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Perspectives de 2023 pour le secteur des céréales, des oléagineux et des légumineuses

25 janv. 2023
11 min de lecture

L’équipe des Services économiques FAC vous aide à comprendre les principales tendances et enjeux économiques susceptibles d’avoir une incidence sur votre exploitation en 2023. Les principales tendances à surveiller pour les exploitations de céréales, d’oléagineux et de légumineuses sont les suivantes :

  • l’équilibre serré entre l’offre et la demande mondiales qui pourrait être sur le point de se relâcher

  • les prix moyens des engrais qui fracassent des records

La meilleure façon de décrire l’année de commercialisation (AC) 2022-2023 au Canada serait de parler d’une importante remontée de la production par rapport aux récoltes de 2021 qui ont souffert de la sécheresse qui sévissait alors. C’était une bonne année pour ceux qui avaient plus de récoltes à vendre, alors que les prix des produits de base continuaient à augmenter et que les conditions d’aridité extrême affligeaient plusieurs des plus grands concurrents du Canada. Les revenus agricoles ont affiché une hausse marquée en glissement annuel, hausse qui était nécessaire pour suivre les prix des intrants qui semblaient ne connaître aucune limite.

Les prix de la plupart des principales grandes cultures sont déjà redescendus des sommets atteints en 2022, mais ils demeurent bien supérieurs à leurs moyennes respectives sur cinq ans (tableau 1). Au cours de l’année de commercialisation 2022-2023, seuls les prix du maïs et du soya devraient continuer à augmenter par rapport aux niveaux de 2021-2022. Les prix de toutes les cultures à l’exception de l’orge fourragère augmenteront par rapport au cumul à ce jour, avant de chuter avec la récolte de 2023. Malgré cette baisse, ils demeureront supérieurs à la plus récente moyenne sur cinq ans.

Tableau 1 : En 2023, les prix ($/tonne) seront inférieurs à ceux de l’année dernière, mais se maintiendront à des sommets historiques

Tableau montrant le tableau 1 : En 2023, les prix ($/tonne) seront inférieurs à ceux de l’année dernière, mais se maintiendront à des sommets historiques

Sources : Statistique Canada, AAC, USDA, PDQ, CanFax, CME, MGEX et ICE Futures et calculs de FAC.

Année de commercialisation du maïs et du soya : du 1er septembre au 31 août
Année de commercialisation du blé, du canola, de l’orge, des pois et des lentilles : du 1er août au 31 juillet

La bonne nouvelle au sujet des prix des cultures est encore une fois assombrie par la hausse prévue des coûts des intrants, tout particulièrement ceux des engrais et de l’énergie. Malgré les pressions, les marges devraient se maintenir bien au-delà du seuil de rentabilité en 2023. Dans l’Est et dans l’Ouest du Canada, la rentabilité diminuera d’une année à l’autre, mais les marges dépasseront facilement leurs moyennes respectives sur cinq ans. Si l’on suppose une rotation blé-canola dans l’Ouest, les revenus prévus de 2022, desquels sont soustraits les coûts totaux, s’établissent à 95 $ l’acre et passeront à 50 $ l’acre en 2023. Les producteurs de l’Est (soya et maïs) peuvent s’attendre à des marges positives allant jusqu’à 100 $ l’acre en 2023, tandis que les marges prévues pour 2022 sont de 255 $ l’acre.

Blé

Selon le département de l’Agriculture des États-Unis (USDA), les stocks totaux de blé à l’échelle mondiale diminueront de 1 % en glissement annuel au cours de l’année de commercialisation 2022-2023. Les stocks mondiaux de fin de campagne ont reculé de 3,0 % par rapport à ceux de l’année précédente, et on prévoit une baisse de 18,3 % des stocks de fins de campagne des États-Unis comparativement à leurs niveaux de 2021-2022. Ces prévisions supposent une croissance nulle de la production mondiale et de celle des États-Unis.

Au Canada, la production de blé a augmenté de 47 % en glissement annuel (et la production de blé dur a grimpé de 79 % sur 12 mois), ce qui fait de la récolte de 2022-2023 la troisième plus importante jamais enregistrée, et la qualité du blé roux de printemps de l’Ouest canadien est supérieure à la moyenne des cinq dernières années.

L’intérêt que suscite le blé canadien sur les marchés mondiaux pourrait s’accroître cette année. On prévoit une diminution des exportations de l’Argentine en raison des conditions d’aridité extrême qui ont frappé ses champs de blé pendant sa saison de croissance. Les exportations du Canada vers l’Asie et l’Amérique du Sud devraient augmenter, tandis que les exportations des États-Unis ont diminué en raison de la vigueur du dollar et des stocks limités par la sécheresse. Selon les projections, on s'attend à ce que la valeur du dollar canadien oscille autour des 0,73 $ US, ce qui contribuerait à compenser les réductions sur les marchés mondiaux pour les stocks abondants de blé russe.

