Principaux graphiques économiques à surveiller en 2025
Alors que nous entamons la nouvelle année avec de nouveaux défis, y compris le ralentissement de la croissance démographique et les possibles barrières commerciales, voici nos principaux graphiques qui nous aideront à comprendre le contexte économique du secteur agricole et agroalimentaire, des producteurs aux consommateurs.
Le ralentissement de la croissance démographique freinera la croissance économique
Apr ès quelques années difficiles, au cours desquelles la croissance du PIB réel n’a été que de 1,5 % en moyenne, l’économie canadienne ne devrait guère s’améliorer cette année. La réduction des niveaux d’immigration devrait ralentir la croissance de la population, réduisant considérablement la croissance potentielle du PIB, soit la limite de vitesse de l’économie, estimée comme étant la somme de la croissance de la main-d’œuvre disponible (c’est-à-dire la population) et de la croissance de la productivité.
La Banque du Canada estime actuellement que la croissance potentielle ne sera que de 1,7 % en 2025, mais même ce chiffre semble optimiste étant donné que la banque centrale s’attend à un regain important de la productivité cette année (figure 1). On ne sait pas très bien ce qui va relancer la productivité, d’autant plus que les investissements des entreprises stagnent. Avec une limite de vitesse aussi basse, il ne faut pas s’attendre à ce que la croissance du PIB réel du Canada rebondisse de façon marquée en 2025.
Figure 1 : La limite de vitesse de l’économie a été abaissée pour 2025
Tarifs, commerce et dollar canadien
Comme si le ralentissement de la croissance démographique n’était pas suffisant, le Canada doit également composer avec un climat commercial encore plus incertain. Avec le retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis, le Canada est confronté à la perspective de tarifs douaniers punitifs et de l’effondrement des exportations qui en résulterait. Il faut s’attendre à ce que les tarifs douaniers américains, le cas échéant, soient imposés pendant quelques mois sur des produits sélectionnés à titre de tactique de négociation, comme ce fut le cas en 2018, avant d’être levés. Si 2018 peut servir de référence, le bon sens l’emportera finalement, car les négociateurs savent très bien à quel point les deux économies sont interreliées. Nous nous attendons à ce que les deux parties finissent par conclure un accord, qui fournira un cadre pour l’ACEUM 2.0. Cependant, tout conflit lié aux tarifs douaniers suffira à freiner temporairement les exportations et à ralentir les investissements, ce qui limitera davantage la croissance du PIB réel cette année.
Avec des perspectives économiques aussi sombres, il est difficile d’être optimiste en ce qui concerne le dollar canadien. Si la dépréciation du huard contribue à stimuler l’économie canadienne, qui dépend des exportations, les importations ou les voyages aux États-Unis coûteront beaucoup plus cher. La corrélation du huard avec le pétrole s’est affaiblie au cours des trois dernières années (figure 2). Toutefois, cette diminution s’explique seulement en partie par les écarts de taux d’intérêt entre le Canada et les États-Unis. En fait, l’écart est comparable à celui du début de 2007, et le prix du pétrole Western Canadian Select (WCS) est beaucoup plus élevé qu’il y a 18 ans. Pourtant, le dollar canadien se négocie à environ 70 cents américains, contre 90 cents en 2007. Il apparaît clairement que la fragilité du huard ne se résume pas au pétrole et aux écarts de taux d’intérêt. Cela sème le doute sur la probabilité d’un rebond important du huard cette année.
Figure 2 : La corrélation entre le dollar et le pétrole a diminué au cours des trois dernières années
Surmonter les prochaines barrières commerciales pour le canola
L’enquête antidumping de la Chine et une récolte canadienne de canola moins abondante que prévu alimentent l’incertitude sur le marché du canola en 2025. Il faudra du temps à la Chine pour conclure son enquête – la procédure engagée par la Chine en 2018 contre l’orge australienne a duré 18 mois, mais entre-temps, depuis le début de la campagne agricole le 1er août, les exportations de canola canadien ont été fortes. Grâce à la Chine, qui représente plus de 75 % de l’ensemble des expéditions, le rythme des exportations est en avance de 10 semaines sur le calendrier. Même avec un ralentissement attendu de la Chine, le Canada n’aura besoin d’exporter que 3 millions de tonnes de canola supplémentaires pour atteindre l’objectif d’exportation d’Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) de 7,5 millions de tonnes en 2024-2025. L’enquête antidumping de la Chine est plus susceptible d’avoir un impact sur les exportations de 2025-2026.
