Quel est votre mode de prise de décision à la ferme?
Chacun prend ses décisions à sa manière. Certains sont des analystes disciplinés qui ont recours à une approche systématique. D’autres se fient à leur intuition. Beaucoup de gens, voire la plupart, combinent ces deux approches à divers degrés.
Y a-t-il des pratiques exemplaires en matière de prise de décisions que les agriculteurs peuvent adapter à leur situation particulière? Voici les points de vue d’un agriculteur et d’un professeur de commerce qui est également agriculteur.
Méthode d’un agriculteur
Si l’on considère l’éventail des activités agricoles et commerciales de Jeff Carlson, il apparaît évident qu’il a pris de nombreuses décisions judicieuses au fil des ans.
Je pense qu’un producteur est plus susceptible de regretter la terre qu’il n’a pas achetée.
« Je représente la quatrième génération de notre ferme, dit-il. Elle existe depuis 120 ans, alors il va sans dire que j’ai été témoin des avantages que procure une réflexion fondée sur une vision à long terme, qui s’étend sur une et même deux générations. »
Parallèlement à cette tradition bien ancrée d’agriculture et de propriété foncière, M. Carlson use d’une stratégie décisionnelle systématique. Cette stratégie fonctionne pour ses décisions agronomiques quotidiennes, mais il l’emploie aussi lorsqu’il porte un regard sur les années, et même les décennies à venir.
Fixez-vous un échéancier. Dans le cas d’une décision comme l’achat d’une terre, M. Carlson croit qu’il est important de se fixer un échéancier. « Sinon, vous risquez de vous empêtrer dans les analyses, de consulter les mêmes données encore et encore sans que rien de concret se produise », fait-il valoir.
Sollicitez des points de vue. M. Carlson sollicite les conseils de son avocat et de son comptable, ainsi que de ses amis et de ses partenaires d’affaires actuels et précédents. « En raison de leur formation, votre comptable et votre avocat sont vigilants, dit M. Carlson, qui est lui-même avocat. Cette attitude est louable, mais un excès de prudence entraîne l’immobilisme. »
Menez des recherches sur l’environnement commercial. M. Carlson lit de nombreuses publications traitant d’agriculture et d’affaires. Il assiste aussi à des conférences de l’industrie et à des salons commerciaux et est ouvert aux idées de ses collègues experts-conseils. Les renseignements qu’il obtient ainsi reflètent le climat dans lequel il prendra des décisions.
Tenez compte de la portée de la décision. Propriétaire de 19 000 acres, M. Carlson s’y connaît en matière d’achat de terre. En vertu de sa stratégie décisionnelle, par exemple, il considère qu’une acquisition éventuelle de terre comporte au moins trois aspects à étudier attentivement et en détail. Le premier est d’ordre financier : le coût de la terre cadre-t-il avec son plan financier? Le deuxième porte sur la productivité : vaut-il la peine d’exploiter cette terre? Le dernier est d’ordre personnel : dans quelle mesure cette terre s’insère-t-elle dans la vision d’avenir de la famille selon une perspective à long terme?
Tâchez de rallier les membres de la famille. Au fil des ans, M. Carlson a constaté que l’un des principaux points forts de sa famille est la façon dont ses membres se concertent pour prendre de grandes décisions. « Il arrive que nous ne soyons pas d’accord, dit-il, mais, de façon générale, nous sommes capables d’adopter une stratégie d’affaires officielle, et nous nous efforçons de mettre de côté nos émotions. »
Suivez votre intuition. Si le processus décisionnel de M. Carlson est systématique, cela ne signifie pas pour autant qu’il aborde les décisions de façon froide et à la manière d’un automate. Les facteurs subjectifs sont aussi pris en considération. Si votre intuition est en contradiction avec les données, elle n’est pas nécessairement mauvaise pour autant.
« Il m’est arrivé à de nombreuses reprises de prendre une décision même si je ne détenais pas toute l’information nécessaire, affirme M. Carlson. Assurément, il arrive que la famille ou les associés doivent simplement se serrer les coudes et sauter le pas, à condition de le faire ensemble. »
Liste de contrôle de la prise de décisions stratégiques, version MBA
Le terme « stratégie » vous intimide? Soyez rassuré! Selon Glen Whyte, professeur de commerce à l’Université de Toronto, il s’agit d’un terme savant pour une notion toute simple.
« En réalité, une décision stratégique est une décision importante qui a des conséquences à long terme et qui, une fois prise, est difficile à modifier », résume M. Whyte, dont la famille exerce l’agriculture dans la région de Peterborough, en Ontario.
Si vous étiez étudiant à la maîtrise en administration des affaires (MBA) dans la classe de M. Whyte, la prise de décisions stratégiques vous donnerait des maux de tête pendant des mois et des années. Mais pour ses confrères agriculteurs canadiens, il la résume en cinq questions essentielles à se poser, et qui représentent ce qu’il appelle la résolution de problème intégrée.
Quels buts essayez-vous d’atteindre? Évaluez comment la décision s’inscrit dans votre plan d’affaires global et demandez-vous si d’autres options pourraient aussi vous aider à atteindre vos buts.
Votre analyse est-elle rigoureuse? « Il est peut-être dans la nature humaine de prendre une décision, puis de faire marche arrière et de trouver des arguments qui la justifient, explique M. Whyte. Assurez-vous de faire cette analyse en premier lieu. »
Comment la décision influe-t-elle sur le niveau de risque de l’entreprise? « Même s’il existe des moyens d’atténuer ces risques, vous voudrez peut-être accepter un niveau de risque plus élevé, et non l’inverse, à condition que ce risque vous rapporte des avantages suffisants », fait valoir M. Whyte.
Si la démarche s’avère infructueuse, quelle en est la cause? Avant de déclencher le processus décisionnel, M. Whyte vous recommande d’effectuer une « analyse hypothétique ». « Il s’agit d’un exercice d’imagination ou de gymnastique mentale. Projetez-vous dans un an et imaginez que la décision a mené à un désastre. Essayez de trouver les raisons de l’échec. » Cet exercice vous permet de déceler les risques inhérents à la décision avant même de la prendre, et pourrait vous aider à mettre au jour des risques que vous n’aviez pas entièrement pris en compte.
En cas d’échec, quelles sont les prochaines étapes? « D’ordinaire, lorsque nous échouons, au lieu d’adopter un autre plan d’action, nous redoublons d’ardeur à employer une stratégie qui ne fonctionne pas. » Le fait d’avoir un plan B et de prévoir le moment où vous le mettrez en œuvre vous aidera à gérer les répercussions d’une décision qui ne produit pas les résultats escomptés.
L’entreposage du grain à la ferme comporte son lot d’avantages. Même s’il est utile d’accroître sa capacité d’entreposage, il est important d’avoir un plan d’ensemble.