Explorer les tendances en matière d’abordabilité des terres agricoles en examinant le moment de l’achat et les recettes des cultures
L’agriculture canadienne a été confrontée à de nombreux défis en 2022, mais elle a réussi à produire de solides recettes monétaires agricoles et à dégager des marges bénéficiaires positives dans de nombreux secteurs. Le nombre de terres agricoles à vendre demeure limité, ce qui a fait grimper la valeur moyenne des terres cultivées de 12,8 % en 2022, comparativement à une hausse de 8,3 % en 2021. Les tensions inflationnistes ont conduit la Banque du Canada à augmenter son taux directeur en le faisant passer de 0,25 % au début de 2022 à 4,25 % à la fin de l’année.
Nous examinons ici l’abordabilité des terres par rapport au moment de l’achat, qui a été fortement touchée par la hausse des taux d’intérêt au Canada en 2022. Nous comparons en outre les paiements de terres et les recettes brutes générées par différentes rotations des cultures dans l’Ouest et dans l’Est du pays. Même si on observe des nuances importantes entre les provinces, l’abordabilité des terres agricoles se situe toutefois à son plus bas niveau ou presque depuis 20 ans.
Calculer le paiement annuel d’une terre agricole
La plupart des terres agricoles sont achetées avec des fonds propres et des fonds empruntés, et l’abordabilité des terres agricoles est fonction des prix des terres, des coûts de financement et des revenus agricoles.
Supposons qu’une nouvelle terre est payée avec une mise de fonds de 25 % et un prêt amorti sur 25 ans. Pour déterminer le paiement annuel de la terre agricole, nous utiliserons le taux d’intérêt effectif hebdomadaire pour les entreprises (une moyenne pondérée de divers taux d’intérêt des marchés), lequel était en moyenne de 4,4 % en 2022, en hausse comparativement à 2,3 % en 2021, pour estimer le paiement annuel d’une terre agricole.
La valeur des terres agricoles et les paiements annuels évoluent généralement au même rythme (figure 1). Au cours des 10 dernières années, la valeur des terres agricoles a augmenté en moyenne de 8,3 % par année. En 2022, la valeur a grimpé de 12,8 %, ce qui représente la plus forte hausse enregistrée depuis 2013. La valeur des paiements annuels a grimpé de 9,7 % par année au cours de la dernière décennie, mais en 2022, on a enregistré un bond important de 41 % pour atteindre 210 $ l’acre en raison de la hausse des taux d’intérêt.
Figure 1. Valeur moyenne des terres agricoles canadiennes comparée au paiement annuel moyen
Le moment de l’achat fait toute la différence
Les taux d’intérêt ont chuté pendant l’année 2020. C’est pourquoi les paiements d’une terre achetée au début de l’année étaient plus élevés que les paiements d’une terre achetée au même prix à la fin de l’année (figure 2). Pendant l’année 2021, les taux d’intérêt sont demeurés constants et les paiements des terres achetées au cours de l’année auraient été similaires.
En 2022, les taux d’intérêt ont augmenté de façon constante, ce qui s’est traduit par une augmentation importante des paiements selon le moment où la terre a été achetée. À la fin de 2022, les paiements annuels auraient été supérieurs de 75 $ l’acre pour des terres à prix équivalent au début de l’année.
Figure 2. Incidence du moment de l’achat et des taux d’intérêt sur les paiements annuels d’une terre agricole
Mesurer l’abordabilité des terres agricoles en examinant les recettes des cultures
L’évaluation des moyennes provinciales de rendement et de prix des cultures permet d’obtenir une estimation des revenus bruts pour une rotation maïs-soya en Ontario et au Québec et pour une rotation canola-blé en Saskatchewan et en Alberta. Les paiements des terres agricoles exprimés en proportion des revenus bruts permettent d’obtenir une estimation de l’abordabilité des terres agricoles.
Les exploitations du Québec et de l’Ontario ont enregistré des recettes par acre tirées des cultures semblables au cours de la dernière décennie. Les écarts dans les paiements de terres agricoles en pourcentage des recettes s’expliquent principalement par le prix des terres (figure 3). En 2022, l’achat d’une nouvelle terre en Ontario représentait des paiements équivalant à 85 % des recettes brutes des cultures, égalisant le sommet record enregistré en 2019. Pendant ce temps au Québec, les paiements représentaient 56 % des recettes brutes tirées des cultures, soit un pourcentage légèrement supérieur à sa moyenne sur dix ans. Différentes dynamiques du marché des terres agricoles expliquent les écarts dans les prix des terres agricoles.
Figure 3. Paiements annuels moyens des terres en pourcentage des recettes brutes des cultures (rotation maïs‑soya)
La valeur des terres agricoles de la Saskatchewan et de l’Alberta dépend principalement des recettes céréalières. Le diagramme suivant illustre une rotation canola-blé. En 2022, les paiements de terres par rapport aux recettes brutes des cultures ont connu une légère hausse (figure 4). En Alberta, le ratio a atteint 43 %, ce qui est supérieur à la moyenne à long terme (37 %), mais inférieur au sommet atteint en 2019. En Saskatchewan, le ratio s’établissait à 24 %, ce qui est supérieur à la moyenne historique (18 %) et juste en deçà du sommet atteint en 2019. Les recettes brutes des cultures ont augmenté dans les deux provinces au cours de la dernière décennie, mais la valeur des terres agricoles et les paiements correspondants progressent plus rapidement.
Figure 4. Paiements annuels moyens de terres en pourcentage des recettes brutes des cultures (rotation blé‑canola)
À surveiller sur le marché des terres agricoles en 2023
Après des creux historiques en 2021, les taux d’intérêt ont progressé rapidement tout au long de 2022, ce qui s’est traduit par des hausses prononcées des paiements pour les terres nouvellement achetées. Les taux d’intérêt devraient rester proches des niveaux actuels au cours de l’année 2023, ce qui signifie que les paiements annuels de terre demeureront bien au-dessus des niveaux observés il y a un an. Les recettes monétaires agricoles devraient demeurer vigoureuses, mais les coûts élevés des intrants et les frais d’intérêt exigent une évaluation approfondie des risques financiers auxquels s’expose chaque exploitation à mesure que l’environnement économique évolue.
Économiste principal
Justin Shepherd est économiste principal à FAC. Lorsqu’il s’est joint à l’équipe en 2021, il se spécialisait dans la surveillance de la production agricole et l’analyse des tendances de l’offre et de la demande à l’échelle mondiale. En plus de faire des présentations sur l’agriculture et l’économie, Justin participe régulièrement au blogue des Services économiques de FAC.
Il a grandi dans une ferme mixte en Saskatchewan et il est toujours actif au sein de l’exploitation agricole familiale. Justin est titulaire d’une maîtrise en économie appliquée et gestion de l’Université Cornell, ainsi que d’un baccalauréat en agroentreprise de l’Université de la Saskatchewan.