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Aperçu de la situation macroéconomique du troisième trimestre de 2024 : à quel point les taux d’intérêt peuvent-ils baisser?

4 sept. 2024
7,5 min de lecture

Le 4 septembre, la Banque du Canada (BdC) a réduit son taux directeur (le taux du financement à un jour) pour la troisième fois en autant de réunions. Le taux du financement à un jour s’établit désormais à 4,25 %, alors qu’il était de 5,00 % au début de l’année. Ces réductions sont le début de ce qui devrait être un exercice pluriannuel d’assouplissement de la politique monétaire. Cependant, dans quelle mesure le taux du financement à un jour peut-il baisser, et quel en sera l’effet sur les rendements des obligations, les coûts d’emprunt et la valeur du dollar canadien? Nous abordons ces questions dans l’Aperçu de la situation macroéconomique de FAC de ce trimestre. 

L’importance de la production mondiale et des flux commerciaux  

Pour comprendre l’évolution possible des taux, il faut d’abord connaître leur point de départ.   

L’inflation mondiale, qui s’élevait en moyenne à plus de 17 % pendant la période de 1980 à 1999, a chuté abruptement sous la barre des 10 % au cours des décennies suivantes, en grande partie grâce à une mondialisation accrue. L’adhésion de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce en 2001 a stimulé le commerce mondial tout en créant des forces désinflationnistes à l’échelle internationale. Ces événements ont permis aux banques centrales d’abaisser les taux directeurs à des niveaux qui n’auraient pas été possibles autrement. Depuis la crise financière de 2008, les taux ont été particulièrement bas.  

Toutefois, cette période appartient désormais au passé. Les tendances du commerce mondial sont bouleversées par des tensions géopolitiques croissantes, ce qui se traduit par une tendance au rapatriement ou par la création d’une économie d’affinité. De nombreux gouvernements, y compris les États-Unis, s’orientent vers des politiques commerciales plus protectionnistes. À l’inverse des 30 dernières années, ces événements réduiront probablement les échanges de biens de consommation, ce qui signifie que les pressions à la baisse sur les prix à la consommation exercées par le commerce mondial seront probablement moins importantes que par le passé.  

Les taux directeurs fixés par les banques centrales devront refléter cette nouvelle réalité économique. Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a lui-même souligné cette réalité en juin, en déclarant : « Les taux d’intérêt baissent peut-être dans de nombreuses économies, mais les taux mondiaux ne retourneront sans doute pas aux niveaux d’avant la pandémie. La nouvelle normalité ne sera pas comme l’ancienne. Et si nous ne revenons pas en arrière, nous devrons tous et toutes nous adapter. » 

En quoi consiste un taux d’intérêt neutre? 

À quel niveau les taux d’intérêt devraient-ils se stabiliser dans cette nouvelle normalité? Les économistes, y compris ceux de la Banque du Canada, font souvent référence à un concept appelé « taux d’intérêt neutre ». Il s’agit du taux auquel l’économie n’est ni stimulée ni entravée. Ce taux n’est pas observable et ne peut être estimé qu’à l’aide de modèles, ce qui explique les nombreux débats au sein de la profession. Même la Banque du Canada se montre prudente, préférant donner une fourchette (de 2,25 à 3,25 % selon sa dernière estimation) plutôt qu’une estimation ponctuelle du taux neutre. On peut interpréter le taux neutre comme le niveau le plus bas auquel le taux du financement à un jour devrait descendre, en l’absence d’un choc négatif majeur tel qu’une récession profonde. Selon notre scénario d’une stabilisation en douceur pour l’économie canadienne, le taux du financement à un jour devrait continuer de baisser, quoique de manière moins radicale que lors des précédentes récessions. Nous prévoyons que le taux à un jour baissera à 3,75 % d’ici la fin de l’année pour s’établir autour de 2,50 % d’ici la fin de 2025, c’est-à-dire près du milieu de la fourchette estimée par la Banque du Canada pour le taux neutre. 

Cette prévision du taux à un jour semble raisonnable non seulement parce qu’elle est conforme au taux neutre estimé par la Banque du Canada, mais aussi en raison de ce que cela signifie pour le taux d’intérêt réel. Le taux d’intérêt réel est le taux d’intérêt nominal (c’est-à-dire stipulé) moins le taux d’inflation. Par exemple, dans le contexte actuel, le taux du financement à un jour étant de 4,25 % et le taux d’inflation global de 2,5 %, le taux d’intérêt réel estimé est d’environ 1,75 %, ce qui constitue le taux le plus élevé depuis la crise financière de 2008 (figure 1). Cette situation met sous pression une économie fortement endettée et il n’est pas étonnant que la croissance du PIB canadien reste bien en deçà de son potentiel. 

Pour relancer la croissance économique, la Banque du Canada devra orchestrer une baisse significative du taux d’intérêt réel. En ramenant le taux du financement à un jour à environ 2,50 % d’ici à la fin de 2025, et en supposant un taux d’inflation stable de 2,0 % d’ici là, cela se traduirait par un taux d’intérêt réel de 0,50 %, ce qui correspond à peu près à ce qu’il était avant la récession de 2020, lorsque le Canada enregistrait une croissance convenable du PIB. 

