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Quelle incidence pourraient avoir les tarifs douaniers sur le dollar canadien?

12 févr. 2025
4,5 min de lecture
Monnaie Canadienne.

Seuls les plus courageux se montrent optimistes à l’égard du dollar canadien ces jours-ci. La dépréciation de notre monnaie au cours de la dernière année a été spectaculaire. En effet, le dollar canadien, qui s’échangeait à environ 0,75 $ US il y a douze mois, s’est établi à moins de 0,70 $ US cette semaine. Qu’est-il donc arrivé au huard, et comment évoluera-t-il dans le contexte de l’incertitude engendrée par les tarifs douaniers?

La vigueur du dollar américain

Il faut se rappeler que le dollar canadien n’est pas la seule grande monnaie à avoir du mal à s’imposer face à la vigueur du dollar américain. L’indice du dollar américain pondéré en fonction des échanges commerciaux, qui est calculé par la Réserve fédérale des États-Unis (la Fed) et mesure la valeur du billet vert par rapport aux autres devises, se situe actuellement à un sommet de plus de 20 ans. L’économie des États-Unis a surpassé celle de plusieurs homologues l’année dernière, de sorte que l’inflation, donc les taux d’intérêt de la Fed aussi, est généralement supérieure à ce qu’on observe dans d’autres économies développées. Cet avantage en matière de rendement attire des capitaux étrangers aux États-Unis, ce qui stimule le dollar américain par rapport aux autres grandes devises. À la fin du mois de janvier, par exemple, le taux directeur était de 4,50 % aux États-Unis, contre seulement 3,00 % au Canada. La dernière fois que le désavantage du Canada en matière de rendement a été aussi important, c’était en décembre 1997, et le huard s’échangeait alors à près de 0,70 $ US.

Des perspectives moroses pour les prix des produits de base

Les prix des produits de base, autre facteur dont on sait qu’il influe sur le dollar canadien, ont beaucoup augmenté au cours de la dernière année. À la fin du mois de janvier, l’indice des prix des produits de base de la Banque du Canada était en hausse d’environ 6 % en glissement annuel. Manifestement, l’effet positif des produits de base sur la monnaie est éclipsé par le désavantage en matière de rendement et la vigueur du dollar américain susmentionnés. À l’avenir, on peut s’attendre à ce que les tarifs douaniers américains et les mesures de rétorsion susceptibles d’être imposées par les partenaires commerciaux des États-Unis réduisent encore davantage les échanges internationaux et limitent la croissance du PIB mondial. Si l’on en croit l’histoire, un ralentissement de la croissance mondiale devrait peser sur les prix des produits de base, donc sur le dollar canadien.

Le manque de tonus de l’économie canadienne

Les difficultés du huard s’expliquent en partie par la faible confiance des investisseurs étrangers dans l’économie canadienne. Les prévisions de croissance du PIB réel pour 2025, que de nombreux analystes, y compris nous, avaient fixées à un maigre taux de 1,5 % environ (soit la moyenne des deux dernières années), pourraient maintenant être révisées à la baisse en raison des tarifs douaniers des États-Unis. Plus la guerre commerciale s’étirera, plus le PIB sera durement touché, ce qui augmentera la probabilité d’une récession et poussera la Banque du Canada à procéder à des baisses de taux d’intérêt plus prononcées. Les tarifs douaniers imposés par le Canada aux États-Unis en guise de représailles rendront les produits américains plus chers, ce qui réduira la demande canadienne pour ces produits. On s’attend donc à ce que nos importateurs diminuent leur demande de dollars américains, ce qui apportera un certain soutien au huard. Dans l’ensemble, cependant, les effets des tarifs douaniers sont incontestablement négatifs pour la monnaie canadienne.

Le huard risque donc de perdre des plumes, du moins à court terme. Les exportateurs peuvent voir les avantages d’une monnaie encore plus faible, tant qu’ils ont accès au marché. Or, pour un importateur ou un dirigeant d’entreprise qui tente d’accroître sa productivité en utilisant des machines et des équipements importés, la faiblesse accrue de notre monnaie ne sera d’aucune utilité.

Quand la saga des tarifs douaniers prendra-t-elle fin?

En 2018-2019, il a fallu environ onze mois pour que les tarifs imposés par les États-Unis sur l’acier et l’aluminium canadiens et les tarifs de rétorsion du Canada soient supprimés. Personne ne sait avec certitude combien de temps les nouveaux tarifs douaniers américains resteront en vigueur après leur mise en œuvre, mais les coûts colossaux associés à la guerre commerciale (surtout si ces tarifs sont généralisés) inciteront les négociateurs des deux côtés de la frontière à conclure un accord un jour. Dans l’intervalle, l’incertitude liée aux tarifs douaniers suffira à freiner temporairement les exportations et à décourager les investissements. Cela ne fera qu’aggraver les problèmes structurels de l’économie canadienne.

Les retards dans les investissements, en particulier par rapport aux États-Unis, se sont en effet traduits par une faible croissance de la productivité, donc par une diminution de la compétitivité au cours des deux dernières décennies. Ce facteur, conjugué à un manque de diversification (plus de 70 % de nos exportations sont toujours destinées aux États-Unis), fait que les exportateurs comptent de plus en plus sur un huard faible (par rapport au dollar américain) pour stimuler leurs ventes.

L’année dernière, malgré la chute du huard, le Canada a enregistré un seizième déficit annuel consécutif du compte courant, mesure la plus large des échanges commerciaux (figure 1). Cette situation contraste fortement avec les solides excédents du compte courant enregistrés de 2004 à 2007 malgré la vigueur du huard, qui s’établissait alors en moyenne à environ 0,85 $ US. En d’autres termes, les difficultés actuelles du dollar canadien ne sont pas uniquement dues à des facteurs cycliques. Donc, même si l’on peut s’attendre à ce que le huard rebondisse quelque peu une fois la crise des tarifs douaniers terminée, il ne faut pas s’attendre à ce qu’il remonte à 0,85 $ US de sitôt.

Figure 1 : Le déclin du dollar canadien n’a pas contribué à rétablir l’excédent commercial

Figure illustrant que le compte courant canadien demeure déficitaire malgré la dépréciation du huard au cours des dernières années.

Sources : Statistique Canada, calculs effectués par FAC

Krishen Rangasamy

Directeur, Services économiques et économiste principal

Krishen Rangasamy est directeur, Services économiques et économiste principal à FAC. Grâce à ses perspectives et à son leadership, il contribue à orienter la recherche sur des sujets liés à la macroéconomie et à l’agriculture, recherche que FAC et ses clients externes utilisent pour étayer leurs stratégies et surveiller le risque.

Avant son arrivée à FAC en 2023, Krishen a été spécialiste de la macroéconomie pendant plus de 15 ans sur Bay Street, notamment au sein de deux grandes banques canadiennes, où il a conseillé des négociateurs en bourse et a aidé à diriger des travaux de recherche et de prévision économiques. De plus, il donnait régulièrement ses commentaires judicieux à propos des marchés financiers sur d’importantes chaînes de télévision spécialisées dans les affaires, de même que dans la presse écrite. Avant d’œuvrer dans les services bancaires d’investissement, Krishen a travaillé comme analyste du secteur énergétique dans l’Ouest canadien. Il a obtenu sa maîtrise ès arts en économie à l’Université Simon-Fraser.