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Mise à jour des perspectives du secteur laitier en 2024 : une année charnière pour les producteurs

9 oct. 2024
7 min de lecture

Cette année, l’industrie laitière a connu une série d’événements positifs, ce qui offre un répit bienvenu aux producteurs qui ont récemment traversé plusieurs années plus difficiles que la normale. Bref, l’industrie fait preuve aujourd’hui d’un optimisme qu’elle n’avait pas connu depuis un certain temps. 

Nos estimations des marges brutes pour le P5 (Est du Canada) et la MCLO (Ouest du Canada) ont monté depuis nos prévisions initiales de février (tableau 1), essentiellement en raison du coût des aliments pour animaux moins élevé que prévu, qui s’explique par des conditions météorologiques favorables et une forte production au sud de la frontière.  

Tableau 1 : Variations par rapport aux estimations des marges brutes moyennes du secteur laitier ($/hl), 2024*

Tableau montrant l’évolution des estimations de marge brute depuis le mois de février.

*Comme les calculs reposent sur des définitions différentes des catégories de coûts pour le P5 et la MCLO, les valeurs ne sont pas directement comparables.

**Le revenu découle principalement du prix du lait, mais il comprend également les ventes nettes de bétail, les rajustements de stocks et les recettes diverses.

***La marge brute est le revenu total moins les coûts variables totaux et l’alimentation animale. Les coûts fixes et la rémunération pour la gestion sont exclus du calcul. Nous n’avons pas inclus les coûts fixes, car ils varient considérablement d’une exploitation à l’autre.

Sources : Statistique Canada, Commission canadienne du lait, gouvernement de l’Alberta, Services économiques FAC

La demande pour les produits laitiers grimpe

Dans les perspectives de février, nous avons souligné les raisons pour lesquelles nous pensions que plusieurs journées d’incitatifs seraient probablement annoncées en 2024, ce qui a été le cas. Dans le P5, onze journées d’incitatifs ont été accordées (ou sont actuellement prévues) cette année. Même les producteurs biologiques du P5 qui, selon nos calculs, n’ont pas eu de journées d’incitatifs depuis décembre 2022, ont reçu huit journées d’incitatifs cet automne. Les producteurs du P5 ont bénéficié d’une augmentation de quota de 1 % le 1er septembre. Dans la MCLO, sept journées d’incitatifs ont été annoncées pour l’année, en plus d’une hausse de quota de 2 % qui est entrée en vigueur le 1er septembre. Ces augmentations de quota s’ajoutent à celles qui ont eu lieu en février de cette année.

Ces mesures visant à augmenter la production sont le résultat de la forte demande des consommateurs (tableau 2). Comme nous l’indiquons dans les perspectives du secteur de la fabrication de produits laitiers, nous prévoyons une forte croissance de la production de produits laitiers cette année, et les ventes à ce jour sont vigoureuses. En effet, si l’on tient compte de l’inflation, les ventes de produits laitiers du Canada sont en voie d’atteindre leur niveau le plus élevé depuis plus d’une décennie. La consommation de tous les principaux types de produits laitiers est en hausse depuis le début de l’année, surtout le fromage et le beurre. 

Tableau 2 : Variations de la consommation par produit, 2024 et 2023, depuis le début de l’année*

Un tableau montrant les changements dans la consommation de certains produits laitiers jusqu'à présent en 2024.

*De janvier à juillet de chaque année. L’unité de mesure pour le lait et la crème est le million de litres. Tous les autres produits sont mesurés en tonnes.

Sources : CDC, Services économiques FAC

Cette hausse est attribuable en grande partie à la croissance démographique, mais l’augmentation de la consommation par habitant stimule également la demande. Si l’on adopte une perspective plus large, on constate que la consommation par personne de beurre (33 %) et de fromage (15 %) est en progression depuis 2000, tandis que l’utilisation par habitant de lait de consommation est en baisse (‑37 %) (figure 1).

Figure 1 : Variations de la consommation par habitant* de certains produits laitiers, de 2000 à 2023

Graphique montrant l’augmentation de la consommation par habitant de beurre et de fromage ainsi que la diminution de la consommation de lait, depuis 2000.

*La consommation est considérée ici comme la quantité de nourriture disponible à la consommation au détail.

Sources : Statistique Canada, Services économiques FAC

Les stocks de beurre demeurent faibles à l’approche de l’automne, période pendant laquelle les stocks sont habituellement réduits pour répondre à la demande saisonnière (par exemple, les pâtisseries des fêtes). Il ne serait pas étonnant que d’autres annonces d’augmentation de production soient faites au cours des prochains mois.

Les importations ne sont pas susceptibles (ou pas en mesure) de répondre à la demande croissante

Cette demande supplémentaire sera probablement satisfaite par un accroissement de la production nationale plutôt que par d’autres importations, étant donné que certaines limites négociées sur les produits étrangers sont maintenant plafonnées et qu’il y a très peu de place pour une hausse des importations.

