Perspectives de 2022 pour le secteur des céréales, des oléagineux et des légumineuses
L’équipe des Services économiques de FAC vous aide à comprendre les principales tendances et enjeux économiques susceptibles d’avoir une incidence sur votre exploitation en 2022.
Perspectives agroéconomiques de FAC pour 2022
Regardez un enregistrement du webinaire Perspectives agroéconomiques de FAC pour 2022 qui porte sur les principaux moteurs économiques et les grandes tendances à surveiller au cours de la prochaine année.
Les principales tendances à surveiller pour les exploitations de céréales, d’oléagineux et de légumineuses sont les suivantes :
Pressions inflationnistes sur les intrants de culture
Tensions géopolitiques et commerce mondial
Nous avons connu une autre année peu ordinaire en 2021. Nous avons observé une sécheresse record dans certaines régions du Canada et des États-Unis, une augmentation sans précédent des tarifs d’expédition et une hausse croissante des coûts de la plupart des cultures pour répondre à la demande mondiale, alors que les réserves ne cessent de diminuer. Au Canada, les producteurs de céréales, d’oléagineux et de légumineuses ont connu un bon rendement, la croissance des recettes monétaires agricoles atteignant 11,9 % par rapport à l’année précédente, selon les estimations. Ils ont toutefois fait face à une hausse des dépenses, car l’inflation générale des biens a grimpé de 4,4 % par rapport à l’an dernier, et les coûts des intrants agricoles ont augmenté, en moyenne, de 12,0 % pendant les trois premiers trimestres de 2021.
Les prix des produits de base continueront de stimuler les revenus tout au long des années de commercialisation (AC) 2021-2022 et 2022-2023 (tableau 1). Nous prévoyons que les prix de toutes les principales grandes cultures resteront supérieurs à leurs moyennes quinquennales, même si, à l’exception des pois jaunes, des lentilles rouges et du blé de printemps, ils devraient baisser de 5,1 % (canola) à 9,1 % (blé dur) en 2022-2023.
Tableau 1 : Prix des cultures 2021-2022 et 2022-2023 ($/tonne) bien supérieurs à la moyenne quinquennale (2016-2017 à 2020-2021)
L’offre mondiale des principales cultures a augmenté en 2021, mais nombre de ces cultures sont encore limitées. Cette situation, conjuguée à la faiblesse record de l’offre canadienne et à la persistance de la demande mondiale, devrait maintenir le niveau élevé des prix canadiens tout au long de 2022.
La rentabilité sera compromise par le coût des intrants en 2022-2023
Bien que l’on prévoie de bons revenus pour l’AC 2022-2023, la plus grande préoccupation reste la rentabilité. Déjà élevés, les coûts des intrants augmentent toujours, mais la vitesse de leur augmentation devrait diminuer. Nous prévoyons que les producteurs de toutes les grandes cultures seront rentables tout au long de l’AC, mais que les marges seront serrées pour l’orge et le blé de printemps.
Blé
L’USDA prévoit que la production de blé argentin de 2021-2022 atteindra un niveau record de 20,5 millions de tonnes métriques, soit une augmentation de 16,2 % par rapport à l’année précédente, et que l’Union européenne produira 138,9 millions de tonnes métriques, soit une augmentation de 9,4 % par rapport à l’année précédente. La Russie et l’Ukraine produiraient ensemble 108,5 millions de tonnes métriques. L’offre mondiale de blé de l’AC 2021-2022, qui devrait être comparable à celle de l’année précédente, sera encore limitée, car les stocks mondiaux de fin d’année devraient atteindre leur niveau le plus bas depuis 2016-2017. L’offre totale canadienne est encore plus restreinte, affichant une baisse de 32,1 % par rapport à l’année précédente. La bonne nouvelle, c’est que, hormis la baisse des rendements, la qualité de la récolte canadienne a été bonne. Ainsi, les revenus augmenteront, car le blé de meilleure qualité offre une prime sur les marchés d’exportation mondiaux. Il s’agit d’une bonne nouvelle pendant une année où les exportations canadiennes devraient baisser de 38,3 % par rapport à l’année précédente, pour atteindre 16,3 millions de tonnes métriques selon Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC).
Bien que toutes les estimations d’ensemencement soient susceptibles de changer dans les mois à venir lorsque davantage de données pourront entrer dans l’analyse, les prévisions préliminaires de FAC pour 2022 indiquent que la superficie ensemencée de blé dur et de blé autre que le blé dur sera légèrement plus importante que celle de l’année précédente.
Maïs
Les stocks d’aliments pour animaux de l’Ouest étant insuffisants pour l’AC 2021-2022, les projections d’AAC montrent une augmentation de près de 50 % des importations de maïs, principalement vers l’Ouest, par rapport à l’année précédente. Ces importations ont fait grimper l’offre totale de l’AC 2021-2022 à 19,2 millions de tonnes métriques, record qui s’ajoute à celui des rendements et de la production de maïs de l’Est du Canada. Les stocks de report devraient diminuer légèrement par rapport à l’année précédente, car l’utilisation intérieure des aliments pour animaux et les exportations augmentent. On s’attend actuellement à ce que les prix du maïs de Chatham soient extrêmement élevés tout au long de l’AC.
