Perspective de 2023 pour le marché des intrants de culture
L’équipe des Services économiques de FAC vous aide à comprendre les grands enjeux et les principales tendances économiques susceptibles d’avoir une incidence sur votre agroentreprise en 2023.
On estime que le marché canadien des intrants de culture (engrais, produits chimiques, semences et carburant) a crû de 26,1 % en 2022, atteignant un niveau record de ventes estimé à 21,8 milliards de dollars. Cette croissance est en grande partie attribuable à la hausse des prix des engrais et du carburant causée par les perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales et par la guerre en Ukraine. Nous prévoyons une autre hausse de 5,9 % en 2023, ce qui portera le total des ventes à 23,1 milliards de dollars. Dans l’ensemble, la demande d’intrants de culture demeure solide et est soutenue par d’importantes recettes monétaires agricoles, et ce, même si les prix des produits de base sont en baisse par rapport aux sommets enregistrés. La récolte de 2023 sera la plus dispendieuse jamais ensemencée.
Figure 1. Ventes canadiennes d’intrants de culture
Marché des engrais
Nous estimons que les ventes totales d’engrais ont bondi de 35,1 % en 2022, pour atteindre 10,1 milliards de dollars et qu’elles augmenteront de 5,3 % en 2023, pour s’établir à 10,6 milliards de dollars. Les prix élevés du gaz naturel en Europe ont forcé la réduction de la production d’engrais européen à l’automne 2021. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a fait grimper davantage les prix de l’énergie en Europe, entraînant par le fait même un ralentissement de 70 % de la production d’ammoniaque de l’Union européenne à l’automne 2022. Le prix de l’engrais a connu une baisse par rapport aux récents sommets, mais il demeure toutefois à des niveaux historiquement élevés, compte tenu des incertitudes quant à la capacité mondiale de production d’azote.
La disponibilité de l’engrais en Amérique du Nord semble adéquate pour la période d’ensemencement de 2023, puisque de nombreux détaillants ont déjà assuré leur approvisionnement. L’Est du Canada a notamment réussi à diversifier la quasi-totalité de ses besoins en engrais en laissant de côté les fournisseurs russes et en augmentant ses importations d’Afrique du Nord et d’autres pays. Les prix devraient toutefois demeurer volatils tout au long de 2023 et des possibilités d’exportation pourraient une fois de plus s’offrir aux producteurs d’engrais nord-américains en raison des problèmes de production persistants que connaît l’UE.
Carburant
La flambée des prix mondiaux du diesel en 2022 a entraîné la fermeture permanente ou une réduction de la capacité de raffinement de plusieurs raffineries aux États-Unis pendant la pandémie. L’UE a décrété un embargo sur le diesel russe à compter du 5 février 2023, ce qui continuera d’accentuer la volatilité des marchés mondiaux du diesel.
L’équipe des Services économiques de FAC estime que le prix du diesel à usage agricole grimpera de 7,8 % en 2023. Les prix pourraient toutefois suivre une tendance à la hausse tout au long de l’année, compte tenu de la volatilité du marché mondial du diesel. À l’inverse, un ralentissement économique à l’échelle mondiale pourrait freiner la demande, exerçant ainsi une pression à la baisse sur le prix du diesel. L’utilisation totale du carburant à la ferme varie très peu, quel que soit le prix du diesel, mais il y subsistera une incertitude quant aux coûts.
Les températures anormalement chaudes enregistrées dans l’UE cet hiver ont été favorables au marché mondial du diesel, puisqu'une réduction de la demande permettra de reconstituer les stocks et aidera à atténuer la pression exercée sur les prix. Les exportateurs de diesel nord-américains augmenteront leurs envois de diesel à destination de l’UE en 2023, alors qu’elle constitue des réserves pour l’hiver 2024. La capacité de l’UE à stocker du diesel ou du mazout de chauffage au cours de l’été et de l’automne 2023 sera déterminante pour l’évolution des prix du diesel pour la récolte de 2023, et jusqu’en 2024.
Produits chimiques et semences
Les grossistes et les détaillants d’intrants agricoles ont éprouvé des difficultés à s’approvisionner en semences et en herbicides à l’automne 2021 et dans la première moitié de 2022. Les détaillants ont été contraints de rationner la disponibilité et les ventes, afin de pouvoir répondre aux besoins immédiats de tous leurs clients. La reprise de la production mondiale et le rétablissement des chaînes d’approvisionnement ont permis de modérer le prix du glyphosate. Nous estimons que les ventes de produits chimiques ont totalisé 3,3 milliards de dollars en 2022, tandis que les ventes de semences se sont élevées à 3,7 milliards. En 2023, nous prévoyons que les ventes de produits chimiques grimperont de 5 % et que les ventes de semences augmenteront de 10 %.
Dans l’ensemble, les revenus des producteurs canadiens de céréales, d’oléagineux et de légumineuses continueront de grimper en 2023-2024, mais les prix des intrants de culture pourraient demeurer élevés, ne diminuant pas beaucoup par rapport aux sommets atteints. On prévoit un resserrement des marges des producteurs agricoles, ce qui exercera une pression sur les flux de trésorerie.
Principales tendances à surveiller en 2023
1. Superficies ensemencées
Le prix des intrants, la demande de produits de base et les taux d’intérêt influenceront les décisions d’ensemencement des exploitants agricoles. Le prix élevé des intrants pourrait inciter les producteurs à ensemencer des cultures qui nécessitent moins d’intrants.
