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À surveiller : les tendances dans le secteur agricole et agroalimentaire des États-Unis qui pourraient avoir un impact sur le Canada en 2025

23 oct. 2024
7,5 min de lecture

Selon le vieil adage, lorsque les États-Unis éternuent, le Canada attrape le rhume. C’est incontestablement vrai dans le secteur agricole et agroalimentaire. Si les spéculations vont bon train sur les conséquences des élections américaines de novembre pour la politique agricole et agroalimentaire, certains sujets importants devront être suivis étroitement, quels que soient les résultats. Dans le blogue de cette semaine, nous nous penchons sur trois grandes tendances à surveiller dans le secteur agricole et agroalimentaire des États-Unis et sur leurs répercussions possibles pour le Canada.

Dans quelle mesure les consommateurs exigeront-ils des produits « fabriqués aux États-Unis »?

Au printemps, l’USDA a annoncé une décision définitive concernant l’étiquetage volontaire du pays d’origine (« vCOOL ») pour les produits de bœuf et de porc. Essentiellement, la décision stipule qu’à compter du 1er janvier 2026, les producteurs de viande qui apposent une étiquette « Produit des États-Unis » sur leurs produits de bœuf et de porc ne doivent utiliser que des animaux nés et élevés aux États-Unis (actuellement, les producteurs de viande américains sont autorisés à importer des animaux canadiens, à les élever et à les abattre, et à utiliser une étiquette « Produit des États-Unis »). Il s’agit du dernier épisode d’une saga de deux décennies sur l’étiquetage du pays d’origine pour les produits de bœuf et de porc. La mesure antérieure à l’étiquetage volontaire du pays d’origine, soit l’étiquetage obligatoire du pays d’origine (« mCOOL »), a été abrogée en 2015.

À première vue, l’étiquetage volontaire du pays d’origine semble moins préoccupant que l’étiquetage obligatoire du pays d’origine, compte tenu de la nature volontaire de la décision. Toutefois, il sera difficile pour le Canada d’exporter du bétail vers les États-Unis. Par exemple, le Canada envoie chaque année environ quatre millions de porcelets (pesant moins de sept kilos et âgés de 21 jours) aux États-Unis; même si ces porcs passent la plus grande partie de leur vie aux États-Unis, ils ne pourront pas être étiquetés comme « produits des États-Unis » en vertu des règles sur l’étiquetage volontaire du pays d’origine.

Des sources de l’industrie indiquent que certains transformateurs pourraient commencer à appliquer les règles d’ici le milieu de l’année 2025. Nous ne nous attendons pas à ce que le glas sonne pour les exportations de bétail (figure 1), mais les conséquences pourraient être très lourdes. Les niveaux de base (l’écart entre le prix au comptant reçu et les prix à terme) pour les exportations de bovins et de porcs vivants sont susceptibles de s’élargir, et les exportations de produits transformés à base de viande pourraient subir des vents contraires. Les producteurs de porcs pourraient subir des pressions plus fortes en raison de la diminution de la capacité de transformation nationale et de la dépendance accrue à l’égard de l’accès à l’abattage aux États-Unis. Il est difficile à ce stade-ci de quantifier les coûts potentiels du vCOOL, mais l’OMC a établi que l’impact du mCOOL [en anglais seulement], en recettes perdues, s’élevait à plus d’un milliard de dollars américains par année lorsqu’il était en vigueur.

Figure 1 : Exportations historiques de bovins vers les États-Unis

Diagramme à barres montrant les exportations historiques de bovins vivants vers les États-Unis de 2000 à 2023.

Les barres bleu clair indiquent les années au cours desquelles le mCOOL était en vigueur.

Source : Base de données sur le commerce international de marchandises du Canada

Peut-on s’attendre à ce que l’industrie porcine américaine défende les porcs canadiens? C’est possible. Or, même si nous expédions près de 20 % de nos porcs aux États-Unis, cela ne représente que 5 % des volumes d’abattage au sud de la frontière, de sorte que l’industrie américaine peut sans doute combler cet écart par sa propre production. Toutefois, les secteurs porcins des deux pays sont fortement intégrés, et des pressions seront exercées pour que la réglementation soit assouplie, en particulier pour les porcelets qui passent la quasi-totalité de leur vie aux États-Unis, mais qui ne pourraient pas être étiquetés comme « Produits des États-Unis » en vertu des nouvelles exigences.

En fin de compte, c’est le consommateur américain qui déterminera l’impact du vCOOL. Les marchés nord-américains du bœuf et du porc sont fortement intégrés et les exigences en matière d’étiquetage entraîneront une réorientation des flux commerciaux ainsi que des coûts supplémentaires. Dans quelle mesure les consommateurs américains sont-ils disposés à payer pour ces produits à un moment où les prix de la viande demeurent élevés?

