Mise à jour des perspectives 2022 pour le secteur laitier : la baisse des prix mondiaux menace la rentabilité
Il s’agit de la dernière mise à jour trimestrielle de nos perspectives 2022 pour le secteur laitier du Canada, publiées en janvier. La semaine dernière, nous avons mis à jour nos perspectives pour le secteur des céréales, des oléagineux et des légumineuses. La semaine prochaine, nous mettrons à jour les perspectives pour les secteurs bovin et porcin.
Les prix mondiaux des produits agricoles de base ont chuté par rapport aux sommets atteints plus tôt cette année, ce qui a réduit le coût des aliments pour animaux pour les producteurs laitiers. Toutefois, les prix des produits laitiers ont également diminué sur le marché mondial. Depuis le sommet atteint au deuxième trimestre, les prix mondiaux du lait écrémé en poudre ont chuté d’environ 10 %. Cette donnée revêt de l’importance, car bien que le Canada fonctionne selon un système de gestion de l’offre, les prix à la production dépendent, dans une certaine mesure, des prix mondiaux. La bonne nouvelle, c’est que la baisse du huard par rapport au billet vert en a atténué les impacts.
Le tableau 1 résume les données sur les revenus et les coûts pour 2020 et 2021, ainsi que nos dernières prévisions pour 2022. Depuis la mise à jour de nos perspectives de mai, nous avons revu à la hausse nos estimations de revenus bruts pour le P5 (provinces de l’Est), mais légèrement à la baisse celles concernant les producteurs assujettis à la Mise en commun du lait de l’Ouest (MCLO). Les dernières estimations de coûts pour le P5 tiennent compte des données les plus récentes de la Commission canadienne du lait, ce qui contribue à réduire les coûts estimés. Pour la MCLO, les estimations de coûts sont basées sur l’Enquête sur les coûts de production laitière en Alberta [en anglais seulement]. Nous prévoyons une baisse du coût des aliments et d’autres coûts variables pour les producteurs assujettis à la MCLO. Le tableau ne comprend pas les prévisions relatives aux dépenses en immobilisations, mais nous constatons que les taux d’intérêt ont augmenté tout au long de l’année et qu’il est attendu que cette tendance se poursuive.
Tableau 1 : Estimations des revenus et des coûts des exploitations laitières ($/hl)
Le P5 a annoncé une augmentation de 2 % du quota de production à compter du 1er octobre, en raison des faibles stocks de beurre attendus pour la fin de 2022 et tout au long de 2023. La MCLO n’a pas annoncé d’augmentation du quota de production.
Une augmentation de 2,5 % du prix du lait à la production a pris effet le 1er septembre. La Commission canadienne du lait (CCL) proposera bientôt un rajustement de prix qui prendra effet le 1er février 2023. L’augmentation qui a eu lieu en septembre sera déduite du rajustement de février. La CCL rajuste le prix à la production de la même façon, en tenant compte de l’évolution des coûts de production et de l’inflation, qui ont augmenté respectivement de 2,2 % et 7,0 % (août 2022).
Tendances à surveiller au cours du dernier trimestre de 2022
1. Coûts de production
L’enquête sur les coûts de production indexés de la CCL montre que ces coûts ont augmenté de 2,2 % entre l’été 2021 et l’été 2022. En comparant les mois d’août de 2021 et de 2022, l’enquête constate des augmentations notables des coûts du transport, de l’énergie et des intérêts payés, ainsi que des baisses des coûts directs de la main-d’œuvre et du travail à forfait.
Nous nous attendons à ce que les prix des céréales restent inférieurs à leurs sommets de 2022, mais bien au-dessus de leurs moyennes quinquennales dans les mois à venir. Dans l’Est, les prix du maïs de la récolte de 2022-2023 devraient légèrement dépasser ceux de la récolte de 2021-2022. Dans l’Ouest, les prix de l’orge fourragère accuseront une baisse substantielle pour la récolte de 2022-2023 par rapport à la récolte de 2021-2022.
