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Une utilisation plus efficace de l’eau peut transformer l’agriculture canadienne

18 sept. 2024
7 min de lecture

Les céréales ont besoin de pluie. Des quantités suffisantes de précipitations pendant la période de croissance sont essentielles pour obtenir de bons rendements. Cela souligne le rôle crucial que joue l’eau dans l’agriculture canadienne et dans les aliments que nous consommons. Pourtant, peut-être en raison de la perception du public à l’égard de l’abondance des ressources en eau, les Canadiens ne font pas forcément ce lien. C’est plutôt en période de sécheresse extrême que cette précieuse ressource reçoit l’attention qu’elle mérite.

La consommation en eau dans le secteur agricole a en effet augmenté ces dernières années en raison des conditions sèches. Le plus récent Système de comptabilité économique et environnementale du Canada – Comptes des écosystèmes, qui a été publié en juillet dernier, indique que plus de deux milliards de mètres cubes d’eau ont été utilisés pour la production de cultures en 2021, ce qui représente 6,1 % de la consommation industrielle d’eau (figure 1). En incluant la production animale, la part de l’agriculture dans la consommation industrielle d’eau a atteint un sommet de 11 %.

Alors, à quel point l’augmentation de la consommation d’eau en agriculture est-elle importante et comment le Canada se compare-t-il aux autres grands producteurs agricoles du monde?

Figure 1 : Part de l’agriculture canadienne dans la consommation industrielle totale d’eau

La figure 1 montre que la part de l’agriculture canadienne dans la consommation industrielle totale d’eau a augmenté pendant la sécheresse de 2021

Sources : Statistique Canada, calculs effectués par FAC

Comment nous comparons-nous aux autres?

Pour répondre à cette question, nous avons utilisé Aquastat, une base de données des Nations Unies. Aquastat examine l’utilisation de l’eau par l’agriculture en proportion du prélèvement total d’eau (le prélèvement total d’eau comprend l’agriculture, l’industrie et les municipalités), ce qui n’est pas comparable aux données de Statistique Canada mentionnées ci-dessus, mais cette information est néanmoins utile parce qu’elle est normalisée et permet des comparaisons entre les pays.

Il s’avère que la consommation d’eau de l’industrie agricole canadienne est relativement faible par rapport aux principaux exportateurs agricoles mondiaux (figure 2), à l’exception des Pays-Bas. Le pays se situe en effet dans une catégorie à part en raison de ses pratiques efficaces de gestion de l’eau, qui comprennent notamment l’utilisation de techniques d’irrigation avancées et la réutilisation des eaux usées à des fins agricoles.

Figure 2 : Part de l’utilisation agricole de l’eau en proportion du prélèvement total d’eau

Un graphique montre que la part de l’agriculture canadienne dans la consommation totale d’eau reste faible par rapport aux principaux concurrents mondiaux

Sources : AQUASTAT DE LA FAO, calculs effectués par FAC

Si le Canada fait relativement bonne figure dans sa consommation totale d’eau à des fins agricoles, cela ne veut pas dire qu’il n’est pas possible d’améliorer les choses. Ainsi, le Canada pourrait améliorer l’efficacité de sa consommation d’eau, définie ici comme la valeur ajoutée par mètre cube utilisé pour l’irrigation des terres agricoles. Selon les données d’Aquastat, le Canada génère environ 0,25 $ US de valeur ajoutée par mètre cube utilisé pour l’irrigation des terres (figure 3). Bien que ce résultat soit supérieur aux États-Unis et à l’Ukraine, il est inférieur à ceux obtenus par l’Australie, le Brésil et les Pays‑Bas. Comme indiqué plus haut, les Pays-Bas sont dans une catégorie à part en raison de leur efficacité élevée, mais aussi de leurs cultures à forte valeur ajoutée, telles que les fleurs et les légumes haut de gamme, ce qui signifie qu’il n’est pas réaliste de reproduire leur succès. Il est toutefois possible de viser les mêmes niveaux d’efficacité que le Brésil et l’Australie, qui produisent des cultures essentiellement semblables à celles du Canada.

Figure 3 : Efficacité de l’utilisation de l’eau dans l’agriculture irriguée en 2021

Graphique montrant l’efficacité de la consommation d’eau dans l’agriculture irriguée au Canada par rapport à ses principaux concurrents mondiaux

Source : AQUASTAT DE LA FAO – NU

L’Australie et le Brésil ont été confrontés à des conditions de sécheresse et des pénuries d’eau, mais ils ont entrepris des initiatives pour améliorer leur consommation d’eau et accroître leur valeur ajoutée par mètre cube d’eau utilisé pour l’irrigation des terres. Ils ont mis en place des pratiques efficaces de gestion de l’eau, comme l’établissement de calendriers d’irrigation en fonction des besoins des cultures et des conditions météorologiques, afin d’optimiser l’utilisation de l’eau. Les progrès technologiques ont joué un rôle important, notamment grâce à des capteurs et des systèmes d’irrigation intelligents. Le Brésil a remplacé ses méthodes traditionnelles d’irrigation par inondation par une irrigation au goutte‑à‑goutte plus efficace. Depuis plus de dix ans, le Canada accuse un retard par rapport à ces pays en ce qui concerne l’efficacité de l’utilisation de l’eau et cet écart s’est creusé depuis 2015, en partie à cause des sécheresses (figure 4).