Figure 1 : Le taux d’intérêt réel a atteint son plus haut niveau depuis 2007 

Figure 1 : Graphique linéaire illustrant le taux réel historique du taux d’intérêt réel

Les données sur le taux du financement à un jour avant 1996 ne sont pas accessibles. Le taux du financement à un jour utilisé dans le calcul avant cette date est implicite et calculé comme le taux officiel d’escompte moins 25 points de base.

Sources : Statistique Canada, Services économiques FAC

Qu’en est-il de la courbe de rendement et des coûts d’emprunt? 

La baisse du taux du financement à un jour aura naturellement une incidence sur la courbe de rendement. Il est important de comprendre les mouvements de la courbe de rendement, car cette dernière est la composante fondamentale de la plupart des prêts à taux fixe. Depuis le milieu de 2022, la courbe de rendement est inversée, ce qui signifie que les rendements dans la portion à court terme de la courbe sont plus élevés que les rendements dans la portion à long terme de la courbe. Cette situation a perduré jusqu’en août 2024. Le moment et l’ampleur des mouvements de la courbe de rendement sont difficiles à prévoir et peuvent fluctuer considérablement au cours d’un mois donné. Nous savons que les rendements à court terme sont fortement influencés par le taux du financement à un jour. Si la Banque du Canada continue de réduire le taux à un jour jusqu’en 2025, les rendements à court terme diminueront en conséquence. D’autre part, les rendements à plus long terme évoluent en fonction des changements dans les attentes concernant le taux du financement à un jour, l’inflation et les perspectives économiques générales. À mesure que l’inflation (et, peut-être plus important encore, les attentes concernant l’inflation future) ralentit et que les perspectives économiques s’assombrissent, les rendements à long terme baissent généralement, même s’il est peu probable qu’ils chutent considérablement par rapport à leur niveau actuel (figure 2).  

Figure 2 : La courbe de rendement reste inversée, mais l’inversion devrait se résorber avec de nouvelles baisses de taux de la Banque du Canada

Figure 2 : Graphique linéaire montrant la courbe de rendement à différents points dans le temps au cours des trois dernières années

Les lignes ci-dessus représentent le rendement moyen de chaque bon ou obligation en mars 2022 et en août 2024. La ligne pointillée de décembre 2025 représente les dernières prévisions des Services économiques FAC, la zone grisée représentant un degré potentiel de variation des rendements qui pourraient fluctuer en fonction de la volatilité historique récente.

Sources : Statistique Canada, Services économiques FAC

Le dollar canadien est soutenu par les prévisions de baisses de taux aux États-Unis 

Dans un contexte de baisse des taux d’intérêt, le simple observateur ne verrait pas d’un œil optimiste l’évolution du dollar canadien. Mais comme nous l’avons déjà expliqué, d’autres facteurs (outre les taux canadiens) pourraient soutenir le huard. En effet, après avoir atteint un nouveau creux au début août 2024, le dollar canadien s’est apprécié de plus de deux cents par rapport au dollar américain. Cette appréciation s’explique en grande partie par la position de plus en plus claire de la Réserve fédérale américaine quant à l’imminence des baisses de taux d’intérêt aux États-Unis.  

En conclusion 

Notre prévision du taux du financement à un jour s’établissant à environ 2,50 % d’ici la fin de 2025 suppose un rétablissement en douceur de l’économie canadienne, un scénario dans lequel l’inflation est maîtrisée sans causer de dommages importants à l’économie. Cela dit, compte tenu des nombreux risques qui pèsent sur l’économie canadienne, notamment le commerce mondial, les budgets serrés des consommateurs et l’instabilité du marché immobilier, nous reconnaissons la possibilité d’un ralentissement plus marqué que celui que nous prévoyons actuellement. Si ce scénario indésirable se concrétisait, la Banque du Canada abaisserait alors le taux du financement à un jour bien en dessous du taux d’intérêt neutre estimé afin de stimuler l’économie, comme elle l’a fait lors des récessions de 1991, 2009 et 2020.  

Résumé des prévisions concernant les principales variables économiques

Tableau présentant les variables économiques, historiques et prévues pour 2024 et 2025

Sources : Services économiques FAC, Bloomberg

x.com/Graeme_Crosbie
Graeme Crosbie

Économiste principal

Graeme Crosbie est économiste principal à FAC. Ses domaines d’intérêt portent notamment sur l’analyse et les perspectives macroéconomiques et sur l’analyse et la surveillance de l’industrie agroalimentaire canadienne. Ayant grandi sur une ferme laitière dans le sud de la Saskatchewan, il formule à l’occasion des observations sur la santé de l’industrie laitière du Canada.

Graeme est employé à FAC depuis 2013 et a consacré la plus grande partie de ces années à la gestion du risque. Il détient une maîtrise en gestion avec spécialisation en économie financière de l’Université de Cardiff ainsi que le titre d’analyste financier agréé (CFA).