Deux frères élaborent un plan de rachat
Ce cas fictif a été préparé par MNP et adapté par le Service de comptabilité et fiscalité Chaudière-Appalaches.
Gérard et son frère Kevin ont travaillé ensemble pendant plus de 25 ans après avoir repris la gestion de l’exploitation céréalière familiale et étendu ses activités.
Ils ont mis en place une société en nom collectif (SENC) dont les deux frères sont propriétaires à parts égales. Cette SENC a procédé à l’acquisition de l’équipement nécessaire à l’exploitation de la ferme céréalière. Les parents étant décédés depuis peu, les frères ont chacun hérité de deux terres agricoles. En plus de ces terres, ils ont fait l’acquisition d’autres terres en leur nom personnel en indivision.
Alors que les deux associés étaient au début de la cinquantaine, leur entreprise avait trouvé son rythme de croisière et se dirigeait vers une nouvelle phase de croissance. Gérard et Kevin avaient tous les deux des enfants d’âge adulte qui travaillaient à temps partiel dans l’exploitation, mais aucun d’entre eux ne semblait manifester d’intérêt à l’idée d’y travailler à temps plein.
Leur carrière a pris un autre tournant le jour où Gérard a subi une blessure au dos alors qu’il travaillait au garage. Tous deux croyaient que la blessure guérirait rapidement, mais une opération et une longue convalescence se sont révélées nécessaires. Il a fallu se rendre à l’évidence : Gérard ne serait plus en mesure de participer aux travaux avec la même intensité et au même rythme qu’avant.
Gérard a d’abord proposé de s’occuper davantage des tâches administratives, mais, pour lui, le fait de rester assis à son bureau devenait une torture. Il s’est donc mis à explorer différentes options et a choisi d’entamer des études en vue d’obtenir son permis de courtier immobilier.
Kevin s’est montré compréhensif quand son frère lui a fait part de son plan. Il a néanmoins suggéré de réexaminer la situation dans six mois, mais, seulement trois mois plus tard, il apparaissait évident que son idée ne fonctionnerait pas. La tension montait et de nombreuses disputes entourant son engagement envers la ferme ont eu lieu. Finalement, Gérard a dit qu’il voulait se retirer.
Ils ont convenu d’y réfléchir pendant une semaine puis de trouver une façon d’aller de l’avant. Lorsqu’ils se sont réunis, les deux frères ont proposé plusieurs idées.
Gérard :
Se retirer était la meilleure chose à faire pour lui et sa famille.
Sa femme appuyait sa décision et aucun de ses enfants ne voulait s’investir dans l’exploitation.
Le processus devait commencer immédiatement et il devait y avoir autant de marge de manœuvre et de bonne volonté que possible.
Son retrait ne devait pas pousser Kevin à cesser ses activités.
Kevin :
Il avait fini par accepter la décision de son frère et souhaitait continuer à exploiter la ferme par lui-même.
Son fils aîné lui a exprimé sa volonté de s’investir progressivement davantage dans l’exploitation.
Il lui serait difficile de racheter complètement la part de Gérard et il espérait trouver un compromis quant à la propriété des terres.
Après avoir mis cartes sur table, Gérard et Kevin se sentaient nettement plus à l’aise avec leurs décisions. L’incertitude qui planait avait finalement été résolue et, même s’il restait de nombreux détails à régler, ils avaient tous les deux un objectif clair : créer un plan de transfert sur cinq ans.
Une première rencontre avec leur comptable leur a permis de déceler plusieurs préoccupations majeures et de confronter la réalité. Tout d’abord, les points positifs :
L’entreprise se portait bien et son seuil d’endettement était gérable.
Les deux frères possédaient les deux propriétés dont ils avaient hérité et qui leur appartenaient en propre.
La société en nom collectif détenait la propriété de l’équipement, des structures d’entreposage et des inventaires de grains. L’exploitation des terres se faisait par l’entremise de la SENC.
Puis, les défis :
Leur contrat de société conclu il y a 25 ans était très simpliste. Très peu de dispositions précises avaient été prévues au cas où l’un d’eux voudrait se retirer, ou décédait.
Toutes les terres, outre celles dont ils avaient hérité, avaient été achetées en copropriété indivise par Kevin et Gérard, ce qui représentait une préoccupation majeure.
Aucune estimation de la valeur de l’entreprise ou de ses actifs n’avait été faite.
Les frères ont dû effectuer quelques calculs rapides pour estimer la valeur de l’entreprise et des terres, mais ils en sont arrivés à des résultats très différents.
Leur contrat de société prévoyait que si l’un d’eux venait à décéder, la part du défunt dans la SENC irait au sociétaire survivant. Lors de la création de la société en nom collectif, aucun des deux frères n’était marié, et ils n’avaient jamais révisé leur contrat de société. Une mise à jour de leur contrat tenant compte de leur nouvelle réalité familiale aurait représenté un bien meilleur scénario. Ainsi si l’un des deux frères décédait, la part du défunt dans la SENC irait à ses héritiers ou à sa succession.
Leur comptable leur a proposé d’évaluer l’impact fiscal (notamment le gain en capital imposable) d’un retrait et de faire un plan de transfert des actifs. Par la suite, le comptable a abordé avec eux certains aspects plus difficiles du retrait de Gérard :
Évaluation : Toutes les parties devaient s’entendre sur la valeur de l’équipement et de l’entreprise, et le comptable pouvait les aider à effectuer l’évaluation. L’évaluation serait sûrement élevée.
Achat par Kevin : Kevin ne souhaitait pas utiliser ses économies et faire un emprunt personnel afin d’acheter la part de Gérard. Kevin et son épouse pourraient créer une société par actions (compagnie) et c’est cette compagnie qui achèterait les parts des sociétaires ainsi que les terres détenues en indivision. La société par actions exploiterait la ferme céréalière et pourrait bénéficier du taux d’impôt peu élevé pour les petites entreprises. Ainsi, Kevin et son épouse pourraient mieux contrôler leur revenu personnel et pourraient établir de meilleures stratégies fiscales.
Mise à jour du testament : Il était impératif que les deux frères s’en occupent immédiatement et qu’ils rédigent un document de travail détaillant le plan de transfert au cas où quelque chose arriverait à l’un d’eux avant que le transfert soit effectué.
Déterminer si Kevin veut acheter la portion indivise des terres détenues par son frère ou si les deux préfèrent une entente de location à long terme avec option de premier refus.
Cette première rencontre s’est révélée pénible, et les frères n’avaient toujours pas de plan de transfert des terres qu’ils détenaient en copropriété. Tous deux avaient toujours cru qu’ils travailleraient ensemble jusqu’à leur retraite et, malgré la bonne volonté de part et d’autre, aucun plan pour le retrait de Gérard n’avait encore été dressé. Les deux frères auraient donc à traverser ce processus étape par étape.
Cinq points importants à prendre en considération :
Demandez des recommandations à votre avocat/notaire quant à la manière d’inscrire deux noms sur le titre.
Dans tous les cas de copropriété de terres privées, il faut envisager de façon proactive de mettre en place des accords de copropriété.
Demandez à votre avocat/notaire quels sont les avantages et les inconvénients de la tenance conjointe pour votre famille ou votre entreprise à court, moyen et long terme.
Discutez avec vos conseillers techniques si un type de propriété commune peut être envisageable pour votre famille ou votre entreprise.
Abordez les questions liées au rachat.
D’après un article de l’AgriSuccès.
Cinq façons d’atténuer les difficultés liées à la planification de la succession et du transfert d’entreprise.