La récolte de canola du Canada pour 2024, d’un peu moins de 18 millions de tonnes, a fait l’objet d’une demande alimentée par les transformateurs nationaux ainsi que le rythme soutenu des exportations. Le secteur de la trituration du canola est en voie de traiter plus de 11,5 millions de tonnes au cours de cette campagne agricole. Si les exportations ralentissent plus que prévu, les triturateurs pourraient traiter plus près de 12 millions de tonnes, mais cela dépendrait des livraisons des agriculteurs. L’autre facteur à prendre en compte est la demande d’huile de canola, dont le prix est actuellement concurrentiel par rapport à d’autres huiles végétales, dont l’huile de soya. À ce jour, l’huile de canola a trouvé une place dans les programmes de biocarburants aux États-Unis, mais l’incertitude entourant les particularités des politiques gouvernementales et relatives aux biocarburants des États-Unis pour 2025 laisse ce marché dans le flou.
Dans l’ensemble, les répercussions sur la commercialisation du canola pour le reste de 2024-2025 seront influencées par les changements dans les politiques relatives aux biocarburants des États-Unis et par d’éventuels droits de douane américains sur les importations, bien que la récolte moins abondante compense ces facteurs. Les estimations actuelles du ratio stocks-utilisation devraient être serrées, mais leur prix est approprié par rapport à la tendance à long terme (figure 3). La prochaine récolte 2025-2026 sera probablement davantage influencée par l’enquête antidumping de la Chine et par les conditions météorologiques de 2025. La réduction des exportations vers la Chine en 2025-2026 pourrait entraîner une augmentation des stocks de clôture si de nouveaux marchés d’exportation ne sont pas trouvés. Les prix baisseraient selon l’évolution des ratios stocks-utilisation correspondants.
Figure 3 : Les exportations et la trituration nationale influenceront les ratios stocks-utilisation et les prix du canola
Les producteurs de porcs s’inquiètent de l’étiquetage facultatif du pays d’origine (vCOOL)
À partir de 2026, pour qu’une viande puisse porter l’étiquette « Produit des É.-U. », l’animal devra être né, élevé et transformé aux États-Unis. Bien que la règle n’entre en vigueur que l’an prochain, les transformateurs américains pourraient commencer à la mettre en œuvre plus tard cette année. Toutefois, cette règle est facultative. En effet, les entreprises peuvent choisir de ne pas étiqueter leurs produits si elles le souhaitent. Cette modification vise à contourner la réglementation antérieure sur l’étiquetage obligatoire du pays d’origine (mCOOL), qui a été abrogée à la suite de la victoire du Canada et du Mexique devant l’Organisation mondiale du commerce. Nous avons discuté de ce développement l’automne dernier.
La croissance de la production porcine canadienne est étroitement liée aux exportations d’animaux vivants, y compris les porcelets âgés de 21 jours jusqu’aux porcs prêts à être commercialisés, la plupart de ces exportations étant destinées aux États-Unis. Avant la mise en œuvre de l’étiquetage obligatoire du pays d’origine en 2009, le Canada produisait environ 32 millions de porcs par an et en exportait entre 8 et 10 millions (figure 4). Toutefois, à mi-parcours de la mise en œuvre de l’étiquetage obligatoire du pays d’origine, en 2013, la production avait diminué de 5 millions de porcs, ce qui a entraîné une baisse conséquente des exportations. La production n’a jamais retrouvé ses niveaux d’avant la mise en œuvre de l’étiquetage obligatoire du pays d’origine et la capacité d’abattage nationale du Canada ayant été confrontée à divers problèmes ces dernières années, toute perturbation de la demande d’exportation pourrait entraîner une diminution du cheptel porcin canadien dans les années à venir, car les prix du porc seraient soumis à des pressions pour résorber l’offre excédentaire.
