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Tour d’horizon économique du premier trimestre de 2025 : possibilités à long terme pour l’économie canadienne, malgré le ralentissement à court terme attribuable aux perturbations commerciales

12 mars 2025
7 min de lecture
plateforme de transport multimodal

La menace des barrières commerciales américaines continue de peser sur l’économie canadienne. Les tarifs douaniers généralisés que la Maison-Blanche avait promis d’imposer au Canada en février ont été reportés à mars, puis à avril. Pour l’instant, nous maintenons notre prévision de croissance de 1,6 % du PIB du Canada en 2025, même si cette estimation sera probablement revue à la baisse au cours de l’année si les tarifs douaniers américains ne sont pas reportés de nouveau.

Si le Canada ne peut contrôler les décisions prises par ses partenaires commerciaux, il peut en revanche influencer son propre destin. Une politique axée sur la stimulation de la productivité contribuerait sans doute à absorber le choc des tarifs douaniers, en particulier la suppression ou l’assouplissement des obstacles au commerce interprovincial. Dans notre survol économique de ce trimestre, nous nous penchons sur cette idée vieille de plusieurs décennies et récemment remise au goût du jour.

L’économie était déjà vulnérable avant le choc commercial

Les prévisionnistes n’étaient pas particulièrement optimistes quant aux perspectives économiques du Canada en 2025, et ce, avant même la crise des tarifs douaniers. L’économie canadienne stagne depuis maintenant deux ans, la croissance réelle du PIB s’étant maintenue à une moyenne modeste (1,5 %) nettement inférieure au potentiel estimé. Pire encore, le PIB réel par habitant, un indicateur de la qualité de vie, a chuté au cours de ces deux années, ce qui souligne les difficultés persistantes du Canada à intensifier sa productivité.

La faiblesse de la croissance de la productivité, donc du PIB réel par habitant, est en fait un thème récurrent depuis les vingt dernières années. On peut aisément comprendre pourquoi. Depuis 2002, les investissements des entreprises dans la machinerie, les équipements et la propriété intellectuelle ne cessent de diminuer en pourcentage du PIB, à tel point que leur proportion a atteint un maigre taux de 5,6 % l’année dernière. Cette situation contraste fortement avec celle des États-Unis, où la part de l’investissement dans l’économie a augmenté régulièrement pour atteindre près de 11 % l’année dernière (figure 1).

Figure 1 : Les investissements des entreprises canadiennes vont dans la mauvaise direction

Figure 1 : Graphique linéaire montrant l’investissement en pourcentage du PIB au Canada et aux États-Unis.

Sources : Statistique Canada, U.S. Bureau of Economic Analysis, Services économiques FAC

Cette tendance à la baisse de l’investissement canadien doit impérativement être inversée si l’on veut relancer la productivité. Une mesure concrète qui pourrait être utile à cet égard consisterait à simplifier l’environnement réglementaire au Canada. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) classe le Canada au 25rang sur 38 dans son indicateur global de la réglementation des marchés de produits (qui est une évaluation approximative de la façon dont les politiques favorisent la concurrence et l’innovation). Le Centre sur les politiques scientifiques canadiennes a désigné le fardeau réglementaire comme l’obstacle le plus important à l’innovation au Canada. Les investissements des gouvernements et des entreprises sont intrinsèquement liés. Des dépenses publiques ciblées peuvent améliorer la productivité, mais l’émission d’obligations d’État pour financer ces dépenses peut faire augmenter les taux d’intérêt à long terme, ce qui freine l’investissement privé (un effet indésirable appelé « l’effet d’éviction »).

Permettre les échanges commerciaux interprovinciaux aiderait à absorber le choc des menaces de tarifs

Un autre moyen de relancer la productivité est d’éliminer les barrières commerciales internes. Au cours des dernières semaines, l’idée de réduire les barrières commerciales interprovinciales pour stimuler la croissance économique et contrecarrer les effets économiques négatifs des droits de douane américains a été soulevée. Ce concept qui n’a rien de nouveau avait été prescrit par la Commission Rowell-Sirois en 1940.

Qu’entend-on exactement par barrières commerciales interprovinciales? Il existe essentiellement des règles et des règlements qui entravent la circulation des marchandises et de la main-d’œuvre entre les provinces, comme les règlements sur le camionnage, les exigences en matière de permis et de licences ou les règles de santé et de sécurité. Dans le secteur des aliments et des boissons, on peut citer comme exemples la vente et la distribution d’alcool (sur lesquelles les gouvernements provinciaux exercent un contrôle plus ou moins important et qui sont régies par des règlements différents d’une province à l’autre) et de viande (pour vendre aux acheteurs d’autres provinces, il faut être un abattoir inspecté par le gouvernement fédéral, ce qui peut s’avérer coûteux).

La réduction de ces obstacles serait extrêmement bénéfique. Une étude menée en 2019 par le Fonds monétaire international (FMI) indique que les barrières internes non géographiques équivalent à des droits de douane de 21 % que nous nous imposons à nous-mêmes – et ce taux monte à environ 27 % pour les produits alimentaires. En 2022, Trevor Tombe, économiste à l’Université de Calgary, a estimé que l’élimination de ces barrières pourrait accroître le PIB du Canada dans une proportion de 4,4 % à 7,9 %. Selon la Banque du Canada, une guerre commerciale prolongée avec les États-Unis retrancherait 2,5 % du PIB. En se fondant sur ces estimations, la suppression des entraves commerciales interprovinciales ferait plus que compenser l’impact sur le PIB des tarifs américains.

