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Mise à jour de 2023 sur le secteur de la restauration et les épiceries : le resserrement des budgets influence les préférences des consommateurs

31 oct. 2023
7 min de lecture

Sur le plan individuel, les consommateurs ont réduit leurs dépenses en raison d’une hausse de l’inflation et des taux d’intérêt. Cela continuera d’être le cas tant que les deux demeureront élevés. Dans l’ensemble, la croissance démographique a soutenu les ventes. Alors qu’un nombre croissant d’emprunteurs renouvelleront leur hypothèque résidentielle en 2024 à des taux d’intérêt plus élevés, les budgets des ménages seront soumis à une pression accrue, ce qui limitera les dépenses consacrées aux restaurants et forcera les consommateurs à repenser leurs achats dans les épiceries.

Le secteur des services alimentaires fléchit, mais ne rompt pas

Jusqu’à présent en 2023, les ventes réelles des services alimentaires (c’est-à-dire les ventes ajustées en fonction de l’inflation) ont été stables par rapport à celles de 2022. Toutes les provinces ont enregistré une augmentation, à l’exception du Manitoba. L’Alberta mène au pays avec la plus forte croissance, suivie de l’Ontario et de la Colombie-Britannique. Une partie de cette croissance (mais pas toute) est attribuable à la croissance démographique. Ainsi, lorsqu’ajustées en fonction de la croissance de la population, les ventes n’ont progressé que de 1,3 % au Canada.

Figure 1 : Les ventes réelles du secteur des services alimentaires affichent une croissance constante, mais qui varie d’une province à l’autre

Figure 1 montrant les ventes réelles du secteur des services alimentaires affichent une croissance constante, mais qui varie d’une province à l’autre

Sources : Statistique Canada et Services économiques FAC

Les données sont en date de juillet 2023 et réelles (ajustées en fonction de l’inflation).

Les taux de croissance indiqués à la figure 1 sont davantage le reflet d’une baisse des volumes de ventes de 2022 (ce que l’on appelle « l’effet de glissement annuel » dans le calcul des variations en pourcentage) que de la vigueur des ventes, cette année. À ce stade, et malgré le rebond, les ventes de 2023 sont maintenant de retour aux niveaux d’avant la pandémie, mais elles demeurent bien en dessous de la tendance antérieure à la pandémie. De plus, les perspectives d’une poursuite de l’amélioration des ventes ne sont pas particulièrement favorables. La Banque du Canada (BdC) révèle, dans son Enquête sur les attentes des consommateurs au Canada du troisième trimestre, que plus de 58 % des répondants ont déclaré réduire leurs dépenses en raison de l’inflation élevée. Environ 55 % des répondants s’attendaient également à une récession au cours de la prochaine année, ce qui a une incidence sur les choix de consommation aujourd’hui. Pour la plupart des ménages, les dépenses en services alimentaires sont une dépense discrétionnaire, c’est pourquoi les résultats de ce sondage ne sont pas de bon augure pour les ventes des services alimentaires en 2024.

Restaurants Canada, dans son dernier sondage sur les perspectives [en anglais seulement], celui de juillet 2023, constate que 33 % des entreprises de restauration fonctionnaient à perte en 2023; en 2019, ce pourcentage n’était que de 7 %. Les données de Statistique Canada (figure 2) suggèrent une tendance constante de fermeture d’entreprises de services alimentaires cette année. L’ensemble de données ne précise pas les raisons pour lesquelles les entreprises ont fermé leurs portes, mais Restaurants Canada rapporte une hausse marquée des faillites pendant les cinq premiers mois de 2023.

Figure 2 : Les restaurants restent ouverts malgré les récentes difficultés

Figure 2 montrant les restaurants restent ouverts malgré trois années difficiles

Sources : Statistique Canada et Services économiques FAC

Les exploitants de services alimentaires qui dépendent davantage des ventes d’alcool auront du mal à accroître leurs ventes en raison d’une diminution à long terme de la consommation d’alcool par habitant. Au cours des 12 mois terminés en juin 2023, les ventes réelles de boissons alcoolisées étaient en baisse de 0,1 % par rapport à la même période en juin 2003. Essentiellement, les ventes totales d’alcool dans les bars et les restaurants ont été stables au cours des 20 dernières années, même si la population a augmenté de 8 millions de personnes au cours de cette période. En raison des changements démographiques et de l’évolution des préférences (par exemple, les jeunes adultes boivent moins d’alcool que les générations précédentes), nous nous attendons à ce que cette situation persiste.

Les ventes des magasins d’alimentation continuent de stagner

Le deuxième trimestre de 2023 a été le premier trimestre depuis plus de deux ans au cours duquel les ventes réelles des épiceries ont augmenté par rapport au précédent (figure 3). Le phénomène que nous avons mentionné l’an dernier se manifeste encore à l’épicerie : les consommateurs achètent des substituts à prix moins élevé, choisissent des produits de marque privée moins chers, gaspillent moins d’aliments et, bien sûr, achètent moins d’aliments au final.

