Suivez le guide : Coup d’œil sur la chaîne d’approvisionnement en bœuf du Canada (première partie)
La frontière américaine est visible de la confortable résidence des Ross. Le ranch L-7 Land & Cattle est situé à 15 minutes de la municipalité d’Estevan, dans le Sud-Est de la Saskatchewan, et appartient à la famille de Chad Ross. Derrière les veaux nés dans les pâturages se trouve un paysage bien canadien : des prés à perte de vue, parsemés de mines de charbon et de chevaliers de pompage orange vif qui vrombissent ici et là.
Reportons-nous au début de 2017. De l’autre côté de la frontière du ranch L-7 Land & Cattle, les hauts fonctionnaires de l’administration Trump se préparaient à annoncer qu’ils allaient renégocier l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Toute l’année durant, les États‑Unis ont clairement indiqué qu’ils rompraient tout accord qui, selon eux, allait à l’encontre de leurs intérêts.
Vers un juste équilibre des exportations de bœuf entre les États-Unis et le Canada
L’économie du Canada est bien intégrée à celle des États-Unis, la chaîne de valeur du bœuf étant un exemple de produit qui est importé et exporté par les deux pays.
Les deux prochains billets illustreront l’impact de ces intérêts sur une grande exploitation bovine de la Saskatchewan ainsi que sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement du bœuf du Canada. Les animaux du ranch L-7 Land & Cattle sont destinés aux usines de Cargill, en Alberta, dans le cadre du projet intitulé Canadian Beef Sustainability Acceleration Pilot.
Tout comme le ranch L-7 Land & Cattle, la majorité du bœuf produit par les exploitations bovines canadiennes est consommé au Canada. Le parcours d’un pâturage du Sud de la Saskatchewan vers les restaurants et détaillants de l’ensemble du pays ne représente qu’une seule avenue parmi tant d’autres pour les bovins et le bœuf de la chaîne d’approvisionnement du Canada, mais c’en est une qui est commune : en 2017, 61 % du bœuf produit en sol canadien est demeuré ici. Malgré cela, la rentabilité des exploitations canadiennes est influencée par la structure du commerce mondial et par les événements géopolitiques qui font fluctuer les marchés. Les prix payés par les producteurs à l’égard des aliments pour animaux et les prix qu’ils obtiennent pour leurs bovins reflètent cette conjoncture mondiale.
La rentabilité des exploitations canadiennes est influencée par la structure du commerce mondial et par les événements géopolitiques qui font fluctuer les marchés.
Les Ross exploitent leur ferme depuis 112 ans. Chad, sa conjointe Crystal et son père Brian ont persévéré dans une industrie éprouvée par des effondrements de marché, des intempéries et des maladies bovines. Chemin faisant, ils ont grossi leur troupeau, lequel compte maintenant 1 500 têtes. Ce n’est pas rien, considérant qu’au cours des cinq dernières années, l’industrie canadienne a produit en moyenne 3,3 millions de veaux par année.
En 2017, 1 000 vaches des Ross ont vêlé.
Ces veaux sont nés à un moment où le marché faisait preuve d’une robustesse inattendue.
Photos fournies par L-7 Land & Cattle
Ce qui se passe aux États-Unis ne reste pas nécessairement aux États-Unis
Malgré le bond prévu de la production en 2017 tant à l’échelle mondiale qu’à l’échelle nord‑américaine, les perspectives pour l’industrie bovine du Canada étaient encourageantes en janvier. Les fluctuations de la conjoncture commerciale mondiale laissaient déjà entrevoir la volatilité qui allait marquer l’année à venir et qui se poursuivrait en 2018, mais la demande de viande rouge montrait des signes de croissance impressionnante (en anglais seulement). Le prix moyen des bovins gras de l’Alberta était de 191,51 $/100 lb au cours du premier semestre, soit largement au-delà des attentes saisonnières. L’augmentation du cheptel américain et les investissements récents dans la capacité de transformation stimulaient la production aux États-Unis depuis 2014, ce qui avait fait baisser les prix du bœuf au détail et, du coup, fait augmenter au-delà des prévisions la demande de bœuf en Amérique du Nord et dans le reste du monde. Cette demande soutenue a entraîné une hausse des prix des bovins gras d’Amérique du Nord (ou des bovins prêts pour l’abattoir) payés aux parcs d’engraissements, lesquels étaient alors en position d’offrir davantage aux éleveurs-naisseurs pour les veaux qu’ils allaient engraisser.
Les Ross exploitent également un parc d’engraissement. De nombreux veaux nés sur le ranch L-7 Land & Cattle sont engraissés sur place. Toutefois, en 2017, la région d’Estevan a été particulièrement frappée par une sécheresse qui a sévi sur une grande partie des Prairies canadiennes et des États-Unis, faisant ainsi grimper les prix des aliments pour animaux partout en Amérique du Nord. Comme les États-Unis sont les plus importants producteurs de bœuf au monde, toute variation aux coûts des céréales fourragères a des répercussions au‑delà de leurs frontières.
Vers la fin de 2017
Dans le Sud-Est de la Saskatchewan, les prix des aliments pour animaux ont grimpé. En mars, le prix de l’orge était de 164 $ CA la tonne dans l’Ouest du Canada; d’octobre à décembre, il était d’environ 220 $ CA, ce qui représente une augmentation annuelle d’environ 24 %. Les coûts d’alimentation plus élevés ont poussé les producteurs à envoyer davantage d’animaux à l’abattoir dans la seconde moitié de l’année, souvent à des poids en carcasse plus faibles. La production intérieure de bœuf a augmenté de 3,2 % sur douze mois.
Les conditions météorologiques et les coûts des aliments pour animaux expliquent en partie ce qui a poussé les producteurs à vendre leurs bovins au moment où ils l’ont fait en 2017. Quant aux prix que les producteurs canadiens ont reçus, ils ont également été influencés par les parités entre la devise américaine et le dollar canadien, et ce, que leurs produits aient été vendus aux États-Unis ou non.
La faiblesse du dollar canadien est une bénédiction pour le bœuf canadien
Jean-Phillipe Gervais explique comment la faiblesse du dollar peut être profitable à la chaîne de valeur du bœuf et accroître la rentabilité des producteurs et des transformateurs.
Dans la deuxième partie, nous suivons les bovins des Ross, de la Saskatchewan à l’abattoir en Alberta. Là, les transformateurs font le lien entre les différentes étapes de la chaîne d’approvisionnement du bœuf du Canada.
Pour de plus amples renseignements sur le ranch L-7, l’industrie des bovins de boucherie de la Saskatchewan ou la chaîne d’approvisionnement en bœuf du Canada, consultez les sites suivants :
L-7 Land and Cattle sur Facebook
The Saskatchewan Cattlemen’s Association
The Saskatchewan Cattle Feeders Association
Bœuf canadien
Canadian Beef Checkoff Agency
Simmental Cattle
Rédactrice économique
Membre de l’équipe des Services économiques depuis 2013, Martha Roberts est une spécialiste en recherche qui étudie les risques et les facteurs de réussite pour les producteurs agricoles et les agroentreprises. Martha compte 25 années d’expérience dans la réalisation de recherches qualitatives et quantitatives et la communication des résultats aux spécialistes de l’industrie. Elle est titulaire d’une maîtrise en sociologie de l’Université Queen’s à Kingston, en Ontario, et d’une maîtrise en beaux-arts en écriture non fictive de l’Université de King’s College.