Perspectives de 2025 pour les cultures : de difficiles décisions à prendre en matière de superficie
Lors de l’évaluation des perspectives pour les céréales, les oléagineux et les légumineuses en 2025, il est essentiel de tenir compte des facteurs externes affectant les prix et les rendements, tels que les tarifs douaniers potentiels, les mesures antidumping sur le canola et les conditions météorologiques, qui restent déterminantes. Notre récent billet de blogue sur les principales tendances portait sur l’incidence plus vaste d'éventuels tarifs douaniers et des barrières commerciales pour le canola. Toute nouvelle dépréciation du dollar canadien entraînera une augmentation des prix des cultures reçus par les agriculteurs – nous estimons qu’une dépréciation de 1 % entraîne une hausse d’environ 0,7 % des recettes monétaires agricoles des cultures.
Les prix des produits de base pour l’année de commercialisation 2024-2025 affichent une baisse sur douze mois (en glissement annuel) pour presque toutes les cultures, mais la bonne nouvelle est qu’ils semblent s’être stabilisés pour l’année de commercialisation 2025-2026 et se rapprochent de leurs moyennes quinquennales (tableau 1). Les prix devraient être relativement plus élevés pour les céréales que pour les oléagineux, en raison du resserrement des ratios stocks-utilisation du maïs et du blé à l’échelle mondiale. Les prévisions de prix ne tiennent pas compte de l’impact d’éventuels tarifs douaniers qui exerceraient une pression à la baisse, mais qui pourraient susciter une demande supplémentaire pour les cultures canadiennes de la part du reste du monde.
Tableau 1 : Les prix des cultures ($/tonne) pour la nouvelle année de commercialisation seront très volatils
Culture | 2023‑2024 | 2024-2025 | 2025-2026 | Moyenne |
---|---|---|---|---|
Maïs (Ont.) | 240 | 245 | 245 | 265 |
Soya (Ont.) | 610 | 545 | 525 | 595 |
Canola (Sask.) | 695 | 645 | 600 | 690 |
Pois (Sask.) | 455 | 420 | 400 | 405 |
Lentilles (Sask.) | 900 | 750 | 670 | 765 |
Blé de printemps (Sask.) | 335 | 295 | 330 | 330 |
Orge fourragère (Alb.) | 280 | 260 | 280 | 285 |
Blé dur (Sask.) | 460 | 355 | 425 | 435 |
Année de commercialisation pour le blé, le canola, l'orge, les pois et les lentilles : du 1er août au 31 juillet
Sources : Statistique Canada et calculs effectués par FAC
L’affaiblissement du dollar canadien présente l’inconvénient d’augmenter les coûts d’importation des intrants et des équipements agricoles. Les prix des engrais pourraient baisser légèrement sur douze mois, mais les coûts variables globaux resteront probablement stables à l’échelle nationale. On prévoit des marges serrées, la rentabilité étant liée aux prix des produits de base, aux conditions météorologiques de 2025 et aux coûts des terres pour les producteurs individuels. Nous examinerons plus en profondeur la dynamique fondamentale de l’offre et de la demande au sein du secteur des cultures, qui aura une influence considérable sur les prix et les décisions des producteurs pour le printemps à venir.
Cette année pourrait-elle être celle de la résurgence des céréales sur le marché?
Les prix élevés de 2022 étant désormais loin derrière nous, il est important de reconnaître qu’ils ne sont pas redescendus aux niveaux d’avant la pandémie. Pour la prochaine année, nous prévoyons que les prix du soya et du canola diminueront par rapport à celui des céréales, en particulier le maïs dans l’Est du Canada et le blé de printemps dans les Prairies (figure 1). Ces avantages relatifs au prix n’indiquent pas nécessairement qu’une culture est plus rentable qu’une autre; ils reflètent plutôt l’état actuel de l’offre et de la demande locales et mondiales. Ces renseignements peuvent être utiles pour planifier les choix de rotation de cultures pour la campagne agricole 2025.
Figure 1 : Les ratios de prix des cultures commerciales montrent qu’il est avantageux de privilégier les céréales dans les rotations au cours de l’année à venir
Les stocks abondants de soya incitent le marché à privilégier l’ensemencement de maïs
Depuis le début de l’année 2023, les prix au comptant du soya dans l’Est du Canada ont augmenté par rapport à ceux du maïs, atteignant des niveaux inégalés depuis plus d’une décennie. Toutefois, les ratios stocks-utilisation pour les deux cultures à l'échelle mondiale suivent des tendances différentes selon les données du dernier rapport World Agricultural Supply and Demand Estimates (WASDE) publié par l’USDA. Le ratio stocks-utilisation du soya à l’échelle mondiale a augmenté (figure 2) en raison de l’abondance des stocks mondiaux et, malgré la hausse de la consommation mondiale de soya, il n'a pas suivi le rythme de la forte croissance de la production sud-américaine. À lui seul, le Brésil produira près de 40 millions de tonnes de plus qu’il y a quatre ans. L’incertitude concernant les politiques fiscales en matière de biocarburants aux États-Unis pourrait également limiter la demande.