Les retombées des changements au crédit d’impôt pour les biocarburants

À partir du 1er janvier 2025, les changements au crédit d’impôt pour la production de biocarburants aux États-Unis entreront en vigueur, ce qui pourrait freiner la croissance de la production de biodiesel au Canada. Cela soulève la question suivante : compte tenu de la demande potentiellement limitée d’huile de canola et de soya raffinée de la part des entreprises nationales du secteur des combustibles, la production canadienne d’huile de canola et de soya sera-t-elle confrontée à des vents contraires lorsqu’il s’agit de trouver des acheteurs alors qu’une capacité de trituration supplémentaire entre en service?

Actuellement, les États-Unis offrent un crédit d’impôt (1 $ par gallon) aux mélangeurs de carburant qui mélangent du biodiesel ou du diesel renouvelable à du diesel ordinaire. Ce crédit d’impôt est essentiel pour soutenir la rentabilité, car les prix du biodiesel et du diesel renouvelable dépassent largement ceux du diesel ordinaire. D’autres politiques gouvernementales, comme la Renewable Fuel Standard (norme sur les carburants renouvelables) qui relève de l’administration fédérale, ou la Low Carbon Fuel Standard (norme sur les combustibles faibles en carbone) de la Californie, prévoient des crédits qui contribuent également à la rentabilité des usines de biocarburants. Depuis toujours, le Canada exporte la quasi-totalité de son biodiesel vers les États-Unis pour bénéficier d’une partie ou de l’ensemble de ces crédits.

Toutefois, en vertu de l’Inflation Reduction Act (loi sur la réduction de l’inflation) des États-Unis, ce crédit d’impôt n’est plus destiné aux mélangeurs, mais aux producteurs, de sorte que seul le biodiesel ou le diesel renouvelable produit aux États-Unis pourra bénéficier du crédit à partir de l’année prochaine; les intrants peuvent toutefois toujours provenir de l’étranger. Les raffineurs canadiens sont donc désavantagés. Les experts canadiens en biocarburants estiment que sans un crédit semblable au Canada, il sera difficile de construire de nouvelles installations de biocarburants au pays.

Les triturateurs canadiens continuent d’exporter de l’huile de canola vers les installations américaines, et ils ont été très actifs en 2024, établissant déjà un record huit mois après le début de l’année (figure 2). Même si certaines associations agricoles des États-Unis font pression pour que les matières premières étrangères ne soient plus admissibles à des crédits à l’avenir, la rentabilité des triturateurs canadiens de graines oléagineuses demeure robuste pour l’instant, ce qui stimule la demande de canola dans un contexte d’augmentation des exportations d’huile vers les États-Unis.

Figure 2 : Exportations canadiennes d’huile de canola (brute et raffinée) et de biodiesel vers les États-Unis

Diagramme à barres montrant les exportations canadiennes de biodiesel et de canola vers les États-Unis de 2020 à 2024. Depuis 2020, les exportations d’huile de canola sont en augmentation.

Sources : Statistique Canada, application Web sur le commerce international de marchandises du Canada

La loi agricole des États-Unis devra être renouvelée 

Les lois agricoles (Farm Bills) des États-Unis couvrent plusieurs années et un large éventail de programmes agricoles et alimentaires. Pour les producteurs agricoles, cela comprend des programmes d’assurance des produits agricoles, des programmes de soutien des prix et des programmes de conservation.  

Les lois agricoles sont généralement établies pour une période de cinq ans. Toutefois, lorsque la dernière loi agricole a expiré, en 2023, elle a été prolongée d’un an. Cette prolongation a pris fin le 30 septembre 2024 et les négociations relatives au prochain accord à long terme commenceront dans le courant de l’année prochaine.  

Les producteurs canadiens doivent surveiller l’impact éventuel de la loi agricole des États-Unis. Des changements aux prix de soutien ou aux programmes d’assurance pourraient modifier les décisions des producteurs américains en matière de cultures. Par exemple, une meilleure assurance pour le maïs pourrait entraîner une augmentation des semis de maïs aux États-Unis, ce qui ferait baisser les prix. En fin de compte, les choix effectués dans les exploitations agricoles américaines ont une incidence considérable sur les marchés à terme et, par conséquent, sur les prix des céréales et du bétail au Canada.  

En conclusion 

Ce ne sont là que trois des tendances à surveiller aux États-Unis à l’approche de la nouvelle année. Il y en a d’autres qui pourraient avoir des répercussions. Selon la personne qui remportera les élections, ces politiques seront abordées de manière très différente. Ces politiques comprennent l’application potentielle de tarifs douaniers qui auront une incidence sur les flux des échanges commerciaux et sur les prix, et la révision de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) prévue en 2026. Les propriétaires d’entreprises agricoles et agroalimentaires canadiennes doivent rester attentifs à l’évolution de la situation aux États-Unis, mais ils doivent en priorité gérer leurs propres risques et contrôler les variables touchant leurs exploitations.  

Article par :
Justin Shepherd, économiste principal
Graeme Crosbie, économiste principal