Dans un sondage récent, Statistique Canada a constaté que plus de 45 % des entreprises agricoles ont rencontré au moins un obstacle à la vente de biens ou de services dans une autre province. Outre les questions liées au transport, les règles fiscales provinciales, la difficulté d’obtenir des permis ou des licences et le volume de formalités administratives sont des problèmes courants pour les acteurs du secteur (tableau 1).

Il existe, bien sûr, des obstacles géographiques qui rendent le commerce interprovincial naturellement difficile. En effet, les principaux obstacles indiqués dans le tableau ci-dessous reflètent cette réalité. Les barrières existent bel et bien, et les écarter permettrait de générer une augmentation significative de la croissance économique.

Tableau 1 : Obstacles les plus courants au commerce interprovincial dans le secteur agricole

Obstacle

Pourcentage d’entreprises ayant rencontré l’obstacle

Coût du transport

34,9

Distance entre le point d’origine et la destination

12,6

Disponibilité du transport

11,0

Manque de rentabilité

10,7

Lois fiscales provinciales ou territoriales

6,1

Difficulté à obtenir les permis et licences

5,0

Trop de paperasse à remplir

4,3

Lois linguistiques provinciales ou territoriales

4,0

Difficulté à respecter les règlements en matière de transport

4,0

Difficiles à respecter les règlements de l’industrie de cette entreprise

3,8

Source : Statistique Canada

La réduction des barrières commerciales interprovinciales est une solution pour stimuler la productivité

Une diminution des embûches commerciales internes permettrait aux investisseurs d’accéder plus facilement à l’ensemble du marché national, ce qui rendrait les investissements au Canada plus attrayants, tout en stimulant la productivité.

Pour mieux comprendre cette hypothèse, nous avons créé un indice des flux commerciaux provinciaux qui tient compte de la dépendance d’un secteur au commerce interprovincial ainsi que du degré auquel ce secteur est confronté à des obstacles au commerce interprovincial. Comme l’illustre la figure 2, il existe une relation positive entre l’indice des flux commerciaux provinciaux et la croissance de la productivité. Autrement dit, les secteurs où le commerce se fait plus facilement entre les provinces ou dont le commerce interprovincial est plus vigoureux ont tendance à afficher une meilleure croissance de la productivité. Dans le contexte de l’analyse du FMI mentionnée ci-dessus (concernant les barrières commerciales interprovinciales équivalant à un tarif interne de 21 %), les chiffres sont tout à fait logiques.

Figure 2 : Les secteurs où les échanges interprovinciaux sont plus faciles et plus fréquents ont tendance à avoir des taux de croissance de la productivité plus élevés

Figure 2 : Diagramme de dispersion illustrant une corrélation positive, c’est-à-dire qu’une facilité et une fréquence plus grandes des échanges interprovinciaux tendent à s’accompagner d’une croissance plus élevée de la productivité.

Sources : Statistique Canada, Services économiques FAC

Il est clair que d’autres facteurs contribuent à expliquer les écarts de croissance de la productivité observés entre les différents secteurs au cours des dix dernières années. Néanmoins, la relation existe, et les efforts visant à réduire les obstacles qui nuisent au commerce interprovincial ne peuvent que contribuer à rehausser la croissance de la productivité.

En conclusion

Même si nous maintenons inchangée notre prévision de 1,6 % pour la croissance du PIB du Canada en 2025, dans l’attente d’une plus grande clarté sur la politique commerciale des États‑Unis, nous reconnaissons qu’il existe un risque important de révision à la baisse de cette estimation. Les conséquences économiques négatives des tarifs douaniers américains seront aussi diversifiées que l’économie canadienne elle-même. Les répercussions possibles sont dans l’ensemble défavorables au PIB, à l’emploi, à la productivité et au dollar canadien. Dans ce contexte négatif à court terme, il existe des possibilités, comme l’assouplissement des barrières au commerce interprovincial, qui permettraient à l’économie canadienne de mieux se positionner à long terme.

Résumé des prévisions concernant les principales variables économiques

Tableau présentant les variables économiques, passées et prévues pour les années 2023 à 2025.

Sources : Services économiques FAC, Bloomberg

x.com/Graeme_Crosbie
Graeme Crosbie

Économiste principal

Graeme Crosbie est économiste principal à FAC. Ses domaines d’intérêt portent notamment sur l’analyse et les perspectives macroéconomiques et sur l’analyse et la surveillance de l’industrie agroalimentaire canadienne. Ayant grandi sur une ferme laitière dans le sud de la Saskatchewan, il formule à l’occasion des observations sur la santé de l’industrie laitière du Canada.

Graeme est employé à FAC depuis 2013 et a consacré la plus grande partie de ces années à la gestion du risque. Il détient une maîtrise en gestion avec spécialisation en économie financière de l’Université de Cardiff ainsi que le titre d’analyste financier agréé (CFA).