Perspectives de 2023 pour les biocarburants canadiens – occasions et risques à venir
Services économiques FAC vous aide à comprendre les principales tendances et questions économiques susceptibles d’avoir une incidence sur votre entreprise agricole en 2023.
L’industrie des biocarburants en transition
L’industrie canadienne des biocarburants est en pleine mutation. Les efforts visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) ont conduit à des changements de politiques fédérales et provinciales qui devraient accroître l’utilisation de l’éthanol, du biodiesel et du diesel renouvelable au Canada. Des changements similaires se produisent également à l’échelle mondiale. L’industrie canadienne des biocarburants devrait croître au cours de la prochaine décennie, car les mandats de réduction des émissions feront augmenter la production d’éthanol, de biodiesel et de diesel renouvelable.
La rentabilité a été volatile
Les marges bénéficiaires réalisées sur l’éthanol ont été volatiles au cours des dernières années, en raison de la pandémie, de l’inflation, de la guerre en Ukraine et de son incidence sur les prix des matières premières et des combustibles (figure 1). D’après les tendances aux États-Unis [en anglais seulement], la rentabilité du biodiesel a également été mise sous pression.
Figure 1 : Marges sur l’éthanol au Canada
Les coûts des matières premières continuent de baisser
Les prix des récoltes de canola, de soya, de maïs et de blé, toutes les matières premières utilisées dans la production de biocarburants, devraient tous suivre une tendance à la baisse, selon la mise à jour des perspectives pour le secteur des céréales, des oléagineux et des légumineuses des Services économiques FAC. D’autres coûts de production des matières premières pour les biocarburants ont commencé à baisser, notamment ceux du biodiesel (par exemple, l’huile de canola et l’huile de soya), ainsi que les prix du diesel et du biodiesel qui ont eu tendance à diminuer par rapport aux sommets atteints l’an dernier (figure 2).
Figure 2 : Les prix des matières premières et des combustibles ont eu tendance à baisser
Les risques croissants de récession aux États-Unis et au Canada laissent présager une baisse de la demande pour les biocarburants. Les prix des carburants diminuent souvent pendant les récessions (figure 3), à l’exception de la récession de 1990, qui a coïncidé avec la guerre du Golfe. La guerre en Ukraine et la menace de la Russie de se retirer de l’Initiative d’exportation de céréales de la mer Noire pourraient de nouveau exercer une pression à la hausse sur les marchés mondiaux des produits de base, y compris les matières premières agricoles et l’énergie.
Figure 3 : Les prix des combustibles baissent souvent pendant les récessions
Perspectives à court terme
L’augmentation des mandats de réduction des émissions au Canada (par exemple, le Règlement sur les combustibles propres) et au sud de la frontière devrait accroître la demande de biocarburants. Le secteur canadien de la trituration du canola est actuellement en pleine expansion, avec environ 4,5 millions de tonnes de capacité de trituration supplémentaire attendue d’ici la fin de 2024 et plus de 2 millions de tonnes supplémentaires dans les années suivantes. La capacité supplémentaire représente 9,2 millions d’acres, soit environ 43 % de la moyenne quinquennale des acres récoltés. Nous estimons que la superficie et les rendements du canola continueront d’augmenter pour répondre à cette demande. Toutefois, à court terme, l’offre proviendra probablement des stocks actuellement acheminés vers les marchés d’exportation. Un grand pourcentage de la quantité plus élevée de canola broyé devrait faire partie des matières premières issues d’huiles végétales approvisionnant les usines de biodiesel et de diesel renouvelable. Le canola présente l’avantage d’avoir une teneur en huile plus élevée que celle de l’huile de soya. La hausse de la demande de canola est susceptible d’accroître l’écart des marges plus élevées de l’huile de canola par rapport à celles de l’huile de soya, ce qui devrait entraîner une augmentation des prix du canola ou une amélioration des niveaux de base.
À la suite de récentes modifications qui entreront en vigueur en 2025, la politique américaine en matière de crédit d’impôt passera à un crédit d’impôt pour les producteurs, ce qui signifie que seule la production américaine de biodiesel ou de diesel renouvelable sera admissible. Historiquement, près de 100 % des biocarburants canadiens destinés au diesel ont été exportés vers les États-Unis pour bénéficier de ce crédit. Toutefois, en vertu de la loi 2022 Inflation Reduction Act, ce crédit d’impôt deviendra un crédit d’impôt pour les producteurs, ce qui signifie que seule la production américaine de biodiesel ou de diesel renouvelable sera admissible à partir de 2025.
Si le changement de politique favorise les investissements dans les usines établies aux États-Unis, l’industrie de trituration du canola représente un avantage pour le Canada. Les usines nationales de biodiesel et de diesel renouvelable seront en concurrence avec la demande américaine d’huile de canola, mais le Canada a pour avantage sa proximité à l’huile de canola.
Perspectives à long terme
À plus long terme, le diesel renouvelable [en anglais seulement] devrait croître plus rapidement que le biodiesel, car il est chimiquement identique au diesel de pétrole et offre des performances similaires. Par conséquent, le diesel renouvelable devrait obtenir une part du marché du diesel plus grande que le biodiesel, car il peut être mélangé au pétrodiesel à n’importe quelle proportion, sans occasionner un problème de viscosité lié au froid. Les usines de biodiesel seront probablement confrontées à des marges plus étroites à long terme en raison de la pression accrue exercée par le diesel renouvelable sur les prix des matières premières issues de l’huile végétale et de la demande mondiale du secteur alimentaire. Dans l’ensemble, les perspectives à long terme pour le diesel renouvelable semblent plus prometteuses.
Avec l’augmentation de la demande de matières premières, la concurrence pour les surfaces cultivées pourrait être féroce. Si la plupart des usines de diesel renouvelable proposées en Amérique du Nord sont construites, des acres de terre supplémentaires devront être destinées à la culture du soya et du canola. L’augmentation des acres de terres consacrées au soya et au canola entraînera une diminution des surfaces consacrées au maïs et au blé, ce qui aura une incidence sur le marché de l’éthanol.
Le marché de l’éthanol pourrait faire face à des vents contraires à plus long terme, car la demande mondiale, largement alimentée par des initiatives gouvernementales, fait évoluer le secteur automobile vers l’électrification. La réduction de l’offre de moteurs à combustion interne devrait perturber la demande d’essence et d’éthanol. À partir de 2026, au minimum, 20 % des nouveaux véhicules légers vendus au Canada ne devront produire aucune émission, et ce pourcentage augmentera chaque année pour atteindre au moins 60 % d’ici 2030 et 100 % d’ici 2035. La réduction de l’utilisation de l’éthanol sera progressive, car l’âge moyen a tendance à augmenter pour tous les véhicules légers [en anglais seulement] aux États-Unis. En 2022, l’âge moyen était de 12,2 ans, ce qui signifie que l’ensemble des automobiles utilisées pourrait encore dépendre largement de l’essence au-delà de 2040. Des occasions d’exportation pourraient également se présenter lorsque des pays, comme la Chine, augmenteront leur nombre de voitures et adopteront des mandats en matière de biocarburants.
En conclusion
La croissance de la demande de biocarburants offre des occasions aux producteurs canadiens de biocarburants et aux producteurs qui fournissent les matières premières. Les risques seront également apparents et dépendront en grande partie de l’évolution des mandats relatifs aux biocarburants. La préparation et la mise en œuvre de stratégies d’atténuation des risques à court et à long terme peuvent contribuer au dynamisme du secteur canadien des biocarburants.
Article par : Leigh Anderson, économiste principal et Justin Shepherd, économiste principal