Figure 4 : Efficacité de l’utilisation de l’eau dans l’agriculture irriguée

Graphique illustrant l’efficacité historique de l’irrigation au Canada comparativement à celle de l’Australie et du Brésil

Sources : AQUASTAT DE LA FAO, calculs effectués par FAC

De toute évidence, il est possible d’améliorer l’efficacité de la consommation d’eau. Avec les bons investissements, le Canada pourrait produire plus avec moins d’eau. Cela correspond tout à fait à notre point de vue de longue date selon lequel l’augmentation de la productivité dans le secteur agricole peut être très lucrative pour le Canada.

Investir dans l’efficacité : en faire plus avec moins d’eau

De quels types d’investissements s’agit-il?

Il est vrai qu’au cours des dernières décennies, le secteur agricole a réalisé des investissements, notamment grâce au remplacement des pivots d’irrigation à haute pression par des pivots à basse pression. Certains ont également ajouté des coins à bras à ces pivots. Ce changement a permis d’augmenter de près de 20 % la superficie des terres pouvant être irriguées. Dans les districts d’irrigation [en anglais seulement], les canaux à ciel ouvert ont été remplacés par des conduites en béton, réduisant ainsi l’évaporation avant que l’eau n’atteigne le champ.

Que peut-on faire d’autre pour améliorer l’efficacité de l’utilisation de l’eau?

Par exemple, les systèmes d’irrigation intelligents permettent d’économiser l’eau, grâce notamment à des capteurs de température et de sol qui aident à déterminer les meilleurs moments pour arroser les cultures. Ils contribuent également à améliorer le suivi de la consommation d’eau, ce qui permet aux agriculteurs de comparer leur rendement à des données de référence et de cerner les points pouvant faire l’objet d’une amélioration continue, d’économiser l’eau et de réduire les coûts énergétiques par la même occasion. Une autre option est l’irrigation souterraine, qui consiste à installer des conduites d’eau sous pression dans le sol, ce qui utilise beaucoup moins d’eau qu’un pivot traditionnel puisqu’il n’y a pas d’évaporation. Certains producteurs canadiens [en anglais seulement], étant des adopteurs précoces, ont investi dans ce système qui, selon les premières indications, pourrait réduire la consommation d’eau de 50 %, puisqu’il fournit de l’eau directement aux racines des végétaux. Une réduction de la consommation d’eau signifie que davantage d’acres peuvent être irrigués et que l’on peut prévenir des réductions supplémentaires dans la répartition de l’eau.

Outre la modernisation des systèmes d’irrigation, les agriculteurs peuvent également étendre la mise en œuvre de pratiques exemplaires de gestion des terres, notamment la rotation des cultures adaptée aux conditions sèches, la plantation de variétés tolérantes à la sécheresse et la réduction du travail du sol, autant de moyens qui permettent d’économiser efficacement l’eau.

Les investissements susmentionnés, bien que coûteux, offrent aux agriculteurs une protection contre de futures sécheresses. Cela peut contribuer à atténuer la volatilité des récoltes et par conséquent la rentabilité des exploitations à long terme. Les programmes gouvernementaux peuvent contribuer à réduire les coûts de ces investissements pour les agriculteurs. Un grand nombre de ces programmes s’inscrivent dans le Partenariat canadien pour une agriculture durable, un cadre stratégique fédéral‑provincial-territorial qui finance des projets visant à améliorer la gestion de l’eau, les systèmes d’irrigation ou l’eau pour le bétail. Les producteurs agricoles intéressés peuvent obtenir du financement sur les sites Web de leur gouvernement provincial, qui proposent divers autres programmes.

En conclusion

Les récentes sécheresses ont fait ressortir l’importance d’améliorer la gestion de l’eau, en particulier dans le secteur agricole. Grâce à des investissements judicieux axés sur une consommation plus efficace de l’eau, dont certains sont mentionnés dans ce rapport, les exploitations agricoles peuvent augmenter leur production tout en utilisant moins d’eau. Cela peut également contribuer à atténuer les effets négatifs des futures sécheresses sur les récoltes, à stabiliser les rendements et à rendre l’agriculture plus rentable à long terme.

x.com/AndersonLeigh3
Leigh Anderson

Économiste principal

Fort de son expérience dans les marchés agricoles et la gestion du risque, Leigh Anderson est économiste principal à FAC. Il est spécialisé dans la surveillance et l’examen du portefeuille de FAC et de la santé de l’industrie, et il livre des analyses sur les risques liés à l’industrie. En plus de faire des présentations sur l’agriculture et l’économie, Leigh participe régulièrement au blogue des Services économiques de FAC.

Leigh est entré en fonction à FAC en 2015 au sein de l’équipe des Services économiques. Il œuvrait auparavant auprès de la Direction des politiques du ministère de l’Agriculture de la Saskatchewan. Il est titulaire d’une maîtrise en économie agricole de l’Université de la Saskatchewan.