Perspectives du secteur de la production de poulets à griller et d’œufs en 2025 : des vents contraires mais aussi un certain optimisme
Pour évaluer les perspectives du secteur de la production de poulets à griller et d’œufs en 2025, il faut tenir compte du ralentissement probable de la croissance démographique et de ses répercussions sur la demande. Malgré cela, il y a des raisons de faire preuve d’optimisme à l’égard du secteur en 2025. Les récentes éclosions de grippe aviaire posent un risque à la production et pourraient engendrer une hausse marquée des prix à la consommation. Toutefois, la production record d’œufs permet au secteur de gérer les perturbations à court terme de l’offre. Nous analysons tout en détail dans nos prévisions de 2025 à l’égard du secteur des poulets à griller et des œufs.
Préparer le terrain pour 2025
Avant de nous pencher sur 2025, réévaluons rapidement 2024. Dans notre billet de blogue d’août sur le secteur de la volaille, nous avons indiqué que l’USDA estimait que la croissance de la production de poulets à griller au Canada atteindrait 1,7 % en 2024. Depuis, l’organisation a encore revu ce chiffre à la baisse, sous 1,0 % de croissance.
Nous avons du mal à appuyer cette estimation. Tout d’abord, la croissance de la population était supérieure de 3,0 % au 1er juillet 2024 à celle de la même date en 2023. Sachant cela, la consommation de poulet par habitant devrait baisser de 1,3 % pour que le calcul de l’USDA soit valable. Or, les diminutions de la consommation de poulet par habitant ont toujours été très rares. De plus, une baisse de 1,3 % serait la plus forte enregistrée depuis 2011 (outre le choc de 2020). Par ailleurs, les volumes d’abattage depuis le début de l’année (jusqu’en novembre inclusivement) ont augmenté de 2,2 % par rapport à 2023. Statistique Canada publiera bientôt les résultats de 2024. Nous nous attendons à y constater une croissance de la production d’environ 2,5 %, ce qui est supérieur à l’estimation de l’USDA.
Quelle sera la demande de poulet en 2025?
Les niveaux de production sont établis pour répondre à la demande intérieure prévue. Par conséquent, pour comprendre la croissance de la production, il est important de comprendre les perspectives de la demande intérieure et l’état de la consommation au Canada en ce début de 2025.
La première chose à noter est que la croissance démographique devrait ralentir en 2025, mais nous ne savons pas exactement à quel rythme. Le directeur parlementaire du budget estime qu’il y aura un déclin de 0,2 %. Par ailleurs, Statistique Canada produit un large éventail de scénarios de croissance démographique. Selon ses projections, le scénario de croissance la plus faible correspond à un recul de 0,9 %, et son scénario de croissance la plus élevée, à un taux d’acroissement de 1,5 %. La Banque du Canada projette un taux de croissance moyen de 1,7 % sur les deux prochaines années.
Alors, comment une croissance démographique plus lente (ou même négative) influencera-t-elle la production de poulets à griller? Même s’il ne s’agit certainement pas d’une indication positive, nous avons quelques raisons de rester optimistes quant à la demande de poulet en 2025.
L’une des raisons est la compétitivité du prix de la protéine. Tous les principaux types de protéines ont connu des hausses de prix spectaculaires depuis novembre 2020 : les prix de détail du poulet ont bondi de 24 %, ceux du porc de 14 % et ceux du bœuf d’un impressionnant taux de 39 %. Toutefois, les prix des aliments pour animaux ont atteint un sommet au début de 2023 et ont continué de diminuer tout au long de 2024. La réduction des prix des aliments pour animaux exerce une pression à la baisse sur le prix minimum à la ferme des poulets à griller vivants et, plus loin dans la chaîne d’approvisionnement, sur les prix du poulet au détail. Depuis le début de l’année 2024, les prix de détail du poulet ont en effet régressé de 3,7 %, tandis que ceux du porc et du bœuf ont augmenté respectivement de 2,2 % et de 9,6 % (figure 1). Nous nous attendons à ce que les prix de détail du poulet restent concurrentiels en 2025, car les coûts des aliments pour animaux devraient rester bas, compte tenu de la quantité de maïs disponible aux États-Unis.
Figure 1 : Changements notables dans les prix de vente au détail des protéines depuis janvier 2024
Cet avantage relatif lié au prix, s’il persiste en 2025, pourrait accroître la consommation par habitant. Notre analyse montre que pour chaque variation de 1,0 % de la consommation par habitant, la production totale augmente de 0,5 %, toutes choses étant égales par ailleurs. En d’autres termes, si la personne moyenne mangeait 350 grammes supplémentaires de poulet, cela se traduirait par une production supplémentaire de 7 500 tonnes métriques (tm) de poulet à griller. La figure 2 ci-dessous met en évidence la relation entre la consommation par habitant et les variations de la production totale.
