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Mise à jour des perspectives de 2023 pour le secteur laitier

2 mai 2023
6,5 min de lecture

Voici la première de trois mises à jour trimestrielles de nos perspectives de 2023 pour le secteur laitier que nous avons publiées en janvier. La semaine dernière, nous avons mis à jour nos perspectives pour le secteur des céréales, des oléagineux et des légumineuses et la semaine prochaine nous mettrons à jour les perspectives pour les secteurs bovin et porcin.  

La hausse de 2,2 % du prix de soutien du beurre qui avait été précédemment annoncée est entrée en vigueur le 1er février. Dans les perspectives, nos prévisions de revenus bruts tenaient compte de cette augmentation, pourtant, ces prévisions ont sous-estimé les prix moyens réels des matières grasses pour les trois premiers mois de l’année. Il y a deux raisons à cela. La première est qu’au cours des deux premiers mois de l’année, la teneur en matière grasse du lait de la Mise en commun du lait de l’Ouest (MCLO) était grandement supérieure à la tendance des cinq dernières années (figure 1). Dans l’Est (P5), la teneur en matière grasse est demeurée stable et inférieure à la tendance. Toutefois, les producteurs faisant partie du P5 ont profité des changements observés dans le panier de produits laitiers achetés par les consommateurs, dont nous ne tenons pas compte dans nos modèles. Une répartition accrue du lait dans des classes assorties de prix plus élevés pour les matières grasses fera augmenter le prix moyen.

Figure 1 : La teneur en matière grasse du lait de la MCLO est anormalement élevée au début de 2023

Teneur moyenne en matière grasse pour janvier et février de chaque année

Figure 1 montrant la teneur en matière grasse du lait de la MCLO est anormalement élevée au début de 2023

Source : Agriculture et Agroalimentaire Canada

Le tableau 1 résume les données sur les revenus et les coûts variables de 2020 à 2022, ainsi que nos plus récentes prévisions pour 2023 (il convient de noter que nous n’y incluons pas les coûts en capital et les coûts de main-d’œuvre des producteurs, car ils varient considérablement d’une exploitation à l’autre). Nos prévisions de revenus mises à jour montrent une augmentation de 1,18 $ par hectolitre pour les producteurs assujettis à la MCLO et de 0,74 $ par hectolitre pour les producteurs du P5, par rapport à nos estimations publiées en janvier. Les bénéfices nets après soustraction des coûts de financement demeurent très minces.

Tableau 1 : Estimations concernant les revenus et les coûts variables des exploitations laitières

Tableau 1 montrant l’estimations concernant les revenus et les coûts variables des exploitations laitières

Sources : Calculs effectués par FAC à partir des estimations des coûts de production de la Commission canadienne du lait et du gouvernement de l’Alberta et des données des Dairy Farmers of Ontario, des Producteurs de lait du Québec, d’Alberta Milk, de Statistique Canada et de l’USDA.
*Les revenus bruts sont basés sur des données fournies par des groupes de producteurs, qui diffèrent des données utilisées par Statistique Canada pour le calcul des recettes du secteur laitier.
**Comme les calculs utilisent des définitions différentes des catégories de coûts pour le P5 et la MCLO, les valeurs ne sont pas directement comparables.

Tendances à surveiller en 2023

En janvier, nous avons cerné les facteurs d’influence ci-dessous qui seront à surveiller en 2023.

1. Coûts élevés des intrants

Les coûts des intrants se sont stabilisés – nous ne nous attendons pas à ce qu’ils diminuent, mais ils n’augmentent plus.

Nos prévisions concernant les coûts des aliments pour animaux pour 2023 n’ont pas changé depuis janvier. Les contrats à terme visant les nouvelles récoltes de maïs laissent entrevoir un certain répit à la fin de l’année, mais un dollar canadien plus faible permettra d’établir un prix plancher pour le maïs cet automne. Il convient de noter que les estimations des coûts des aliments pour animaux sont des coûts d’opportunité, ce qui signifie que les exploitations agricoles qui sont en mesure de cultiver les aliments qu’elles donnent à leurs animaux peuvent le faire à un coût moindre.

Les prix des engrais sont en baisse et nous prévoyons qu’ils continueront de diminuer en 2023, mais les engrais représentent une partie minime des coûts totaux des producteurs laitiers. Puisque la Banque du Canada semble peu susceptible de modifier le taux de financement à un jour cette année, les coûts d’intérêt devraient demeurer un élément important à surveiller dans l’état des résultats.