Maïs

La production de maïs de l’Amérique du Sud en 2022-2023 devrait être supérieure d’une année à l’autre, et ce, même si la chaleur et la sécheresse ont pour effet de réduire les surfaces cultivées et les rendements obtenus en Argentine et au Brésil. Cependant, la production totale de maïs à l’échelle mondiale devrait diminuer de 4,9 % en glissement annuel. Le département de l’Agriculture des États-Unis a estimé la production du pays à 349 millions de tonnes métriques, contre 383 millions de tonnes métriques un an auparavant. Il prévoit également que les stocks diminueront davantage que l’utilisation et que le prix saisonnier moyen du maïs s’établira à 6,70 $ US le boisseau.

La situation est différente au Canada, où l’on estime que la production de maïs de 2022-2023 atteindra un nouveau sommet, dépassant de 4 % son niveau de l’année dernière et de 5 % la moyenne antérieure sur cinq ans. Toutefois, même ici, nous verrons la réserve totale chuter de 14 % par rapport à son niveau record enregistré en 2021-2022 en raison du ralentissement marqué des importations de maïs sur 12 mois. Statistique Canada prévoit que les stocks de report diminueront de 13 % par rapport au sommet atteint l’an dernier, mais qu’ils demeureront légèrement supérieurs à la moyenne antérieure sur cinq ans.

Soya

Il y aura plus de soya pendant l’année de commercialisation en cours, car on estime que les stocks de fin de campagne augmenteront de 5,4 % en glissement annuel. La sécheresse ayant grandement affecté la production de maïs en Amérique du Sud a également eu des répercussions sur la production de soya de la région, surtout en Argentine. Le Brésil devrait continuer à dominer le commerce du soya à l’échelle mondiale. Aux États-Unis, la production devrait baisser de 4,2 % en glissement annuel, et les stocks de fin de campagne du pays devraient être inférieurs de près de 25 % à ceux de l’année dernière.

La production canadienne de soya a légèrement augmenté au cours de l’année de commercialisation 2022-2023 par rapport à l’année précédente. Toutefois, même si les stocks de report devraient afficher une hausse de 17,8 % en glissement annuel, ils sont de 22,2 % inférieurs à la moyenne sur cinq ans.

Canola

La sécheresse qui a sévi en 2021 a frappé le canola particulièrement durement. En 2021-2022, le ratio stock-utilisation mondial du canola était à son plus bas niveau depuis 2003-2004, alors que le ratio du Canada s’approchait du creux record enregistré en 2012-2013. La situation s’est quelque peu stabilisée pendant l’année de commercialisation en cours. Malgré des rendements plus bas que prévu en Alberta et au Manitoba, Statistique Canada estime que la production de canola de 2022-2023 est en hausse de 32,1 % en glissement annuel. Comme il fallait s’y attendre, on prévoit une augmentation de 22,6 % de l’offre totale. Une offre plus importante favorisera l’accroissement des exportations, et l’industrie de la trituration devrait fonctionner à plein régime compte tenu de la forte demande d’huile de canola. Dans ces circonstances, on prévoit une diminution de 8,6 % des stocks de report en glissement annuel.

Lentilles et pois

L’amélioration des conditions de croissance dans l’Ouest du Canada a favorisé de meilleurs rendements (68 % de plus en glissement annuel) pour les pois secs en 2022, ce qui a fait augmenter la production de 52 % au cours de l’année de commercialisation 2022-2023. Bien que l’offre soit toujours faible en raison de la mauvaise récolte de 2021, la croissance de 35 % des stocks du Canada en glissement annuel favorisera une hausse des exportations. On prévoit une demande d’exportation élevée de la part du Bangladesh et de l’Inde. Les stocks de report devraient augmenter aussi, exerçant des pressions sur les prix qui devraient diminuer tout au long de l’année de commercialisation.

La croissance des rendements a également fait augmenter de 43 % la production de lentilles, ce qui est suffisant pour accroître l’offre, mais seulement de 24 % après les modestes stocks reportés de 2021-2022. Malgré une qualité supérieure à la moyenne et une réduction des stocks de report, la récolte canadienne de lentilles enregistrera vraisemblablement des prix qui seront en moyenne inférieurs à ceux de l’année précédente au cours de l’année de commercialisation 2022-2023.

Tendances à surveiller en 2023

L’équilibre serré entre l’offre et la demande mondiales est-il sur le point de se relâcher?

Le rapport WASDE de janvier énonce clairement que les niveaux de report au 1er décembre de maïs, de soya et de blé — les plus importantes cultures commercialisées au monde — étaient moins élevés que prévu. Le maïs et le blé ont tous deux diminué de 7 % en glissement annuel et le soya, de 4 %. Avant la publication du rapport WASDE de janvier, le marché avait des estimations plus élevées de la production pour ces trois cultures. Cette nouvelle était encourageante.

