main-d’œuvre. Lorsque le ratio diminue, l’offre de main-d’œuvre se raréfie par rapport à la demande, ce qui se traduit par une augmentation du nombre et du taux de postes vacants. À l’inverse, un ratio qui augmente indique un accroissement de l’offre de main-d’œuvre par rapport à la demande, ce qui se traduit par une diminution du nombre de postes vacants.
Les projections indiquent que le ratio offre potentielle-demande potentielle diminuera de 2022 à 2031, en grande partie en raison de l’influence de la croissance économique sur la demande de main-d’œuvre, qui dépasse l’influence du scénario de forte croissance de l’offre de main-d’œuvre. Les problèmes de main-d’œuvre devraient donc perdurer étant donné que les employeurs canadiens se disputent un nombre limité de travailleurs qualifiés.
Le secteur agroalimentaire est aux prises avec un marché du travail tendu
La main-d’œuvre agricole est en déclin soutenu depuis le début des années 1960 en raison de la technologie. Toutefois, l’accroissement de la population mondiale et la hausse des revenus stimulent la croissance de la production alimentaire. Par conséquent, la demande de travailleurs dans les secteurs de l’agriculture et de la transformation alimentaire devrait refléter les besoins croissants en matière de production alimentaire mondiale.
Nous prévoyons que le taux de postes vacants moyen pour l’ensemble de l’économie atteindra 5,8 % en 2031, contre 4,7 % en 2021 (tableau 1). La tendance pour les secteurs de la transformation alimentaire et de l’agriculture est semblable, mais elle n’est pas aussi marquée parce que les taux de postes vacants moyens étaient déjà élevés. Le taux de postes vacants moyen devrait passer de 5,4 % en 2021 à 5,5 % en 2031 dans le secteur de la transformation alimentaire, et de 4,7 % à 5,0 % dans le secteur de l’agriculture.
Nos projections les plus récentes indiquent un marché du travail plus tendu dans le secteur de la transformation alimentaire comparativement aux projections de l’année dernière (nombres entre parenthèses dans le tableau 1). À l’inverse, les tensions devraient diminuer dans le secteur de l’agriculture; en effet, les taux de postes vacants moyens prévus en 2026 et en 2031 ont été révisés à la baisse (4,8 % par rapport à 5,6 % pour 2026, et 5,0 % par rapport à 6,3 % pour 2031).
Tableau 1 : Relation entre le taux de postes vacants et le rapport de l’offre à la demande potentielle de main-d’œuvre selon un scénario de forte croissance de la population
En conclusion
Les problèmes de main-d’œuvre vont perdurer, et les améliorations que laissent entrevoir les projections qui précèdent dépendent d’une forte croissance démographique et d’un rythme d’automatisation soutenu dans l’industrie.
Devant la pénurie de main-d’œuvre qui sévit au Canada, il est nécessaire d’adopter une approche à plusieurs volets et des solutions innovantes pour assurer un avenir durable et prospère pour l’industrie agroalimentaire. L’arrivée soutenue d’immigrants qualifiés et l’automatisation des exploitations agricoles et des installations de transformation alimentaire sont deux solutions qui permettent d’accroître la productivité et d’atténuer les tensions sur le marché du travail. Enfin, l’investissement dans des programmes de formation et l’amélioration des conditions de travail afin d’attirer et de retenir des travailleurs qualifiés sont des pistes intéressantes à explorer.
Économiste principal
En tant qu’économiste principal à FAC, Isaac Kwarteng se concentre sur la recherche et les prévisions économiques à long terme, en soutien à la stratégie et à la gestion du risque. De plus, il appuie le bureau de la PDG en répondant aux demandes de renseignements et de données.
M. Kwarteng est entré au service de FAC en 2023. Auparavant, il a occupé des fonctions touchant l’économie, la recherche et la statistique pour le gouvernement de la Saskatchewan pendant une décennie.
Titulaire d’une maîtrise en économie de l’Université d’East Anglia, au Royaume-Uni, il détient aussi une maîtrise en statistique de l’Université de Regina, où il est actuellement inscrit au programme de doctorat.