Les prix du maïs devraient être supérieurs à la moyenne en 2022-2023, mais la superficie ensemencée de maïs en 2022 devrait diminuer en raison des prix élevés de l’engrais et des pressions concurrentielles des cultures à prix très élevés.
Soya
L’offre canadienne de soya pour l’AC 2021-2022 est la plus faible des trois dernières années, car les stocks de début d’année, la production et les importations en 2021 ont diminué par rapport à l’année précédente. Et même si l’on prévoit que les stocks de fin d’année seront supérieurs de 53,1 % par rapport à l’année précédente, ils devraient encore être inférieurs de 27,5 % aux stocks de la fin de 2019-2020. À l’échelle mondiale, l’augmentation de la production par rapport à l’année précédente ne suffira pas à empêcher une nouvelle diminution des stocks de fin d’année, car la vigueur constante de la demande mondiale maintiendra les prix à un niveau supérieur à la moyenne quinquennale.
Les estimations relatives à l’ensemencement montrent que la superficie canadienne de soya devrait augmenter en 2022. Plusieurs facteurs expliquent cette augmentation. Premièrement, les coûts de l’engrais devraient faire diminuer la superficie d’ensemencement de maïs (qui nécessite relativement plus d’engrais azoté). Deuxièmement, les nouveaux mandats américains en matière de carburants renouvelables prévoient une forte augmentation de l’utilisation d’huile de soya, et l’utilisation d’huile propre à la consommation humaine continue d’augmenter.
Canola
Les réserves canadiennes très limitées sont la pierre angulaire du déroulement de cette année de commercialisation du canola et, avec 14,5 millions de tonnes métriques, elles devraient atteindre leur plus bas niveau en 13 ans. Les stocks étaient faibles au début de l’année, et une baisse de 40 % des rendements globaux au Canada (46 % en Saskatchewan) a fait passer la production totale à 12,6 millions de tonnes métriques, soit une baisse de 35,4 % par rapport à l’année précédente. Or, comme pour le blé, la qualité est élevée, malgré la récolte moins abondante.
Compte tenu de la faiblesse des stocks, la trituration nationale et les exportations devraient diminuer de 48,7 % par rapport à l’année précédente, et ce, malgré la forte demande mondiale d’oléagineux attendue tout au long de l’année. Le rythme des exportations est soutenu au début de la présente AC (figure 1), ce qui pourrait freiner la demande des triturateurs canadiens pendant le reste de l’année.
Figure 1 : Les exportations de canola canadien (SH 1205) sont en voie de dépasser les prévisions pour l’AC 2021-2022
Comme la faiblesse des réserves entrave le commerce mondial, les prix du canola pourraient connaître une volatilité considérable en 2022. Néanmoins, ils devraient rester bien au-dessus de leur moyenne quinquennale. Les prix pour l’AC 2022-2023 devraient baisser par rapport à l’année précédente, mais rester 72,5 % plus élevés que leur moyenne quinquennale.
FAC prévoit que la superficie ensemencée de canola sera celle qui augmentera le plus en 2022, étant donné les stocks mondiaux et canadiens si faibles, les prix si élevés et une culture qui sera très rentable. Toute reprise de vigueur des marchés des oléagineux ne fera que renforcer les prix du canola avant leur ensemencement.
Lentilles et pois
L’insuffisance des stocks est le facteur déterminant concernant les légumineuses canadiennes. L’offre de pois secs a chuté pour atteindre 2,8 tonnes métriques durant l’AC 2021-2022, soit une baisse de 43 % par rapport à l’année précédente. On s’attend à ce que l’utilisation intérieure diminue, que les exportations chutent de plus de 40 %, et que les stocks de report s’effondrent de 90 % pour atteindre 50 tonnes métriques pour l’année. La forte baisse de la production en 2021 attribuable à de faibles rendements a fait chuter les réserves canadiennes de lentilles, qui ont atteint 2,1 milliers de tonnes métriques, soit une baisse d’un peu plus d’un tiers.
FAC prévoit pour 2022 que la superficie ensemencée totale des cultures de pois secs augmentera et que celle des lentilles baissera.
Tendances à surveiller en 2022
1. Pressions inflationnistes sur les intrants, l’énergie, les équipements et les terres
Pour de nombreux producteurs, les plus grands obstacles de 2021 concernaient la tendance à une forte croissance de nombreux types de dépenses. Selon une base de données sur les prix des intrants agricoles en Alberta, les prix de l’engrais, de la machinerie, de l’énergie, de la main-d’œuvre et des semences ont grimpé en flèche par rapport à l’année précédente, les coûts de l’engrais et du carburant ayant grimpé de 20 % à 27 % (figure 2). La hausse fulgurante des prix des intrants en 2021 est en partie attribuable à la contraction des prix en 2020 et au renversement de cette situation en 2021.