Les importations de fromage dans le cadre de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AECG) sont désormais plafonnées et, l’année dernière, seulement 8 % (1 400 tonnes métriques) des contingents tarifaires alloués pour le fromage n’ont pas été utilisés. Aussi, bien qu’il y ait encore la possibilité d’importer 1 400 tonnes supplémentaires de fromage d’Europe, cela ne représente qu’environ 0,2 % de la consommation annuelle de fromage au Canada.

Les importations de beurre dans le cadre de l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) ont utilisé 99 % des contingents tarifaires l’an dernier. Toutefois, comme la période de mise en œuvre accélérée de cet accord commercial a pris fin, les plafonds d’importation en franchise de droits n’augmenteront que très peu à partir de maintenant. Par exemple, pour l’année laitière 2024-2025, la limite de contingents tarifaires pour le beurre ne monte que de 45 tonnes métriques (1,0 %). Il est vrai qu’il pourrait y avoir plus d’importations de fromage dans le cadre du PTPGP, mais par le passé, les importations effectuées dans le cadre de cet accord ont été bien inférieures à la limite en franchise de droits, même lorsque cette limite était beaucoup plus basse qu’aujourd’hui.

Les importations de beurre et de crème dans le cadre de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) étaient plus faibles en 2023-2024 qu’en 2022-2023. Cela est probablement attribuable à la baisse de la production aux États-Unis en raison de leurs volumes élevés d’exportation vers d’autres pays.

Les pluies de printemps et d’autres facteurs apportent un certain répit et suscitent l’optimisme

Comme nous l’avons mentionné, le coût des aliments pour animaux a considérablement diminué en 2024. Le prix du maïs est en baisse parce qu’on prévoit une nouvelle année de forte production en Amérique du Nord; on estime notamment que le maïs affichera un rendement record aux États-Unis. La baisse du prix du maïs exerce également une pression à la baisse sur les prix du blé fourrager.

Dans l’Ouest, les pluies printanières abondantes ont permis d’obtenir une première coupe abondante. Même si la température sèche de juillet a réduit le rendement potentiel de la production des céréales, dans l’ensemble, l’année a apporté un certain soulagement aux producteurs qui ont eu du mal à assurer un approvisionnement en aliments pour animaux suffisant au cours des dernières années. Même si les données sont rares, les données qualitatives tirées des rapports provinciaux sur les cultures donnent des raisons d’être optimiste quant à la disponibilité des aliments pour animaux.

Il existe d’autres motifs d’optimisme que ceux évoqués ci-dessus, mais nous n’avons tout simplement pas l’espace nécessaire pour élaborer. Les prix des vaches et des veaux de réforme ont atteint des niveaux record pendant la majeure partie de l’année et, malgré une baisse récente, ils devraient continuer de bénéficier d’un bon soutien puisqu’on s’attend à une offre restreinte de bovins dans un avenir proche. Les prix du lait montent en flèche aux États-Unis depuis avril, dépassant largement les prévisions formulées par l’USDA en début d’année (rappelons qu’environ 15 % des prix combinés au Canada sont dérivés des prix américains). Par ailleurs, les taux d’intérêt ont reculé au cours des derniers mois et devraient continuer à le faire jusqu’en 2025, ce qui améliorera les flux de trésorerie.

En conclusion

Globalement, l’année 2024 a donné de meilleurs résultats que ceux que le secteur avait connus récemment. Une forte demande, une meilleure production d’aliments pour animaux et une réduction de leur coût, ainsi qu’un certain nombre d’autres facteurs en sont l’explication.

Que nous réserve la prochaine année? Nous savons que le prix du lait à la ferme est peu susceptible de connaître une hausse vu le ralentissement de l’inflation et le déclin des coûts de production (une annonce officielle concernant les prix de soutien de 2025 aura lieu au plus tard le 1er novembre). Nous vous en dirons plus prochainement – restez à l’affût des perspectives du secteur laitier pour 2025!

x.com/Graeme_Crosbie
Graeme Crosbie

Économiste principal

Graeme Crosbie est économiste principal à FAC. Ses domaines d’intérêt portent notamment sur l’analyse et les perspectives macroéconomiques et sur l’analyse et la surveillance de l’industrie agroalimentaire canadienne. Ayant grandi sur une ferme laitière dans le sud de la Saskatchewan, il formule à l’occasion des observations sur la santé de l’industrie laitière du Canada.

Graeme est employé à FAC depuis 2013 et a consacré la plus grande partie de ces années à la gestion du risque. Il détient une maîtrise en gestion avec spécialisation en économie financière de l’Université de Cardiff ainsi que le titre d’analyste financier agréé (CFA).