Le bilan de mi-année 2022 de la valeur des terres agricoles met l’accent sur le revenu, les taux d’intérêt et l’offre
Les principaux facteurs qui influent sur la valeur des terres agricoles sont demeurés solides au premier semestre de 2022. Nous avons constaté une augmentation moyenne de la valeur des terres agricoles de 8,1 % à l’échelle nationale au cours de la période observée (tableau 1). Les prix soutenus des produits de base ont contribué au raffermissement des recettes monétaires agricoles. La hausse des taux d’intérêt et les prix élevés des intrants agricoles semblent n’avoir eu que peu d’impact sur la demande de terres agricoles.
Notre analyse couvre la période comprise entre le 1er janvier et le 30 juin 2022. Les hausses les plus marquées ont été observées en Ontario (15,6 %), à l’Île-du-Prince-Édouard (14,8 %) et au Québec (10,3 %). Vient ensuite la Saskatchewan avec une augmentation moyenne de 8,4 %. La Colombie-Britannique, l’Alberta, le Manitoba et la Nouvelle-Écosse ont enregistré des augmentations inférieures à la moyenne se situant entre 5,9 % et 6,5 %. Quant au Nouveau-Brunswick, il affiche la plus faible augmentation, soit 3,4 %.
Tableau 1. Évolution moyenne de la valeur des terres agricoles à la mi-année 2022 par province, par rapport à l’offre de terres arables
Le moment de la vente, l’offre limitée et le revenu agricole pèsent lourd dans un contexte de hausse des coûts d’emprunt
La Banque du Canada (BdC) a commencé à relever son taux directeur au début du mois de mars, mais sa réponse aux pressions inflationnistes émergentes était trop timide. Ce n’est qu’en juillet que la BdC a annoncé les hausses nécessaires du taux de financement à un jour pour faire baisser l’inflation. Il est important de noter que de nombreuses ventes ont été négociées ou conclues avant les augmentations importantes des coûts d’emprunt. Il n’est pas rare que des transactions soient conclues plusieurs mois après avoir été négociées.
FAC publie des rapports sur la valeur des terres agricoles depuis 1985. Historiquement, nous avons connu d’autres périodes de hausse marquée des taux d’intérêt, la dernière remontant à l’exercice 2006-2007 (figure 1). Cette période a toutefois coïncidé avec une appréciation rapide de la valeur des terres agricoles, ce qui souligne l’importance de tenir compte de facteurs autres que les coûts d’emprunt.
Figure 1. Pourcentage moyen d’appréciation de la valeur des terres agricoles comparativement aux coûts moyens d’emprunt des entreprises
Contrairement à ce que l’on observe dans le secteur immobilier, la superficie disponible pour les terres agricoles cultivables et productives est limitée et n’augmente pas. Cela exerce une pression à la hausse sur les prix, puisque la demande est stable et robuste. Le pourcentage de terres utilisées comme terres arables est limité dans la plupart des provinces (tableau 1). Récemment, les provinces disposant de plus de terres arables ont semblé connaître une augmentation plus lente de la valeur de leurs terres.
Les recettes monétaires agricoles ont grimpé de 14,6 % d’une année à l’autre au premier semestre de 2022. Les recettes des céréales, des oléagineux et des légumineuses ont légèrement diminué au cours des six premiers mois, mais cela n’a rien de surprenant étant donné la mauvaise récolte de 2021 dans les Prairies. Les perspectives demeurent néanmoins positives. Malgré les pressions inflationnistes et les tensions géopolitiques, les prix de la nouvelle récolte continuent de dépasser les attentes initiales et les marges s’annoncent rentables, au vu des estimations encourageantes de la production pour 2022.
Tendances provinciales
En Colombie-Britannique, la valeur des terres agricoles a augmenté en moyenne de 6,5 % au premier semestre de 2022. Les hausses varient beaucoup à l’échelle de la province, et les changements les plus importants ont été enregistrés surtout dans les régions faciles d’accès et près des centres urbains. Nous avons observé une forte concurrence entre les exploitants agricoles et les acheteurs non traditionnels.
Les terres agricoles de l’Alberta se sont appréciées à un rythme plus modéré de 5,9 % au cours des six premiers mois de 2022. Il est important de noter que cette augmentation touche uniquement les terres cultivées, et que la valeur des terres irriguées n’est indiquée que dans le rapport annuel. La disponibilité des terres agricoles reste faible dans cette province.
En Saskatchewan, il semblerait que les conditions favorables du marché des terres agricoles observées en 2021 se soient maintenues au premier semestre de 2022. La valeur des terres agricoles a progressé à un rythme moyen de 8,4 % pour cette période. La demande reste forte dans la plupart des régions. Nous avons également noté que certaines régions (Nord-Ouest, Nord-Est) affichent peu ou pas de changement par opposition à d’autres régions qui ont connu des augmentations importantes.
Au Manitoba, la valeur des terres agricoles s’est appréciée de 6,0 % au premier semestre de 2022. Les conditions météorologiques printanières ont été difficiles dans certaines régions où, notamment, des inondations ont retardé les semis. Les régions qui ont le mieux supporté l’humidité ont connu des augmentations plus élevées que celles touchées par un excès d’humidité.
L’Ontario présente l’augmentation de la valeur des terres agricoles la plus marquée avec 15,6 % pour les six premiers mois de 2022 et un rythme de croissance de 27,7 % sur 12 mois. Les achats de terres qui entraînent les augmentations de la valeur les plus importantes se situent généralement dans les régions où les terres sont meilleur marché. Il y a beaucoup de variabilité entre les régions. Les augmentations les plus importantes sont observées dans les régions du Sud-Est et du Centre-Est, avec des variations moyennes sur six mois allant de 20,0 % à 24,0 %. À l’inverse, les augmentations moyennes dans l’Ouest de la province varient de 10,0 % à 17,0 %.
Au Québec, la valeur des terres agricoles a progressé à un rythme moyen de 10,3 % pour la première moitié de 2022. L’offre est très limitée dans certaines régions, ce qui fait grimper les prix. La variabilité est également une caractéristique du marché, et les augmentations les plus marquées ont été observées dans les régions de la province où la valeur en dollars à l’acre est la moins élevée.
Les provinces de l’Atlantique ont enregistré des augmentations moyennes de 3,4 %, 6,0 % et 14,8 % pour le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l’Île-du-Prince-Édouard, respectivement. Une forte demande de fourrage et de terres cultivées de la part d’acheteurs hors province a contribué à l’augmentation globale. Un nombre limité de ventes à Terre-Neuve-et-Labrador nous empêche de présenter une estimation.
L’offre et la demande dictent la valeur des terres agricoles
La BdC a relevé son taux de financement à un jour de 3 % depuis le début du mois de mars, et une autre hausse d’au moins 50 points de base est prévue à la fin octobre. Certaines exploitations agricoles ont vu leurs charges d’intérêts plus que doubler; d’autres ont pu atténuer l’incidence négative des taux plus élevés sur leurs marges bénéficiaires grâce à une gestion prudente des risques financiers.
Il n’est pas impossible que les coûts d’emprunt plus élevés freinent la demande de terres agricoles. Cependant, l’offre limitée et la croissance tendancielle du revenu agricole pourraient compenser l’impact des hausses de taux d’intérêt. Nous sommes impatients de réévaluer ces facteurs au début de 2023.
Article par : Lyne Michaud, É.A., analyste principale, Évaluation et Leigh Anderson, économiste principal