Figure 4 : La production porcine canadienne est étroitement liée aux exportations de porcs vivants
Les taux élevés d’abattage des vaches et des génisses ne sont pas propices à la reconstitution des cheptels
Le cheptel bovin canadien a atteint son niveau le plus bas en 30 ans l’an dernier, et lorsque les données du 1er janvier 2025 seront publiées, on s’attend à ce qu’il soit à nouveau réduit, malgré une autre année de prix excellents, voire records, pour les bovins. En 2024, près de la moitié des bovins abattus au Canada et aux États-Unis étaient des génisses et des vaches, un creux de trois ans, mais un niveau encore historiquement élevé, ce qui entraînera un déclin du cheptel au début de 2025 (figure 5). Pour que le cheptel commence à croître en un an, il faut que les vaches et les génisses représentent moins de 47 % de l’abattage. D’ici là, les prix des bovins resteront à des niveaux presque records, ce qui soutiendra sans aucun doute le prix du bœuf au détail. Il ne faut pas s’attendre à ce que la saison des barbecues soit bon marché, car la préférence des Canadiens pour la viande de bœuf signifie que la demande devrait rester forte.
Les éleveurs-naisseurs ont bénéficié des prix élevés, certains utilisant les revenus supplémentaires pour rembourser les dettes contractées pendant les années de sécheresse, tandis que d’autres ont choisi de quitter l’industrie plutôt que d’agrandir leurs troupeaux. La rentabilité des éleveurs-naisseurs devrait rester solide en 2025 et, bien que la reconstitution du cheptel puisse commencer plus tard dans l’année, on n’observera pas d’expansion marquée avant quelques années. La reconstruction du cheptel nécessitera plusieurs années de bonnes conditions météorologiques et de prix élevés. Heureusement, les stocks d’aliments pour animaux se sont améliorés l’an dernier.
Même si les facteurs qui sous-tendent l’offre et la demande suggèrent des perspectives positives pour les prix des bovins, les problèmes commerciaux potentiels sont une préoccupation majeure. Les menaces tarifaires de la nouvelle administration américaine pourraient affecter le secteur du bétail au Canada et aux États-Unis en raison de l’intégration du marché nord-américain. L’incertitude entourant les tarifs douaniers et l’étiquetage facultatif du pays d’origine peut également entraver la capacité du Canada à conserver les génisses pour la croissance du cheptel.
Figure 5 : La baisse des taux d’abattage ne favorise toujours pas la reconstitution des troupeaux au Canada et aux États-Unis au 1er janvier
Le secteur de l’élevage-naissage n’est pas le seul à profiter des prix élevés des bovins. Le secteur laitier canadien en a également profité. Les gains de production laitière par vache ont permis au secteur laitier de mettre en réforme davantage de vaches et d’envoyer plus de veaux à l’abattoir, ce qui a permis d’augmenter les revenus du secteur.
Le prix pondéré du lait pourrait-il varier en 2025?
En novembre 2024, la Commission canadienne du lait (CCL) a annoncé une très légère baisse (-0,02 %) du prix du lait à la ferme en 2025. Cependant, le prix pondéré moyen n’est pas entièrement établi en vertu du système de gestion de l’offre. Une proportion d’environ 11 % de la matière grasse (en poids) est destinée aux produits de la classe 5, une catégorie de lait dont tous les composants sont déterminés par les prix américains (le prix des solides non gras dans certains produits de la classe 4 est également déterminé par les prix américains). Le prix de la poudre de lait écrémé a commencé à augmenter au cours du deuxième semestre de 2024 (figure 6), ce qui a légèrement stimulé les prix pondérés moyens au Canada.
