Mise à jour des perspectives de 2023 pour le secteur des céréales, des oléagineux et des légumineuses : forte rentabilité malgré la chute des prix des cultures
Voici la première mise à jour trimestrielle de nos perspectives de 2023 pour les principales cultures publiées en janvier. Au cours des deux prochaines semaines, nous mettrons à jour nos perspectives pour le secteur laitier et les secteurs bovin et porcin.
Alors que nous venons de passer la moitié de l’année commerciale (AC) 2022‑2023 pour les cultures commerciales du Canada, les prix mondiaux et les prix à terme se sont affaiblis, faisant fléchir la plupart des prix projetés depuis nos perspectives de janvier. Les prix offerts pour le blé dur ont également chuté.
Tableau 1 : Les prix ($/tonne) ont fléchi depuis janvier, comme nous nous y attendions
Toutefois, en raison d’un changement à la méthodologie que nous employons, les estimations et les prévisions contenues dans les perspectives publiées précédemment ne sont pas directement comparables aux données présentées pour avril (tableau 1). En comparant les données, il semble que les prix aient augmenté depuis janvier, ce qui n’est généralement pas le cas. Nos projections de prix précédentes portaient sur des endroits précis (p. ex., l’orge à Lethbridge), tandis que notre nouvelle méthodologie établit un prix moyen par province. Cette nouvelle façon de présenter l’information différera aussi des projections d’Agriculture et Agroalimentaire Canada.
Malgré la baisse des prix, les Services économiques FAC prévoient que les cultures produites dans l’Est (blé d’hiver, maïs et soya) demeureront rentables tout au long de la période de prévision. Toutefois, les marges par acre diminueront considérablement d’une année sur l’autre et seront probablement inférieures à la moyenne sur cinq ans. Cette moyenne a été renforcée par la rentabilité phénoménale enregistrée en 2021 et en 2022, années où les prix des produits de base atteignaient des sommets historiques et où les prix des intrants n’avaient pas encore monté en flèche.
Dans l’Ouest, les recettes attendues de l’automne renforceront la rentabilité du canola, du blé dur et des lentilles rouges, tandis que les marges des pois jaunes, de l’orge et du blé de printemps demeureront positives, mais plus près du seuil de rentabilité. En 2023, les marges d’une année sur l’autre diminueront, mais seulement par rapport aux sommets historiques des trois dernières années, et elles demeureront nettement supérieures à la moyenne sur cinq ans.
En janvier, nous avons déterminé que les faibles niveaux de stocks mondiaux et les coûts élevés des intrants étaient des facteurs à surveiller en 2023.
Les ratios stocks-utilisation demeurent sous pression
La production mondiale de blé est en augmentation depuis 2018‑2019, mais elle a été surpassée par la croissance de la demande, ce qui a exercé des pressions sur le ratio stocks‑utilisation du blé jusqu’en avril (figure 1). Et bien que la production mondiale de céréales secondaires ait plus augmenté d’une année sur l’autre que l’utilisation en 2021‑2022, la guerre en Ukraine et les conditions de sécheresse enregistrées ailleurs ont limité la production en 2022‑2023, de sorte que celle‑ci a diminué davantage que l’utilisation d’une année sur l’autre. Résultat : les ratios stocks‑utilisation de ces deux produits à l’échelle mondiale demeurent les plus bas des six dernières années, et n’ont pas encore inversé la tendance à la baisse comme nous l’avions avancé – mais leur chute semble avoir ralenti. Un éventuel raffermissement du ratio indiquera que les prix des produits sont sous pression.
Figure 1 : La demande mondiale vigoureuse de cultures agricoles fait chuter les ratios; les ratios aux États‑Unis sont touchés par les pertes de production subies en 2021‑2022 et en 2022‑2023
Source : WASDE
Une forte diminution de la production de blé d’une année sur l’autre durant l’année commerciale 2021-2022 aux États-Unis a contribué à accélérer la baisse du ratio stocks-utilisation du blé, l’utilisation n’ayant pas diminué dans la même mesure. La baisse du ratio pour l’année en cours n’a pas ralenti jusqu’à présent. Le ratio des céréales secondaires aux États-Unis a chuté à son niveau le plus bas durant l’année commerciale 2020‑2021. Cependant, il s’est redressé depuis grâce à une excellente croissance de la production d’une année sur l’autre en 2021-2022 et à la baisse de l’utilisation en 2022-2023.