Bien que cela ait contribué à une hausse des prix au début de 2023, les prévisions montrent un allégement des pressions ressenties l’année dernière grâce à la stabilisation ou au renversement de la plupart des tendances relatives aux ratios stocks-utilisation (figure 1). Si les rendements sont positifs en 2023, l’équilibre entre l’offre et la demande devrait se rapprocher davantage des tendances historiques, ce qui explique en grande partie certaines baisses de prix.

Figure 1 : Les ratios stocks-utilisation des cultures affichent une baisse et laissent espérer un allégement des pressions après 2022-2023

Graphique montrant le Figure 1 : Les ratios stocks-utilisation des cultures affichent une baisse et laissent espérer un allégement des pressions après 2022-2023

Source : Rapport WASDE de l’USDA

Cependant, la disponibilité de la production s’accompagne de contraintes. Toute nouvelle interruption de la chaîne d’approvisionnement, en particulier dans la région de la mer Noire, menace ces perspectives, tout comme d’autres dommages infligés par dame nature aux cultures de l’Amérique du Sud et de l’Europe. Par ailleurs, puisque la croissance économique mondiale est affaiblie, la demande de produits de base est susceptible de s’affaisser un peu partout, ou dans des régions clés, ce qui aurait pour effet de resserrer davantage l’équilibre entre l’offre et la demande et d’exercer des pressions baissières sur les prix. La demande en provenance de la Chine est imprévisible, car le pays adapte ses politiques sur la COVID-19 et son activité économique demeure incertaine.

Pressions inflationnistes sur les engrais

Après trois ans à encaisser de graves chocs d’offre et des hausses de prix spectaculaires, les marchés des engrais sont toujours déstabilisés. Partout en Europe, les prix vont demeurer volatils, ce qui limitera encore plus la production d’engrais de l’Union européene (UE). Les prix européens du gaz naturel établiront le seuil pour les prix de l’ammoniac et d’autres engrais à l’échelle mondiale en 2023.

Au Canada, les prix moyens des quatre types d’engrais sont en voie de fracasser les records d’augmentation de l’année dernière (tableau 2). Cela peut être lié directement aux stocks restreints de distillats qui ralentissent la production. Les stocks de distillat des États-Unis (par exemple, le diesel et le mazout de chauffage) ont diminué en septembre, octobre et novembre 2022, atteignant ainsi des niveaux jamais vus depuis les années 1950 et faisant considérablement augmenter les prix du diesel. Les stocks mondiaux se resserreront vraisemblablement davantage lorsque les embargos de l’UE sur les importations de diesel russe entreront en vigueur en février 2023.

Tableau 2 : Les prix moyens des engrais ($/tonne) devraient dépasser le sommet atteint l’an dernier

Tableau montrant le tableau 2 : Les prix moyens des engrais ($/tonne) vont fracasser le record de l’année dernière

Sources : Alberta Farm Inputs, Banque mondiale, calculs de FAC.

En conclusion

Bien que les prix actuels soient le reflet de l’équilibre serré qui se maintient entre l’offre et la demande pour de nombreuses cultures principales, nous prévoyons leur diminution au cours de l’année. Cette diminution est presque certaine si la production en 2023 se tient proche des tendances historiques et s’il n’y a pas de brusques variations de la demande. Mais, tandis que les prix des cultures s’affaibliront pendant le deuxième semestre de la campagne agricole 2022-2023, les prix des intrants, eux, ne diminueront peut-être pas autant par rapport à leurs sommets. Dans un tel scénario, ce sont les résultats nets des producteurs qui seront directement touchés, d’où la nécessité d’adopter des stratégies d’atténuation des risques bien planifiées.

Consultez notre blogue pour y lire les mises à jour des perspectives de 2023 pour les secteurs des céréales, oléagineux et légumineuses, des bovins et porcs, des produits laitiers et de la transformation des aliments. Surveillez aussi la parution d’une analyse approfondie et de projections quant aux taux d’intérêt, aux devises et au PIB au début mars.

Martha Roberts

Rédactrice économique

Membre de l’équipe des Services économiques depuis 2013, Martha Roberts est une spécialiste en recherche qui étudie les risques et les facteurs de réussite pour les producteurs agricoles et les agroentreprises. Martha compte 25 années d’expérience dans la réalisation de recherches qualitatives et quantitatives et la communication des résultats aux spécialistes de l’industrie. Elle est titulaire d’une maîtrise en sociologie de l’Université Queen’s à Kingston, en Ontario, et d’une maîtrise en beaux-arts en écriture non fictive de l’Université de King’s College.