Figure 2 : Ratios stocks-utilisation mondiaux pour le soya et le maïs
À l’opposé, le ratio stocks-utilisation mondial du maïs suit une tendance inverse lorsque la Chine est exclue des calculs. Bien qu’il soit parfois un grand producteur et un important importateur de maïs, ses stocks ne sont pas exportés et c’est une façon plus précise de mesurer le resserrement des stocks mondiaux. Il faudrait remonter à la sécheresse de 2012 aux États-Unis pour retrouver des ratios stocks-utilisation aussi serrés. Étant donné que le ratio actuel des contrats à terme soya/maïs est inférieur au creux des cinq dernières années, cela suggère que le marché tente d’influencer les décisions d’ensemencement aux États-Unis en faveur d’une augmentation des superficies consacrées au maïs.
Les stocks de canola sont limités par le soya – les stocks de blé continuent de diminuer
Lors de l’évaluation des indicateurs fondamentaux du blé, nous excluons à nouveau la Chine afin d’évaluer les disponibilités mondiales. Les ratios stocks-utilisation de blé devraient être les plus faibles depuis 2007-2008, ce qui soutient le marché (figure 3). Les facteurs clés à surveiller sont l’hivernage des cultures de blé d’hiver aux États-Unis après la vague de froid de janvier et l’état des cultures de la mer Noire au printemps. Les blés à faible teneur en protéines sont aussi offerts à des prix concurrentiels par rapport au maïs, ce qui entraîne une augmentation de leur usage dans l’alimentation animale à l’échelle mondiale.
Figure 3 : Ratios stocks-utilisation mondiaux pour le canola et le blé
Le ratio stocks-utilisation pour le canola à l'échelle mondiale est actuellement de 7 %, ce qui est inférieur à la moyenne sur 5 ans de 9 %. On s’attend à ce que l’offre soit encore plus serrée au Canada en raison d’une récolte moins abondante en 2024, d’exportations importantes et de l’entrée en service de nouvelles capacités de trituration. La date de la conclusion de l’enquête antidumping de la Chine reste incertaine, mais des restrictions à l’importation sont plus probables à l’approche de la prochaine campagne agricole, le 1er août. La Chine représentant plus de 75 % des expéditions, les exportations ont 10 semaines d’avance sur le calendrier. Même si les exportations vers la Chine ralentissent, le Canada n’a besoin d’exporter que 2,5 millions de tonnes de canola supplémentaires pour atteindre l’objectif d’exportation d’Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) de 7,5 millions de tonnes en 2024-2025. Les prix du canola sont également influencés par les importants stocks mondiaux de soya. Néanmoins, la réduction des stocks de fin d’année pourrait positionner favorablement le marché du canola pour la période 2025-2026.
En ce qui concerne les producteurs prenant des décisions d’ensemencement en vue du printemps, il est possible que les prix actuels ne reflètent pas les tendances à venir. En janvier 2025, les ratios des prix sont favorables aux oléagineux, ce qui est avantageux pour ceux qui vendent des récoltes précédentes. Toutefois, le resserrement des stocks mondiaux de céréales suggère que la demande de maïs et de blé augmentera probablement au cours de la prochaine année, comme le montre la figure 1.
Les autres cultures montrent des prévisions de prix mitigées
Les autres principales grandes cultures au Canada, à l’exclusion des quatre déjà abordées, occupent environ 25 % des superficies ensemencées chaque printemps; toutefois, dans certaines régions, elles représentent une proportion considérablement plus élevée dans les rotations. Une augmentation des superficies consacrées aux légumineuses est possible cette année, mais les enjeux géopolitiques, en particulier les restrictions à l’importation de l’Inde, méritent d’être soulignés. Le Canada a entamé la campagne agricole 2024-2025 sans restrictions sur les importations de la part de l’Inde, alors que l’an dernier, elles n’ont été levées qu’en décembre. Le gouvernement indien a récemment prolongé les importations de pois en franchise de droits jusqu’au 28 février 2025. Les prix élevés des lentilles suggèrent une augmentation des superficies consacrées aux lentilles en 2025. Le prix de l’orge sera soutenu par le marché des aliments pour bétail, mais son augmentation sera limitée par celle des prix du maïs.
En conclusion
Il ne sera pas facile pour les producteurs de décider quoi planter ou ensemencer ce printemps. De nombreux facteurs influençant les prix, tels que les tarifs douaniers ou les barrières commerciales, échappent en grande partie au contrôle des producteurs et devraient rester volatils cette année. L’humidité des sols dans l’ensemble du Canada semble être plus favorable à l’approche du printemps que ces dernières années; cependant, les conditions météorologiques pendant la période de croissance auront une incidence considérable sur la production. Les producteurs devraient se concentrer sur des éléments qu’ils peuvent contrôler, comme la compréhension et la gestion de leurs coûts de production et la réalisation de ventes supplémentaires lorsque des possibilités de profits se présentent.
Économiste principal
Justin Shepherd est économiste principal à FAC. Lorsqu’il s’est joint à l’équipe en 2021, il se spécialisait dans la surveillance de la production agricole et l’analyse des tendances de l’offre et de la demande à l’échelle mondiale. En plus de faire des présentations sur l’agriculture et l’économie, Justin participe régulièrement au blogue des Services économiques de FAC.
Il a grandi dans une ferme mixte en Saskatchewan et il est toujours actif au sein de l’exploitation agricole familiale. Justin est titulaire d’une maîtrise en économie appliquée et gestion de l’Université Cornell, ainsi que d’un baccalauréat en agroentreprise de l’Université de la Saskatchewan.