Cependant, alors que les gains enregistrés quant aux engrais et à l’énergie par rapport à l’an dernier sont plus prononcés que leurs moyennes respectives sur trois ans, les prix des tracteurs à quatre roues motrices, des semences de canola et de la main-d’œuvre agricole générale ont été plus élevés en 2021 que leur prix moyen de 2018 à 2020. En 2021, le prix des semences de blé était légèrement inférieur qu’en 2020 et qu’à la moyenne des années 2018 à 2020.
Figure 2 : Les coûts des engrais et de l’énergie sont les facteurs ayant le plus fortement nui à la rentabilité des exploitations agricoles
Les difficultés observées dans la chaîne d’approvisionnement qui ont exacerbé les pressions inflationnistes sont plus inquiétantes que l’incidence de l’année de référence (comparaison des prix de 2021 à ceux de 2020, une année inhabituelle de baisse des prix en raison de la pandémie).
Aux États-Unis, la production d’engrais avait chuté en 2020 à la suite de la réduction anticipée de la demande dans le contexte de la pandémie de COVID-19; elle a encore diminué avec les pénuries de gaz naturel causées par la forte demande pendant la période de gel au Texas et par le passage de l’ouragan Ida. Ces contraintes se sont produites lors d’une forte hausse inattendue de la demande d’engrais attribuable à l’augmentation des prix des produits de base tant aux États-Unis que dans le reste du monde. En outre, l’offre mondiale a été entravée lorsque la Chine, premier producteur mondial de phosphate, a appliqué des taxes sur les exportations.
Cette année, la production et les exportations d’engrais risquent de subir encore les perturbations de la chaîne d’approvisionnement, ce qui pourrait entraîner une hausse des prix (tableau 2), bien que les pires augmentations semblent être derrière nous. Les coûts de l’énergie devraient également augmenter, le diesel agricole, le pétrole et l’essence mauve enregistrant des hausses de prix de 14,3 % en moyenne en 2022.
Tableau 2 : Les prix moyens de l’engrais ($/tonne) devraient rester élevés en 2022
La valeur des terres devrait aussi avoir augmenté, les producteurs se disputant davantage d’acres, une réaction attribuable aux prix élevés des produits de base et aux faibles taux d’intérêt. Attendez la parution du rapport Valeur des terres agricoles de FAC le 15 mars prochain pour en savoir plus.
2. Tensions géopolitiques et demande mondiale
Les États-Unis sont au cœur de deux conflits géopolitiques actuels, chacun ayant des répercussions sur l’agriculture canadienne. La Chine ne respectant pas ses engagements d’importation, l’administration Biden doit réagir, mais l’accord commercial de la phase 1 de 2020 s’est avéré aussi précaire qu’il le semblait lorsqu’il a été conclu. La Chine n’a pas acheté plus de 55 % du volume total des importations qu’elle avait promis d’acheter avant janvier 2022. Ses importations de produits agricoles sont supérieures, soit près de 80 % des volumes prévus dans ses contrats. Les importations de céréales colossales de la Chine, notamment en raison de l’actuelle reconstruction du cheptel porcin, peuvent entraîner le maintien prolongé du prix élevé des céréales [en anglais seulement].
La menace d’un conflit armé entre la Russie et l’Ukraine s’accroît. Les avertissements de la Russie concernant l’ingérence des États-Unis dans la sécurité intérieure russe alimentent les discussions européennes et américaines sur des sanctions « massives » en cas d’invasion de l’Ukraine. Des sanctions économiques pourraient s’appliquer au commerce des produits agricoles et malmener davantage la chaîne d’approvisionnement, avec des conséquences sur la volatilité des prix. Premier exportateur mondial de blé en 2020, la Russie limitera ses exportations par l’adoption d’un quota de 8 millions de tonnes de blé au printemps et au début de l’été 2022. Ce conflit pourrait aussi faire baisser encore les réserves mondiales d’engrais, déjà très limitées.
Consultez notre blogue pour y lire les mises à jour des perspectives de 2022 pour les secteurs des grandes cultures, des bovins, des porcs, des produits laitiers et de la transformation des aliments. Surveillez aussi la parution d’une analyse approfondie et de projections quant aux taux d’intérêt, aux devises et aux PIB au début mars.
Rédactrice économique
Membre de l’équipe des Services économiques depuis 2013, Martha Roberts est une spécialiste en recherche qui étudie les risques et les facteurs de réussite pour les producteurs agricoles et les agroentreprises. Martha compte 25 années d’expérience dans la réalisation de recherches qualitatives et quantitatives et la communication des résultats aux spécialistes de l’industrie. Elle est titulaire d’une maîtrise en sociologie de l’Université Queen’s à Kingston, en Ontario, et d’une maîtrise en beaux-arts en écriture non fictive de l’Université de King’s College.