Figure 3 : Les ventes réelles des magasins d’alimentation ont rebondi au deuxième trimestre de 2023 après deux ans de baisse

Figure 3 montrant les ventes réelles des magasins d’alimentation ont rebondi au deuxième trimestre de 2023 après deux ans de baisse

Sources : Statistique Canada et Services économiques FAC

Comme ce fut le cas pour les ventes des services alimentaires, la croissance démographique a soutenu les ventes des épiceries, car elle a permis d’éviter qu’elles se contractent plus qu’au cours des huit derniers trimestres.

Il y a plusieurs facteurs à prendre en considération lors de l’évaluation des marges de profit des détaillants. L’un d’eux est le prix auquel les fabricants nationaux vendent leurs produits, soit le coût des produits vendus (CPV) pour les épiciers. Depuis mai, le prix moyen auquel les fabricants nationaux ont vendu leurs produits (mesuré par l’indice des prix des produits industriels [IPPI]) a augmenté de 2 % à 3 % d’une année sur l’autre, soit un rythme de croissance nettement inférieur à celui des deux années précédentes (figure 4). Cela se traduit progressivement par une baisse de l’inflation des prix en épicerie, qui ont augmenté de 5,8 % en septembre, ce qui représente la progression la plus lente depuis décembre 2021.

Figure 4 : L’inflation des prix se stabilise dans le secteur de la fabrication des produits alimentaires et ralentit en épicerie

Figure 4 montrant l’inflation des prix se stabilise dans le secteur de la fabrication des produits alimentaires et ralentit en épicerie

Sources : Statistiques Canada et Services économiques FAC

Tendances à surveiller en 2024

Renouvellement d’hypothèques et revenu disponible

Les pressions observées sur le revenu disponible des ménages ne font peut-être que commencer. Environ 20 % des prêts hypothécaires résidentiels consentis par trois des plus grandes banques du Canada sont en situation d’amortissement négatif [en anglais seulement], ce qui signifie que les hypothèques à taux variable assortis de paiements fixes ne couvrent plus les intérêts exigibles du tout. La différence entre les intérêts exigibles et les intérêts payés est ajoutée au solde du prêt. Au moment du renouvellement, ces hypothèques doivent revenir à leur calendrier d’amortissement initial, mais à un taux d’intérêt beaucoup plus élevé et avec un solde de prêt plus élevé.

Or, ce problème ne touche pas seulement les hypothèques à taux variable. Selon les estimations de la BdC, environ 19 % de tous les emprunteurs hypothécaires avaient renouvelé leur prêt hypothécaire en 2023, et encore 18 % devraient le faire en 2024. Toutes choses étant égales par ailleurs, les emprunteurs qui renouvelleront leur prêt en 2024 consacreront une part moins grande de leur revenu disponible aux achats discrétionnaires, notamment les repas au restaurant. Les taux de location records ont le même effet. La demande en produits d’épicerie est moins élastique que les dépenses discrétionnaires, mais comme il est mentionné ci-dessus, elle demeure quand même exposée à l’évolution du pouvoir d’achat des consommateurs.

Inflation des aliments et rentabilité

Les marges des magasins d’alimentation font les manchettes depuis plus d’un an maintenant. Les analyses récentes sur le sujet ne manquent pas*. En l’absence de données financières ventilées et accessibles au public, il est impossible de déterminer les marges des épiciers attribuables strictement aux ventes d’aliments. Toutefois, la bonne nouvelle est que l’inflation des prix des aliments ralentit et que les prix des produits agricoles et alimentaires ainsi que des principaux intrants agricoles se stabilisent ou diminuent.

* Autres ressources traitant des marges des épiciers :

Postes vacants et croissance salariale

Même si la pression s’atténue, les exploitants de services alimentaires ont encore du mal à combler les postes vacants, ce qui devrait aider à réduire les pressions salariales dans l’industrie. Au deuxième trimestre de 2023, le taux de postes vacants était 8,1 % plus élevé que la moyenne antérieure à la pandémie (4,9 %), mais moins élevé que le sommet de 13,4 % atteint en 2021. Au cours des deux dernières années, le taux horaire moyen offert a augmenté, passant de 14,75 $ à 16,45 $, ce qui représente une augmentation de 11,5 %.

x.com/Graeme_Crosbie
Graeme Crosbie

Économiste principal

Graeme Crosbie est économiste principal à FAC. Ses domaines d’intérêt portent notamment sur l’analyse et les perspectives macroéconomiques et sur l’analyse et la surveillance de l’industrie agroalimentaire canadienne. Ayant grandi sur une ferme laitière dans le sud de la Saskatchewan, il formule à l’occasion des observations sur la santé de l’industrie laitière du Canada.

Graeme est employé à FAC depuis 2013 et a consacré la plus grande partie de ces années à la gestion du risque. Il détient une maîtrise en gestion avec spécialisation en économie financière de l’Université de Cardiff ainsi que le titre d’analyste financier agréé (CFA).