2. Niveaux des stocks de beurre

Les stocks de beurre continuent de suivre une tendance à la baisse cette année. Depuis le début de l’année, ils poursuivent la même trajectoire qu’en 2022. Selon les plus récentes estimations de la CCL, les stocks de beurre devraient se situer entre 21 500 et 27 000 tonnes en décembre 2023. Dans l'éventualité où ils se situeraient à la limite inférieure de cette estimation en décembre 2023, ils seraient alors légèrement supérieurs à leurs niveaux de décembre 2022.

Figure 2 : Les stocks de beurre encore en baisse

Figure 2 montrant les stocks de beurre encore en baisse

Source : Tableau 32-10-0001 de Statistique Canada

Ni les quotas ni les jours d’incitatifs n’ont changé dans la MCLO ou dans le P5 depuis la publication de nos perspectives en janvier. Sept jours d’incitatifs sont toujours prévus dans le P5 pour le reste de l’année, et aucun dans la MCLO. Les quotas n’ont ni augmenté, ni diminué.

3. Importations de produits laitiers

Aux États-Unis, les prix du lait demeurent élevés depuis le début de la présente année laitière et, à l’exception du beurre, ces prix élevés semblent avoir limité l’attrait d’importer des produits laitiers. Par exemple, au cours des huit premiers mois de l’année laitière, seulement 2 % des volumes d’importation de lait négociés en vertu de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) ont été atteints. Les prix à terme du lait ont diminué aux États-Unis par rapport à leurs niveaux d’il y a trois mois. Nous allons donc surveiller si cette baisse a des répercussions sur les taux d’atteinte du lait pour le reste de l’année laitière et le début de l’exercice 2023-2024.

4. Inflation des prix de détail

Selon les données fournies par l’Association des transformateurs laitiers du Canada (ATLC), au cours de la période de 12 mois qui s’est terminée en décembre 2022, la demande de fromage, de yogourt et de lait liquide a diminué (-0,7 %, -0,7 % et -2,1 % respectivement). La demande a augmenté légèrement (+0,2 %) pour ce qui est du beurre et de façon constante (+1,7 %) dans le cas de la crème.

Cependant, ces données correspondent à une période antérieure à l’entrée en vigueur du prix de soutien du beurre, le 1er février. Comme nous l’avons indiqué auparavant, les hausses du prix de soutien du beurre ne se traduisent pas par des augmentations équivalentes et immédiates des prix de détail des produits laitiers. Par contre, elles ont bel et bien un effet sur ces derniers.

Si nous jetons un coup d’œil aux données sur l’inflation de Statistique Canada pour le mois de mars, nous constatons que l’inflation des prix des produits laitiers est comparable à celle des autres catégories d’aliments. Le bœuf, le fromage et le porc figurent parmi les catégories d’aliments qui affichent les plus faibles taux d’inflation au mois de mars. La catégorie des produits de boulangerie-pâtisserie est intéressante, car les prix des ingrédients laitiers destinés aux boulangeries et aux pâtisseries industrielles sont fondés sur les prix pratiqués aux États-Unis. Cela illustre, du moins en partie, la solidité des prix des produits laitiers en vigueur chez nos voisins du Sud depuis quelques mois.

Figure 3 : L’inflation des prix des aliments est toujours élevée dans toutes les catégories d’aliments

Figure 3 montrant l’inflation des prix des aliments est toujours élevée dans toutes les catégories d’aliments

Source : Tableau 18-10-0004 de Statistique Canada

En conclusion

Les perspectives pour le secteur laitier ont peu changé depuis janvier. Les revenus ont légèrement augmenté grâce à une production accrue de matière grasse dans la MCLO et à une modification de la répartition du lait dans différentes classes, dont ont profité les producteurs du P5. Pourtant, les coûts des intrants — en particulier ceux des aliments pour animaux — vont demeurer élevés pendant la majeure partie de 2023.

x.com/Graeme_Crosbie
Graeme Crosbie

Économiste principal

Graeme Crosbie est économiste principal à FAC. Ses domaines d’intérêt portent notamment sur l’analyse et les perspectives macroéconomiques et sur l’analyse et la surveillance de l’industrie agroalimentaire canadienne. Ayant grandi sur une ferme laitière dans le sud de la Saskatchewan, il formule à l’occasion des observations sur la santé de l’industrie laitière du Canada.

Graeme est employé à FAC depuis 2013 et a consacré la plus grande partie de ces années à la gestion du risque. Il détient une maîtrise en gestion avec spécialisation en économie financière de l’Université de Cardiff ainsi que le titre d’analyste financier agréé (CFA).