Les prix de l’essence et du diesel ont continué à baisser, mais il n’est pas certain que cette tendance se poursuive compte tenu de l’environnement géopolitique. Les prix des engrais devraient augmenter, mais à un rythme moins soutenu que l’année dernière. Les salaires continueront à augmenter en raison des pénuries de main-d’œuvre et du taux élevé de l’inflation. À long terme, nous prévoyons que le marché de la main-d’œuvre demeurera tendu.
2. La demande pour les produits laitiers restera forte malgré le resserrement financier
Compte tenu des salaires qui augmentent moins vite que l’inflation, des prix de l’immobilier qui diminuent et des marchés boursiers en baisse, les ménages voient leur sécurité financière affaiblie. Cela peut influer sur la demande de lait et de produits laitiers, mais les données probantes [en anglais seulement] montrent que les produits laitiers sont des biens de première nécessité et que leur consommation n’est pas grandement touchée par le revenu.
Les données du mois d’août sur l’inflation montrent que les prix du beurre canadien ont augmenté de 16,9 % d’une année sur l’autre, comparativement à 6,3 % pour le fromage, 7,9 % pour le lait frais et 7,0 % pour les produits laitiers. Étant donné que la demande de produits laitiers n’est pas sensible aux prix et que les prix des produits concurrents à base de protéines ont également augmenté, la hausse des prix des produits laitiers pourrait ne pas avoir d’impact considérable sur leur consommation.
À l’échelle mondiale, certains signes indiquent que la demande de produits laitiers pourrait s’être affaiblie. En effet, comme nous l’avons mentionné au début, les prix du lait écrémé en poudre ont chuté de plus de 10 % par rapport aux sommets qu’ils avaient atteints plus tôt dans l’année. Nous pouvons signaler quelques facteurs contributifs, notamment la diminution des importations de produits laitiers par la Chine et une baisse générale des prix des produits agricoles. Le ralentissement prévu de la croissance économique mondiale pourrait également jouer un rôle.
3. Les importations de produits laitiers des États-Unis devraient diminuer, contrairement à celles en provenance de l’Europe, qui devraient augmenter
La croissance de la valeur des importations de produits laitiers se poursuit, mais comme nous l’avons mentionné dans la mise à jour précédente, elle reflète largement l’inflation des prix. Jusqu’à présent, en 2022, le volume total des importations de produits laitiers relevant du chapitre 04 du SH est comparable à celui de 2021. Toutefois, la composition des importations en glissement annuel comprend davantage de produits relevant des chapitres 0403 (comprenant le babeurre) et 0406 (fromage et caillebotte) du SH, et moins de produits relevant du chapitre 0401 (lait et crème, non concentrés) du SH.
Le dollar canadien a accusé un recul d’environ 7 % par rapport au dollar américain depuis le début de l’année. Cela a pour effet de rendre les produits laitiers américains moins compétitifs sur le marché canadien, ce qui réduit donc nos importations. Par rapport aux autres devises, le huard s’est bien comporté, gagnant plus de 7 % par rapport à l’euro, 14 % par rapport à la livre sterling et 11 % par rapport au dollar néo-zélandais. Cela laisse présager une augmentation des importations de fromage provenant de l’Europe et de beurre provenant de la Nouvelle-Zélande.
4. Conditions macroéconomiques
Le taux d’inflation a atteint 7 % en août, en baisse par rapport aux mois précédents grâce à la baisse des prix de l’énergie. La Banque du Canada a augmenté son taux de financement à un jour de 3 % en 2022. L’inflation étant toujours présente, nous nous attendons à ce que la Banque du Canada augmente à nouveau son taux de financement à un jour de 0,75 % d’ici la fin de l’année.
Pour de plus amples renseignements sur l’environnement macroéconomique, consultez notre mise à jour sur les marchés économiques et financiers du 6 décembre.
Article par: Sébastien Pouliot, Économiste supérieur