L’USDA projette que le prix de la poudre de lait écrémé aux États-Unis atteindra en moyenne 1,30 $/lb en 2025, ce qui représenterait une augmentation de 5,4 % par rapport à 2024. Toutefois, ce prix est assujetti aux forces du marché et pourrait augmenter ou diminuer au cours de l’année. Notre analyse montre qu’une variation de 10 % du prix du lait de classe III modifie le prix pondéré du lait moyen de 0,5 %, toutes choses étant égales par ailleurs. Par conséquent, si les producteurs espèrent une augmentation des prix en 2025, celle-ci devra provenir d’une hausse des prix du lait aux États-Unis.
Figure 6 : Le prix de la poudre de lait écrémé aux États-Unis a augmenté vers la fin de l’année 2024
Transformation des aliments : Qui sont les plus vulnérables face aux barrières commerciales?
Après une année de ventes à peu près stables, les transformateurs d’aliments et de boissons sont confrontés à la perspective d’une nouvelle année difficile en 2025. Plusieurs secteurs sont fortement tributaires des exportations et sont donc vulnérables à un renforcement du protectionnisme commercial.
Les États-Unis sont le plus grand marché pour les produits alimentaires exportés par le Canada, représentant 30 % des ventes d’aliments transformés et 10 % de celles de boissons transformées. Son poids économique, sa proximité et ses similitudes culturelles en font une destination idéale pour les entreprises canadiennes. Cependant, le manque de diversification expose le secteur à des risques. Les tarifs douaniers proposés par le futur président Trump augmenteraient les prix des produits canadiens par rapport à ceux des États-Unis et exerceraient une pression financière sur les secteurs qui dépendent fortement des exportations vers les États-Unis. Le secteur du sucre et de la confiserie est particulièrement vulnérable, étant donné que plus de 80 % de ses ventes proviennent des exportations vers les États-Unis (figure 7).
Pour les entreprises qui vendent principalement sur le marché intérieur, il y a toujours lieu d’être attentif aux guerres commerciales potentielles ayant une incidence sur les ingrédients importés et la dépréciation du dollar canadien.
Figure 7 : La dépendance à l’égard du marché d’exportation des États-Unis varie d’un sous-secteur à l’autre
La hausse des coûts limitera les ventes d’équipements agricoles
Au cours des deux dernières années, le coût des équipements neufs à l’acre a augmenté plus rapidement que les revenus agricoles à l’acre, de sorte que le coût des équipements, en proportion des revenus agricoles, a atteint un niveau record depuis dix ans (figure 8). Il n’est donc pas surprenant que les ventes d’équipements agricoles aient été faibles.
Figure 8. L’équipement agricole reste cher par rapport aux revenus
Selon les projections, les ventes d’équipement agricole neuf devraient rester mitigées jusqu’en 2025, les agriculteurs subissant une pression causée par le recul du prix des produits de base, la hausse du prix des équipements et un resserrement de la rentabilité. Toutefois, le déclin des ventes devrait être moins important qu’en 2024, et les ventes de tracteurs à quatre roues motrices devraient rester supérieures à la moyenne quinquennale. Cette tendance n’est pas propre au Canada; les agriculteurs américains sont confrontés au même problème. En raison de la faible demande, les fabricants d’équipements agricoles américains ont réduit la production.
Cette faible demande a également affecté le marché des équipements d’occasion, entraînant une augmentation des stocks. L’année dernière, certains concessionnaires ont vendu leurs stocks excédentaires aux enchères à des prix inférieurs. Nous prévoyons que cette tendance se poursuivra en 2025, car davantage d’équipements d’occasion seront vendus aux enchères. Toutefois, les prix des équipements neufs ne baisseront peut-être pas autant, car ils sont principalement établis en dollars américains et la faiblesse prévue du huard tout au long de l’année exercerait une pression à la hausse sur les prix. De plus, si des tarifs douaniers sont ajoutés, les prix des équipements neufs augmenteraient davantage.
Dans l’ensemble, nous nous attendons à ce que les coûts globaux des équipements soient mieux alignés sur les revenus agricoles qu’au cours des deux dernières années.
Leigh Anderson, économiste principal
Graeme Crosbie, économiste principal
Amanda Norris, économiste principale
Justin Shepherd, économiste principal