L’équipe des Services économiques de FAC prévoit une hausse de 7,3 % de la superficie consacrée au blé au Canada en 2023. Nos prévisions se fondent sur l’augmentation des prix à terme du blé, sur l’accroissement de la superficie consacrée au blé d’hiver en Ontario, et sur les répercussions de la sécheresse sur les cultures de blé d’hiver aux États-Unis. L’augmentation substantielle de la superficie consacrée au blé au Canada se traduira par une baisse de 1,3 % des superficies consacrées au canola et au maïs, respectivement. Nous prévoyons en outre une baisse de 2,8 % de la superficie consacrée au blé dur, tandis que la superficie consacrée au soja demeurera stable avec une augmentation de 0,2 % par rapport à 2022.
Selon les estimations préliminaires contenues dans les prévisions à long terme du département de l’Agriculture des États-Unis (USDA), une superficie de 92 millions d’acres sera consacrée à la production de maïs aux États-Unis, ce qui représente une hausse de 3,8 % par rapport à 2022. Une superficie de maïs supérieure à 90 millions d’acres permettra de soutenir les prix de l’engrais azoté. L’USDA estime à 87 millions d’acres la superficie consacrée au soja en 2023, ce qui représente une baisse de 0,6 % par rapport à 2022. On estime à 47,5 millions d’acres la superficie totale consacrée au blé aux États-Unis, ce qui représente une hausse de 3,9 %. La vigueur des prix à terme du blé a favorisé l’accroissement de la superficie ensemencée en blé d’hiver, le blé nécessitant moins d’engrais que le maïs.
Les perspectives d’ensemencement du maïs, du soja et du blé aux États-Unis seront publiées le 31 mars 2023, il faut donc s’attendre à davantage de fluctuations des prix.
2. Indicateurs de base du marché
Il est intéressant de constater que les indicateurs de base du marché présentent actuellement deux portraits différents quant aux estimations initiales des superficies ensemencées au Canada et aux États-Unis. Le ratio soja-maïs établi des prix à terme pour la nouvelle récolte est de 2,28 (figure 2), ce qui indique une meilleure rentabilité pour le maïs que pour le soja. D’un point de vue historique, le ratio soja-maïs s’est maintenu en moyenne à 2,4. Un ratio favorable au maïs est susceptible de favoriser la demande d’engrais azoté et de produits chimiques agricoles connexes en raison d’un accroissement de la production de maïs. Les niveaux de la base appliquée au maïs et au soja au Canada se traduiront par un écart quant à la superficie ensemencée au Canada et aux États-Unis.
Figure 2. Le ratio soja-maïs est favorable aux cultures de maïs
Le débat entourant les estimations de la superficie ensemencée s’intensifiera à l’approche du printemps. Les retombées de la sécheresse de 2022 aux États-Unis pourraient avoir une incidence sur les indicateurs de marché, puisqu'en période de sécheresse, le soja offre un meilleur rendement que le maïs. Si les niveaux d’humidité s’améliorent d’ici la période d’ensemencement, le marché pourrait être contraint d’acheter davantage d’acres de maïs si les préoccupations relatives à la sécheresse persistent.
L’industrie des intrants de culture est en transition
Les producteurs se sont toujours efforcés d’optimiser le rendement des récoltes tout en limitant au maximum la quantité d’intrants de culture utilisés. L’industrie opère une transition qui vise à optimiser encore davantage les rendements afin de pouvoir nourrir une population mondiale grandissante. De nouveaux produits sont créés pour répondre aux besoins spécifiques des cultures en matière de nutriments (p. ex., des micronutriments) et tenir compte des avancées en technologie des engrais (p. ex., l’ESN, un engrais à libération contrôlée). Les services à valeur ajoutée, notamment l’offre de connaissances et l’agronomie, poursuivent leur croissance. L’échantillonnage des sols et les analyses de tissu végétal sont de plus en plus répandus et l’adoption de la pratique des 4B continue de gagner en popularité.
Les marges au détail des intrants de cultures peuvent être restreintes et volatiles. Les détaillants d’intrants de culture continueront d’affronter la concurrence, puisque les exploitations agricoles achètent de plus en plus auprès des grossistes. Les possibilités de revenus des détaillants d’intrants agricoles canadiens continueront de croître grâce à la fourniture de services supplémentaires et des connaissances recherchées par les producteurs. Le paysage concurrentiel dans lequel évoluent les entreprises d’intrants de culture avantagera surtout celles qui peuvent mettre à profit une approche axée sur le service.
En conclusion
En 2023, le marché des intrants agricoles sera caractérisé par le prix élevé des intrants et une augmentation des ventes. Les solides recettes monétaires agricoles représentent une évolution positive pour 2023 et celles-ci aideront à compenser le coût élevé des intrants à la ferme. Par contre, à mesure que les marges se resserrent, la croissance des revenus des fournisseurs canadiens d’intrants de culture continuera de provenir de l’offre de services et de connaissances.
Économiste principal
Fort de son expérience dans les marchés agricoles et la gestion du risque, Leigh Anderson est économiste principal à FAC. Il est spécialisé dans la surveillance et l’examen du portefeuille de FAC et de la santé de l’industrie, et il livre des analyses sur les risques liés à l’industrie. En plus de faire des présentations sur l’agriculture et l’économie, Leigh participe régulièrement au blogue des Services économiques de FAC.
Leigh est entré en fonction à FAC en 2015 au sein de l’équipe des Services économiques. Il œuvrait auparavant auprès de la Direction des politiques du ministère de l’Agriculture de la Saskatchewan. Il est titulaire d’une maîtrise en économie agricole de l’Université de la Saskatchewan.