En 2023, les recettes monétaires agricoles affichent – encore une fois – une tendance à la hausse
Si l’année 2022 a apporté son lot de défis à l’agriculture canadienne, elle se démarque toutefois par l’évolution très positive des recettes monétaires agricoles (RMA). Nous estimons qu’elles ont atteint un sommet record de 94,5 milliards de dollars en 2022, ce qui représente une hausse de 14,1 % par rapport à 2021. Nous prévoyons que les RMA continueront de croître en 2023, mais à un rythme plus modéré, de 4,6 %. Les RMA ne représentent qu’une portion des perspectives de profit des exploitations agricoles canadiennes. Néanmoins, des RMA robustes constitueraient une évolution positive en 2023 en vue de compenser les coûts des intrants, qui devraient demeurer élevés pendant toute l’année.
Regard sur 2022 et 2023
Statistique Canada devrait publier plus tard cette année les données complètes sur les RMA de 2022. Nos estimations et prévisions des RMA (tableau 1) dans les données d’une année sur l’autre pour 2022 intègrent les estimations des RMA de Statistique Canada pour les trois premiers trimestres de 2022 et des données provenant de diverses autres sources. Les plus forts gains des RMA de 2022 en glissement annuel (mesurés en pourcentage) ont été enregistrés dans les provinces de l’Atlantique, en Alberta et en Ontario. Les plus fortes hausses projetées des RMA en 2023 devraient être enregistrées en Saskatchewan, en Colombie-Britannique et au Manitoba.
Tableau 1 : Estimations et projections des RMA par province/région
Les recettes des céréales, oléagineux et légumineuses demeurent très vigoureuses
Les RMA pour les céréales, oléagineux et légumineuses devraient croître de 9,4 % en 2023 (tableau 2), après une augmentation estimée de 18,3 % en 2022. Ces résultats positifs au chapitre des recettes sont attribuables principalement :
à une hausse d’une année sur l’autre de la production dans les Prairies en 2022 (dont une partie sera commercialisée en 2023) et aux hypothèses de rendement moyen établies pour la récolte de 2023;
aux prix des cultures, qui demeurent supérieurs à leur moyenne sur cinq ans en raison de l’équilibre serré entre l’offre et la demande à l’échelle mondiale.
Le maïs et le soja devraient continuer à générer de solides recettes. De toutes les récoltes des Prairies, le canola devrait afficher la croissance la plus rapide de ses recettes, suivi de près par les pois et les lentilles. Le blé devrait également produire des sources de revenus accrus.
Tableau 2 : Estimations et prévisions des RMA pour les cultures sélectionnées
Les recettes tirées de l’élevage sont favorisées par la hausse des prix
Les prix des bovins ont connu une hausse constante dans la seconde moitié de 2022 et au début de 2023, ils demeuraient supérieurs à leurs moyennes sur cinq ans. En 2022, les prix du porc des États-Unis ont suivi de près les valeurs de 2021. Or, des ajustements régionaux des prix ont exercé des pressions à la baisse sur les recettes dans certaines provinces. La demande de viande rouge est demeurée forte au pays malgré l’inflation élevée des prix de détail des aliments. La demande mondiale de bœuf et de porc est forte, mais elle a ralenti dans certaines parties du monde (notamment en Chine). La demande de bovins et de porcs canadiens devrait demeurer robuste, compte tenu du potentiel limité de croissance de l’offre aux États-Unis en 2023. Les recettes tirées du bétail devraient augmenter à nouveau de 3,4 % en 2023 tandis que les RMA pour le porc devraient croître de 7,7 % (tableau 3).
Tableau 3 : Estimations et prévisions pour certains secteurs de l’élevage
En 2022, la demande de produits laitiers était relativement stable, mais deux hausses du prix du lait à la ferme ont entraîné une augmentation projetée de 11,5 % des RMA. Le 1er février 2023, en réponse à la hausse des coûts des aliments pour animaux et de l’énergie, la Commission canadienne du lait augmentera le prix de soutien du beurre, estimant que cela entraînera une augmentation de 2,2 % du prix du lait. La production de lait devrait augmenter compte tenu des stocks limités de beurre, mais les importations et l’inflation des prix de détail pourraient venir modifier les exigences du marché intérieur. Dans l’ensemble, les RMA devraient croître de 5,7 % en 2023.
Dans quelle mesure ces RMA sont-elles fiables?
Comme à l’habitude, les prévisions ci-dessus sont soumises sous toutes réserves : elles reflètent les conditions actuelles du marché et les attentes pour le reste de l’année en l’absence de données disponibles. Si l’on jette un coup d’œil sur nos prévisions de l’an dernier, on constate que dans l’ensemble, les prévisions de l’an dernier étaient trop prudentes (tableau 4). Nous n’avions pas prévu que les prix à la ferme seraient aussi bons que nous l’indiquaient nos plus récentes estimations des RMA pour 2022. Nos prévisions pour les recettes tirées du bétail étaient les plus exactes, avec une erreur de prévision de -0,3 %. À l’inverse, la guerre en Ukraine et la volatilité des prix qu’elle a entraînée peut expliquer la plupart des écarts constatés pour les prévisions de 2022 des RMA des céréales, oléagineux et légumineuses et les estimations de 2023 (-12,4 %).
Tableau 4 : Récentes estimations des RMA pour 2022 par rapport aux prévisions d’il y a un an
Autres ressources pour une année 2023 fructueuse
Nous avons revu les dix principaux graphiques à surveiller afin de vous aider à anticiper l’évolution des tendances économiques tout au long de 2023. Au cours des prochaines semaines, nous publierons une série de billets sur les perspectives propres à certains secteurs afin de décortiquer les facteurs qui expliquent les prévisions de RMA présentées dans ce billet.
Vice-président exécutif, Stratégie et Impact et économiste en chef
Jean-Philippe est Vice-président exécutif, Stratégie et Impact et économiste en chef à FAC. Il offre des conseils qui aident à orienter la stratégie de FAC et qui servent à identifier les risques et opportunités dans l’environnement d’affaires. En plus d’agir comme porte-parole de FAC pour des questions économiques, Jean-Philippe offre ses commentaires sur l'industrie agricole et agroalimentaire dans des vidéos et le blogue des Services économiques FAC.
Avant de se joindre à FAC en 2010, Jean-Philippe était professeur d’agroéconomie à l’Université North Carolina State et à l’Université Laval. Jean-Philippe détient le titre de Fellow de la Société canadienne d’agroéconomie. Il a obtenu son doctorat en économique de l’Université d’Iowa State en 1999.