Figure 2 : Relation entre la croissance de la consommation par habitant et la croissance de la production totale
En août, nous avons souligné que les stocks de poulet congelé étaient historiquement élevés à l’approche de 2024 et qu’un retour à des niveaux de stocks plus habituels serait de bon augure pour la production dans la deuxième moitié de 2024 et au début de 2025. Cela s’est avéré le cas. En novembre 2024, les stocks étaient inférieurs de près de 12 % à ceux de novembre 2023. Les stocks de poulet congelé correspondent maintenant aux normes saisonnières (figure 3).
Figure 3 : Les stocks de poulet congelé ont diminué depuis le début de 2024, suivant les normes saisonnières
En somme, en supposant que le taux de croissance démographique est de 0,5 % et que les prix du bœuf et du porc évoluent conformément aux attentes actuelles, nous prévoyons une augmentation de la production de 1,2 % en 2025. Si la croissance de la population est inférieure à cette estimation, il en sera de même pour la croissance de la production de poulet à griller, qui restera probablement positive tout de même. À l’inverse, si les prix du bœuf et du porc montent de plus en plus ou si ceux du poulet restent stables, la croissance de la production de poulet à griller pourrait se révéler légèrement supérieure à notre estimation.
La récente épidémie de grippe aviaire pourrait poser des problèmes pour la production d’œufs
La grippe aviaire a fait sa réapparition en Amérique du Nord vers la fin de l’année 2024. L’USDA signale que depuis octobre 2024, plus de 120 troupeaux commerciaux ont été touchés, soit plus de 32 millions d’oiseaux aux États-Unis.
Au Canada, on comptait 84 sites infectés au début du mois de janvier. Il s’agit en grande majorité de troupeaux situés en Colombie-Britannique. Cette province a également été la plus touchée par la grande épidémie de grippe aviaire en 2022-2023, et le nombre de poules pondeuses a fortement diminué en conséquence. Au plus fort de la dernière épidémie, au début de 2023, la Colombie-Britannique ne comptait plus que 76 % de poules pondeuses par rapport à décembre 2020. En novembre 2024, le nombre de poules pondeuses dans la province était inférieur de 3 % à celui de décembre 2020, ayant chuté de 10 % rien qu’entre octobre et novembre. Cette baisse sur un mois, la plus importante depuis février 2023, découle des diverses éclosions qui ont eu lieu récemment (figure 4).
Figure 4 : Les poules pondeuses de la Colombie-Britannique ont été durement touchées par la grippe aviaire en 2022-2023
En novembre, les producteurs d’œufs canadiens avaient produit plus de 820 millions de douzaines d’œufs au cours des douze mois précédents, ce qui constitue un record. La période des Fêtes – moment où la demande en œufs est élevée – se trouve maintenant derrière nous. Un ralentissement de la demande au début de 2025 devrait permettre de reconstituer les stocks si nécessaire.
Lorsque la grippe aviaire a frappé en 2022-2023, les prix des œufs sont demeurés stables au Canada par rapport aux États-Unis. Par exemple, en janvier 2023, l’inflation du prix d’une douzaine d’œufs aux États-Unis a atteint 150 % sur un an. Au Canada, le prix des œufs n’avait augmenté que de 4 % au cours de ce mois. Même si une montée des prix est probable en raison de l’épidémie qui se prolonge, les consommateurs et les transformateurs peuvent s’attendre à une certaine stabilité, particulièrement parce que les autres coûts d’exploitation des producteurs et des transformateurs se sont consolidés par rapport à 2022-2023.
En conclusion
Le ralentissement de la croissance démographique pourrait faire reculer la demande totale, mais la demande de poulet par habitant reste forte. L’augmentation continue du prix des autres protéines, en particulier le bœuf, devrait stimuler davantage la demande de poulet. La propagation de la grippe aviaire demeure le principal risque pour les producteurs eux-mêmes et l’ensemble du secteur au cours de l’année à venir.
Économiste principal
Graeme Crosbie est économiste principal à FAC. Ses domaines d’intérêt portent notamment sur l’analyse et les perspectives macroéconomiques et sur l’analyse et la surveillance de l’industrie agroalimentaire canadienne. Ayant grandi sur une ferme laitière dans le sud de la Saskatchewan, il formule à l’occasion des observations sur la santé de l’industrie laitière du Canada.
Graeme est employé à FAC depuis 2013 et a consacré la plus grande partie de ces années à la gestion du risque. Il détient une maîtrise en gestion avec spécialisation en économie financière de l’Université de Cardiff ainsi que le titre d’analyste financier agréé (CFA).