Les pointages d’atténuation des risques demeurent élevés dans l’industrie agricole canadienne
Les risques sont inévitables en agriculture, et leur gestion constitue un élément clé de la prospérité d’une exploitation agricole. En 2020, nous avons analysé les stratégies de gestion des risques des exploitations agricoles canadiennes dans le cadre d’une enquête portant sur les perceptions des risques et la mise en œuvre par les producteurs de stratégies pertinentes de gestion des risques. Les deux dernières années ont donné lieu à de nouveaux défis : l’inflation et les hausses de taux d’intérêt, la guerre en Ukraine, les perturbations de la chaîne d’approvisionnement et bien d’autres difficultés. Il est donc temps de faire une petite mise à jour!
Notre méthode de mesure
En juillet, nous avons fait appel au groupe consultatif Vision FAC afin de comprendre comment l’évolution constante du contexte d’exploitation influe sur les stratégies d’atténuation des risques.
Nous avons regroupé les risques en cinq catégories :
Risque de production
Risque de commercialisation
Risque financier
Risque lié aux ressources humaines
Risque juridique
Chaque thème comporte plusieurs risques particuliers. Par exemple, la catégorie du risque financier comprend les taux d’intérêt, le fonds de roulement, le remboursement des dettes et les charges d’exploitation.
Nous avons élaboré une carte de pointage qui mesure la façon dont les producteurs d’un secteur donné font correspondre leur niveau de préoccupation (sur une échelle de 0 à 3) à divers outils de gestion du risque (par exemple, avoir un plan d’affaires, avoir des revenus non agricoles, utiliser la comptabilité d’exercice pour prendre des décisions).
Les pointages individuels sont pondérés en fonction du niveau de tolérance au risque des répondants, c’est-à-dire, une aversion au risque, une indifférence au risque ou une préférence pour le risque. Un pointage de 100 % indiquerait que, pour chaque risque cerné, il existe une stratégie d’atténuation appropriée. Inversement, un pointage égal à zéro indiquerait qu’il n’y a pas de stratégie d’atténuation du risque appropriée.
Dans l’ensemble, les stratégies de gestion du risque suivent les résultats de 2020
En 2022, le pointage de risque global se maintient à 82 % (tableau 1). Les pointages d’atténuation des risques de production ont augmenté (de deux points globalement) mais cette hausse a été annulée par une légère baisse des pointages d’atténuation des risques juridiques, des risques liés aux ressources humaines et des risques de commercialisation.
Tableau 1 : Pointages de risque par secteur et par catégorie (les variations par rapport à 2020 sont entre parenthèses)
Trois points à retenir de l’enquête
Voici trois points à retenir de l’analyse de cette année comparativement aux données d’enquête de 2020.
1. La gestion du risque de production continue de s’améliorer
Si on en croit notre pointage, les producteurs canadiens atténuent 89 % des risques de production, ce qui représente une augmentation de 2 % par rapport à 2020. Ce gain est en grande partie attribuable au secteur du bétail, bien que le pointage du secteur de la gestion de l’offre ait aussi augmenté. De légères baisses ont été enregistrées pour le secteur des céréales et oléagineux et celui des fruits et noix, et l’échantillon du secteur de la volaille et des œufs était trop petit pour que nous puissions en tirer des résultats statistiquement significatifs.
2. La catégorie du risque lié aux ressources humaines occupe toujours le dernier rang
L’approche en matière de gestion des risques liés aux ressources humaines pose toujours un défi important et le pointage de cette catégorie a diminué légèrement par rapport à 2020. Les exploitations agricoles canadiennes disposent de divers moyens d’atténuer ce type de risque, par exemple, élaborer un plan de transfert, souscrire une assurance en cas de blessure subie par un employé, ainsi que d’autres options qui peuvent donner un coup de main aux agriculteurs même lorsque ces derniers peuvent compter sur de la main-d’œuvre familiale. L’industrie agricole du Canada est de plus en plus préoccupée par les pénuries de main-d’œuvre, et elle a besoin de nouvelles stratégies novatrices pour attirer des travailleurs et les maintenir en poste.
3. Les stratégies de gestion des risques diffèrent d’un secteur à l’autre
Le secteur du bétail a été le plus prometteur pour l’augmentation des efforts d’atténuation des risques en 2020, et, en 2022, il a réduit l’écart avec les autres secteurs pour ce qui est du pointage de risque total. Les pointages des catégories du risque financier et du risque de production ont fait un bond évident en 2022. La mise en place de stratégies d’atténuation des risques financiers est certainement pertinente dans une période où l’inflation est élevée, les taux d’intérêt augmentent, les aliments pour animaux coûtent plus cher et les marges sont d’une grande variabilité.
Les pointages d’atténuation des risques juridiques sont les plus élevés dans le secteur de la production en serre, des fruits et des légumes. La complexité des options en matière de commercialisation au détail et l’absence de contrats à terme dans ce secteur, surtout compte tenu des répercussions de la pandémie sur la distribution, pourraient nécessiter des contrats plus détaillés et fréquents. Cela rendrait les stratégies de gestion des risques juridiques plus importantes et entraînerait une hausse des pointages de risques.
Une différence entre les résultats de 2020 et ceux de 2022 nous laisse perplexes : le pointage de risque de commercialisation a baissé dans plusieurs secteurs, allant même jusqu’à chuter de 10 points de pourcentage dans le sous-secteur des légumes et des melons. La catégorie du risque de commercialisation englobe les risques associés aux fluctuations des prix, aux variations de la valeur du dollar canadien et aux difficultés qui touchent la chaîne d’approvisionnement. La baisse du pointage pourrait être attribuable à la complexité particulière des stratégies d’atténuation des risques de commercialisation dans ces secteurs ou au choix des producteurs de se concentrer en priorité sur d’autres catégories de risque. Par exemple, les fermes frappées par des inondations, des incendies et des périodes de sécheresse l’année dernière commenceraient vraisemblablement par accorder plus d’importance à la gestion des risques de production et des risques financiers avant d’envisager de mettre en place des stratégies d’atténuation des risques de commercialisation.
En conclusion
Les exploitations agricoles déploient diverses stratégies d’atténuation des risques. Toutefois, une analyse rétrospective de leur efficacité peut révéler que certains secteurs d’activité de l’exploitation agricole peuvent exiger une attention accrue, car en agriculture, les risques évoluent constamment. Évaluer d’un œil critique l’efficacité des mesures antérieures de gestion des risques tout en mettant au défi les propriétaires d’exploitations agricoles de tenir compte des risques nouveaux et émergents devrait donner des résultats avantageux dans l’avenir.
Article par : Ainsley MacDougall, économiste