Une grande incertitude plane quant au renouvellement par la Russie de l’accord sur l’Initiative de la mer Noire, négocié par l’Organisation des Nations Unies pour faciliter le mouvement des céréales et d’autres produits de base en provenance de l’Ukraine en ce début du printemps. Des discussions récentes avec Moscou ont assombri l’espoir que l’accord, qui arrive à échéance le 18 mai, soit reconduit [en anglais seulement]. Les marchés internationaux sont toutefois au courant des impacts de la sécheresse historique qui sévit en Argentine. Selon les estimations formulées à la mi-avril, la production de soya de l’Argentine s’établirait à 23 millions de tonnes, une diminution de 53 % par rapport aux projections initiales, et sa production de maïs s’établirait à 32 millions de tonnes, soit 40 % de moins que prévu initialement. Les marchés internationaux du soya demeurent très tendus.
Les prix des engrais devraient reculer après avoir atteint des sommets anormaux
Les prix des engrais aux États‑Unis ont dégringolé rapidement ces derniers mois. En Europe, les prix du gaz naturel (principale matière première utilisée dans la fabrication d’engrais azoté) correspondent à nouveau aux tendances historiques après l’augmentation des stocks l’automne dernier et un hiver doux tombé à point nommé. La capacité de production d’engrais en Europe, qui a été interrompue pendant la crise des prix, s’est rétablie à la faveur de la baisse des prix du gaz naturel.
Dans un contexte où l’ensemble des prix des produits de base ont aussi baissé, nous avons examiné les écarts relatifs entre les variations des prix des cultures et ceux des engrais (c.‑à‑d. un rapport entre les prix des cultures et ceux des engrais) pour avoir une idée approximative de l’accessibilité des engrais par culture. Un ratio élevé indique que les engrais sont plus abordables. Les pics importants observés en 2021 illustrent l’impact de la sécheresse qui a fait bondir les prix des cultures cette année-là. L’effondrement subséquent du ratio reflète l’impact de la hausse rapide des prix des engrais.
Les Services économiques FAC prévoient des baisses soutenues des prix des engrais et des produits de base tout au long de 2023 (tableau 2). Toutefois, étant donné que les prix des produits de base ne diminueront pas autant que ceux des engrais, nous entrevoyons une amélioration du rapport entre les prix des cultures et ceux des engrais au cours de 2023. Les prix de l’azote pourraient diminuer encore plus en juin/juillet si deux millions d’acres de maïs ne sont pas ensemencés ce printemps dans les régions déterminantes aux États‑Unis, selon le rapport de l’USDA du 31 mars concernant les superficies ensemencées. À l’inverse, les producteurs qui ont acheté leur engrais de cette année à l’automne 2022 (à prix élevés), mais qui n’ont pas vendu leurs cultures quand les prix des produits de base étaient élevés risquent de contribuer à une détérioration encore plus grande du ratio.
Tableau 2 : Les prix des intrants agricoles diminueront en 2023 grâce au rétablissement de l’équilibre entre l’offre et la demande
En conclusion
La baisse prévue des prix des produits de base en 2023 se traduira par une diminution des marges. La bonne nouvelle est que les marges ne diminueront que par rapport aux sommets des deux ou trois dernières années et qu’elles demeureront positives tout au long de la période de prévision. Deux facteurs importants contribueront à compenser la baisse des prix des cultures : l’équilibre qui demeure serré entre l’offre et la demande à l’échelle mondiale, et le ralentissement marqué de la croissance des prix des intrants agricoles.
Rédactrice économique
Membre de l’équipe des Services économiques depuis 2013, Martha Roberts est une spécialiste en recherche qui étudie les risques et les facteurs de réussite pour les producteurs agricoles et les agroentreprises. Martha compte 25 années d’expérience dans la réalisation de recherches qualitatives et quantitatives et la communication des résultats aux spécialistes de l’industrie. Elle est titulaire d’une maîtrise en sociologie de l’Université Queen’s à Kingston, en Ontario, et d’une maîtrise en beaux-arts en écriture non fictive de l’Université de King’s College.